Pour aboutir dans ses réformes, le fin matois sut nous prendre par notre coté faible. Les jeux languissaient dans sa division, ce qui est l’indice d’un mauvais état d’esprit ; il s’ingénia à les remettre en faveur, à en créer de nouveaux et à les imposer par l’attrait de l’inédit. Ouvrier habile, il confectionna lui-même, au début de l’hiver, une série de traineaux aussi bien que l’eussent fait des gens de métier.

Il nous apprit à s’en servir dans les allées du parc. A la grande allée, la descente eût été impossible à cause de la quasi impossibilité de prendre le virage au bas. Le traineau arrivant avec la vitesse que l’on sait était projeté par dessus le talus dans les champs ou contre les arbres fruitiers qui le bordaient ; c’était un saut dans le vide d’au moins deux mètres, qui n’allait pas sans inconvénient, lorsque la neige était peu abondante. Comme d’autre part l’allée était fortement bombée et ravinée de chaque côté par les eaux, il y avait une réelle difficulté pour les conducteurs maladroit à garder le milieu de la piste. Le moindre faux coup de talon les précipitait dans les ornières ravinées et provoquait des chutes dangereuses. Le père Gautheron en sait quelque chose ! Qui se brisa ainsi une jambe ! On dut bientôt renoncer à la grande allée et trouver une pente plus douce. Le père Gogniat choisit l’allée qui aboutit au champ d’Amance et qui depuis à porté son nom.

Venu des montagnes de la Suisse, très familiarisé avec les traineaux, il apprit la manière de s’en servir pour dévaler les pentes et ce genre de sport qui ne va pas sans danger fut réglementé par lui avec une excessive sévérité. Il appliquait dans ces moments là ce qu’il appelait « sa discipline de fer ».

Chaque traineau pouvait revoir quatre élèves l’un derrière l’autre. Le premier qu’on appelait le « chef » devait seul conduire et son brevet de pilote lui était décerné officiellement par le père Gogniat en pleine étude ; il avait la responsabilité matérielle et morale du traineau en ce sens que, si une infraction quelconque était commise, si une collision venait à se produire par le fait de son escouade, c’est lui qui en était le responsable devant le père Gogniat et les punitions lui tombaient dessus avec une prodigalité inouïe.

Placé en tête, le chef de traineau était le plus exposé en cas de déraillement ou de rencontre. L’habileté consistait alors de trouver sur la piste ou dans le bois un endroit propice à la culbute. Il fallait donc au chef de traineau de la force, de l’habileté, de la décision et de l’autorité.

Le père Gogniat utilisait peu les traineaux, si ce n’est que pour pratiquer sa surveillance . Malgré sa prudence et son habileté, il lui arrivait de culbuter avec son équipe, ce qui, chez tous les spectateurs provoquait des explosions de gaieté et d’ironiques applaudissements.

SOUVENIRS DE ST REMY HTE SAONE, (E. BERGERET), N°60, 1913, p.5-7

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