Le projet missionnaire du Père Chaminade

En préparant cette intervention, j’ai eu le sentiment que je n’apprendrais rien à un certain nombre d’entre nous, habitués à travailler sur le projet de nos fondateurs et qui seraient plus compétents que moi pour en parler.

Je vous livrerai en toute simplicité les découvertes que j’ai faites, en espérant qu’elles enrichiront notre connaissance de la Famille marianiste et qu’elles donneront envie à certains de faire un voyage aux origines marianistes.

Voici quelles ont été mes sources : j’ai beaucoup appris dans la lecture de l’ouvrage du Père Benlloch, récemment traduit : ’Chaminade, son message aujourd’hui’.

Depuis un certain nombre d’années, nous nous sommes accoutumés à parler de la Famille marianiste et nous avons bien conscience d’appartenir à cette famille, à des titres divers : comme membres des CLM, de l’Alliance mariale ou des deux congrégations, Jeunes de la famille marianiste…

Il est bon de se renouveler, de raviver nos connaissances et nos convictions ; en effet, le danger serait d’en rester à une connaissance un peu vague qui ne soit pas source d’un véritable dynamisme au service de la mission et de l’Eglise. Il est nécessaire de savoir d’où est sortie cette famille, de regarder de près le projet apostolique du Père Chaminade et de nous réjouir des initiatives qu’il inspire aujourd’hui.

Ceux qui parmi nous ont eu la chance et je dirais même la grâce de participer à la béatification du Père Chaminade, le 3 septembre 2000, se souviennent-ils du passage de l’homélie du Pape Jean Paul II relative à notre Fondateur ? Réécoutons ces paroles qui nous livrent les mots clés du projet marianiste tel que l’Eglise l’a reconnu en béatifiant notre fondateur.

“ La béatification durant l’année jubilaire de Guillaume-Joseph Chaminade, fondateurs des marianistes, rappelle aux fidèles qu’il leur appartient d’inventer sans cesse des manières nouvelles d’être témoins de la foi notamment pour rejoindre ceux qui sont loin de l’Eglise et qui n’ont pas les moyens habituels de connaître le Christ.

Guillaume-Joseph Chaminade invite chaque chrétien à s’enraciner dans son baptême qui le conforme au Seigneur Jésus et lui communique l’Esprit Saint. L’amour du Père Chaminade pour le Christ le pousse à poursuivre inlassablement son œuvre par des fondations de familles spirituelles, dans une période troublée de l’histoire religieuse de la France. Son attachement filial à Marie l’a maintenu dans la paix intérieure en toute circonstance, l’aidant à faire la volonté du Christ. Son souci de l’éducation humaine, morale et religieuse est pour toute l’Eglise un appel à une attention renouvelée pour la jeunesse qui a besoin tout à la fois d’éducateurs et de témoins pour se tourner vers le Seigneur et prendre sa part de la mission de l’Eglise… ”

Les mots clés, vous les avez entendus : le fondateur des marianistes invite les fidèles, dont nous sommes, à inventer des manières nouvelles d’être témoins de la foi, de rejoindre ceux qui sont loin.

Appartenir à la famille marianiste, c’est donc prendre une part active à la mission de l’Eglise, mission qui s’enracine dans le baptême, qui se vit dans l’attachement filial envers Marie.

Avez-vous remarqué d’autre part que le Pape Jean-Paul II présente le Père Chaminade comme le fondateur de familles spirituelles qui poursuivraient son œuvre ?

A aucun moment, il ne fait allusion aux instituts religieux fondés par G J Chaminade, mais il parle de familles spirituelles.

Ecoutons maintenant notre fondateur

Le 8 octobre 1814, le Père Chaminade écrivait à Adèle de Trenquelléon : “ Je vais vous dire mon secret tout entier. Je rentrais en France, il y a quatorze ans avec la qualité de Missionnaire apostolique dans toute notre malheureuse patrie. Je ne crus pas pouvoir mieux en exercer les fonctions que par l’établissement d’une Congrégation telle que celle qui existe. Chaque congréganiste, de quelque sexe, de quelque âge, de quelque état qu’il soit, doit devenir membre actif de la mission. ”

Je reviens maintenant à un texte plus proche de nous, le décret sur l’apostolat des laïcs, promulgué le 18 novembre 1965

“ L’Eglise est faite pour étendre le règne du Christ à toute la terre, pour la gloire de Dieu le Père ; elle fait ainsi participer tous les hommes à la rédemption et au salut ; par eux, elle ordonne en vérité le monde entier au Christ. Les laïcs tiennent de leur union même avec le Christ Chef le devoir et le droit d’être apôtres. Insérés qu’ils sont dans le Corps mystique du Christ, fortifiés grâce à la confirmation, c’est le Seigneur lui-même qui les députe à l’apostolat. A tous les chrétiens donc incombe la très belle tâche de travailler sans cesse pour faire connaître et accepter le message divin du salut par tous les hommes sur toute la terre. ”

Ces trois textes : la lettre du Père Chaminade, le texte de Vatican II et l’homélie de Jean Paul II nous situent face à la mission de tout chrétien : par son baptême, il est configuré au Christ et envoyé dans le monde comme porteur d’une Bonne Nouvelle.

Voyons donc de quelle manière notre fondateur a cherché à mettre en route les baptisés de son époque pour faire de chacun d’eux un véritable missionnaire.

Ce sera la première partie de cet exposé que j’intitulerai : “ Le projet apostolique du Père Chaminade ”

Dans la seconde partie, je vous propose de découvrir “ La famille marianiste aujourd’hui ”
Dans cette partie, j’aborderai au moins succinctement nos liens, nos relations, ce qui évolue… car la famille marianiste est une réalité vivante.

Enfin, en conclusion, nous reviendrons à ce que Vatican II dit de la mission des baptisés et nous verrons de quelle manière notre fondateur fut un novateur, un précurseur.

Le projet apostolique du Père Chaminade

Petit rappel chronologique

8 avril 1761 : Guillaume Joseph Chaminade naît à Périgueux
14 mai 1785 : il est ordonné prêtre et il exerce les fonctions de professeur et d’économe au collège de Mussidan.
Début 1791 : Les prêtres de St Charles de Mussidan refusent de prêter serment à la constitution civile du clergé ; ils doivent se disperser
Janvier 1792 : Guillaume Joseph Chaminade s’établit à Bordeaux où il restera jusqu’en 1797, exerçant son ministère de manière clandestine.
A l’automne 1797 Il doit s’exiler à Saragosse
Novembre 1800 : Il est de retour à Bordeaux
8 décembre 1800 : Début de la congrégation de Bordeaux qui regroupe des laïcs consacrés à Marie et poursuivant des buts apostoliques
28 mars 1801 : Il est nommé missionnaire apostolique
Automne 1808 : Début de la correspondance avec Adèle de Trenquelléon
Avril 1813 : La ‘petite société’ fondée par Adèle est définitivement affiliée à la congrégation de Bordeaux
25 mai 1816 : Chaminade et Adèle de Trenquelléon fondent l’institut des Filles de Marie
2 octobre 1817 : Chaminade fonde la Société de Marie.

1792-1797 : Une période d’épreuve : une Eglise persécutée et missionnaire

De 1792 à 1797, le Père Chaminade exerce son ministère de manière clandestine, comme tous ceux qui n’ont pas prêté serment à la constitution civile du clergé. Dans ce contexte germe l’idée d’un prêtre exerçant son apostolat avec des collaborateurs laïcs.

Ceux-ci sont nombreux à travailler dans l’ombre pour faciliter le ministère des prêtres : des associations se forment pour prier et faire pénitence pour la conversion des pécheurs. Les femmes tiennent une place considérable : elles visitent les prisons, circulent dans les tribunaux, transmettent les nouvelles, portent la communion aux prisonniers.

Marie Thérèse de Lamouroux est de celles-là. On se retrouve dans l’ambiance de l’Eglise primitive. Déjà, le père Chaminade travaille à promouvoir la responsabilité, la formation et l’activité des laïcs dans l’Eglise. Lorsque, profitant d’une accalmie en 1795, il ouvre un oratoire au 44 rue Ste Eulalie, il se consacre non seulement aux prêtres qui avaient prêté serment et qu’il était chargé de réconcilier, mais aussi aux jeunes.

“ De ce groupe de jeunes, qu’avec une claire vision de l’avenir il reçoit et forme, sortira une génération de prêtres, de religieux et de religieuses, de fondateurs et de fondatrices, de laïcs, hommes et femmes, engagés dans une véritable mission.

Comme l’écrit un célèbre historien du diocèse de Bordeaux en évoquant tout ce monde qui se groupait autour du Père Chaminade à cette époque, “ dans ces réunions de jeunes gens et de jeunes filles se préparait l’Eglise de Bordeaux des années 1800 ” (Guillemain. Histoire des diocèses de France)

1797-1800 : le temps de l’exil : le temps du mûrissement

A Saragosse, le Père Chaminade retrouve un certain nombre de prêtres français en exil comme lui. Voici ce qu’écrit le Père Benlloch : “ Il est indispensable de connaître l’ambiance qui régnait parmi les prêtres français dans cette ville, les orientations qu’ils recevaient de leurs évêques et les rêves et les projets qu’ils désiraient réaliser après leur retour en France. .. ”

Nous savons que le Père Chaminade était en contact avec un évêque français, l’archevêque d’Auch. C’est lui qui chargea le Père Chaminade de l’administration du diocèse de Bazas et qui appuya la demande que le fondateur adressa au Saint Siège pour obtenir le titre de ‘Missionnaire apostolique’. Avec deux autres évêques, il avait demandé la rédaction d’un traité de la conduite à tenir après la persécution’.

Un autre livre, que le Père Chaminade a sans doute eu entre les mains après son retour en France, traite de la conduite que peuvent se proposer les prêtres appelés à travailler au rétablissement de la religion catholique en France.

En voici quelques lignes : “ Il sera indispensable au début d’utiliser des laïcs, instruits, appliqués, qui prépareront le chemin et disposeront les autres à nous recevoir. Quelquefois ils seront mieux adaptés que nous pour franchir les premières étapes… ”

Vers la fin de son séjour à Saragosse, le Père Chaminade écrit à M T de Lamouroux : “ Prenez courage : les années s’écoulent ; nous avançons, ma chère Thérèse. Nous avançons notre carrière, vous et moi, et nous sommes à peu près de même âge : nos corps s’usent et nous n’avons encore rien fait. Il est question de commencer tout de bon et de faire quelque chose pour la gloire de Jésus Christ notre bon Maître. Pensez-y, j’y penserai aussi. ”

1800 : le retour à Bordeaux / naissance de la Congrégation mariale

Le Père Chaminade rentre en France dans la première quinzaine de novembre 1800. Dès son retour, il reprend contact avec les personnes connues au temps de son ministère clandestin et noue de nouvelles relations. Le 8 décembre 1800 naît la congrégation avec douze membres.

La rapidité de cette mise en œuvre montre que le projet était mûr avant même le retour du Père Chaminade à Bordeaux.

“ Il ne s’est pas consacré à un vague ministère pastoral ou à des activités administratives comme aurait pu l’exiger sa responsabilité à l’égard du diocèse de Bazas. Il n’est pas dans l’expectative, il ne passe pas son temps à écrire. Les notes qu’on a conservées de lui…sont toutes centrées sur la vie chrétienne et l’animation et l’organisation de la Congrégation. L’idée de Chaminade était claire : fonder une Congrégation mariale avec des membres laïcs. ”

D’où viennent ces personnes du groupe fondateur ?

Certaines ont appartenu à d’anciennes congrégations supprimées par suite de la Révolution. Parmi les premiers membres de la congrégation, on rencontre des prêtres, d’anciens soldats, des commerçants, des professeurs et même un cordonnier.

La Congrégation qui naît réunit en son sein des prêtres et des séculiers, appartenant à des couches sociales très diverses. Voilà qui est nouveau et qui renoue avec le christianisme primitif.

Caractéristiques de la Congrégation mariale

Un caractère marial :Dès le début, la congrégation de Bordeaux est placée sous le patronage de Marie Immaculée. Ce titre met l’accent sur un mystère de fidélité à la grâce, d’intime association à l’œuvre du salut, de victoire sur les forces du mal.

La congrégation est une pépinière de serviteurs de Marie pour la propagation de la ferveur religieuse à divers niveaux de la société. En mai 1803, Chaminade écrit au Saint Père :

“ Très Saint Père, Depuis quelques années, l’Eglise a eu la consolation de voir s’établir et s’augmenter considérablement, de jour en jour, dans la ville de Bordeaux, une réunion de la jeunesse de l’un et l’autre sexe, sous les auspices et l’invocation de l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, Mère de la jeunesse. Des prêtres et des laïques, d’un âge mûr et d’une piété solide, se sont particulièrement dévoués à l’encouragement et à la stabilité de cette œuvre salutaire et tout donne lieu d’espérer que moyennant la grâce de Dieu cette intéressante pépinière de serviteurs de Marie est appelée à propager l’esprit de la religion dans les divers états de la société qu’elle est destinée à occuper un jour. ”

Il est intéressant de noter ici que l’acte de consécration à Marie qui figure dans le manuel du serviteur de Marie à partir de 1814 commence par le renouvellement des promesses du baptême.

Un esprit communautaire : Voici ce qu’écrit le P Chaminade dans un texte de 1806

“ La congrégation est une société de fervents chrétiens… qui, en vue d’imiter les chrétiens de la primitive Eglise essaient dans leurs fréquentes rencontres d’avoir un seul cœur et une seule âme et de former une seule et même famille… ”

Chaminade insiste sur la nécessité absolue de se soutenir mutuellement au sein de la Congrégation : “ L’union des premiers chrétiens est celle qui doit exister parmi les congréganistes ; elle est fondée sur la charité totale. La charité est la source et le lien des trois adorables personnes de la Très Sainte Trinité. Cette union des esprits et des cœurs dans toutes les âmes fait en quelque sorte une âme unique dans des corps multiples… ”

Une communauté missionnaire qui connaît une très rapide expansion

De douze en décembre 1800, ils sont une centaine début 1802. A Noël 1802, le groupe des hommes, la congrégation des pères de famille est mis en place. Le groupe des dames de la retraite existe vers 1803. En trois années, Chaminade a lancé une congrégation mariale qui regroupe environ 500 personnes. Il ne s’agit pas d’un groupe d’élite ni d’un refuge pour petit nombre.

C’est une grande communauté de chrétiens, ouverte à tout le monde, dans laquelle même les plus faibles peuvent réaliser l’idéal chrétien . “ Chaminade était convaincu que la communauté chrétienne est la meilleure méthode apostolique pour propager le salut. Cela voulait dire : créer une communauté de vie chrétienne, lui donner une cohésion interne, l’animer intensément en sorte que tous deviennent meilleurs ; lui donner une grande force d’expansion missionnaire en vue d’augmenter le nombre de ses membres. Telle était la méthode du P Chaminade. ” (P Benlloch p 68)

Une communauté formatrice de la foi

Dès 1802, la congrégation accueille des jeunes gens qui n’ont pas ou peu d’éducation chrétienne : ils deviennent aspirants, ils suivent une sorte de catéchuménat sous la direction d’un congréganiste bien formé et joyeux camarade.

A la fin de cette période, ces jeunes gens peuvent, s’ils le souhaitent, être intégrés dans la congrégation. Chaminade demande aux congréganistes de se préoccuper de leur formation, il insiste sur la lecture, prévoit des salles de lecture et des bibliothèques pour les congréganistes.

1808 : la rencontre providentielle avec Adèle de Trenquelleon

En 1808, la mère d’Adèle, au cours d’un séjour à Figeac rencontre Jean Baptiste Lafon, membre de la congrégation de Bordeaux. Au cours de la conversation, elle lui parle de la petite société fondée par sa fille en août 1804.

Jean Baptiste Lafon suggère qu’Adèle prenne contact avec le Père Chaminade, ce qui est fait par correspondance. Le but en est d’affilier la petite société qui compte alors une soixantaine de membres, à la congrégation de Bordeaux. Il faudra quatre années d’attente et de préparation pour que ce soit réalité, en avril 1813.

En février de cette même année, Adèle écrit à Agathe Diché, son associée des premières heures : “ Propageons la famille de la très pure Marie. Ramassons le plus que nous pourrons de jeunes cœurs sous son égide et à la gloire de notre divin Maître. ”

Mais déjà Adèle est habitée par ce qu’elle appelle le cher projet, le projet de se réunir en communauté religieuse, d’émettre des voeux et de se consacrer à remédier aux misères physiques et morales du milieu rural dont elle mesure l’abandon.

Elle s’en ouvre au Père Chaminade qui a son propre projet, une vie consacrée en plein monde, inconnue du public et dont le but serait d’animer et de diriger la Congrégation et à travers elle, de multiplier les chrétiens., (Ce que le Père Chaminade a nommé de divers noms notamment : l’état religieux embrassé par des chrétiens vivant dans le monde, d’où le nom : ‘Etat’ ).

Il faudra plusieurs décennies pour que naissent les instituts séculiers… Là aussi notre fondateur est un novateur.

Devant ces différences, le Père Chaminade prend le temps de la réflexion et de la prière et il écrit le 30 août 1814 : “ Certains veulent vivre dans une communauté régulière abandonnant toute affaire temporelle. Il faut suivre cette inspiration. ” Le Père Chaminade a changé d’avis, mais par contre il insiste sur la finalité d’une communauté religieuse régulière : être au service de la congrégation.

Ecoutons encore le Père Benlloch : “ Si quelqu’un disait : Adèle et Chaminade ont fondé les Filles de Marie ; plus tard, le Père Chaminade a fondé la branche masculine des Filles de Marie ”, il surprendrait probablement bien des gens. Et pourtant ce point de vue n’est pas très loin de la réalité historique.

Nous avons vu qu’Adèle avait donné une orientation nouvelle concrète au projet du Père Chaminade. La fondation des Filles de Marie a convaincu ce dernier qu’une communauté régulière pouvait fort bien servir les intentions de son projet pastoral. ”

Nous avons suivi pas à pas le développement du projet missionnaire du Père Chaminade : d’abord les groupes de laïcs, l’état religieux dans le monde, puis dans la foulée, mais avec la durée nécessaire au mûrissement du projet, les deux congrégations religieuses. “ Les deux congrégations furent fondées, c’est leur raison d’être, pour se mettre au service des communautés laïques. ”

Dans l’introduction à son ouvrage, le Père Benlloch annonce clairement la conviction à laquelle il est parvenu ; “ …la part la plus riche du message de Chaminade ne tient pas dans les deux congrégations (religieuses) qu’il a fondées mais il faut les mettre en relation avec les autres institutions qui leur ont donné naissance. En fait, l’Institut des Filles de Marie et la Société de Marie ont été créés pour répondre à des besoins urgents et importants apparus dans les premières fondations. Chaminade a senti le besoin de s’adjoindre un groupe de personnes qui pourraient faire le même travail que lui : dynamiser et propager ces congrégations laïques, en vue de rechristianiser la France. Ce groupe de responsables serait comme un Père Chaminade multiplié et perpétué. C’est le sens de l’expression connue dans le monde marianiste :’l’homme qui ne meurt pas’ ”.

Nous pouvons aborder maintenant la seconde partie de cet exposé : la Famille marianiste aujourd’hui.

La famille marianiste aujourd’hui

Appartenir à la famille marianiste, c’est s’engager consciemment à vivre de la spiritualité missionnaire enseignée par le Père Chaminade, chacun selon son propre état de vie.

Membres des CLM, laïques consacrées dans l’Alliance mariale, membres des deux instituts religieux, nous trouvons notre unité dans deux éléments fondamentaux :

  • Notre volonté de nous laisser former par l’Esprit à la ressemblance avec le Christ, en sachant que Marie coopère à cette action
  • Participer à la mission de Marie et nous intégrer chacun avec nos capacités dans la mission de l’Eglise.

Ceci posé, il est bon de repérer quelques étapes dans l’évolution de la prise de conscience que nous étions une famille. Cette évolution s’est faite depuis un peu plus de trente ans. Je le ferai à travers les écrits des divers chapitres généraux des deux instituts et à travers les textes votés par les CLM.

Ce ne sont que quelques repères, il en existe sans doute d’autres.

La famille marianiste dans la Règle de vie des deux instituts

Dans la Règle de Vie de la Société de Marie (1983), nous pouvons lire ceci : “ L’une des raisons principales de la fondation de la Société de Marie et de l’Institut des Filles de Marie a été d’assurer l’existence et le développement d’une communauté plus vaste, comprenant des groupes de chrétiens de tous les états de vie et qui s’inspire de la spiritualité marianiste. L’ensemble de ces groupes est appelé Famille marianiste. ”

On retrouve l’idée de Chaminade, de l’homme qui ne meurt pas, les deux instituts sont comme le garant de l’esprit marianiste.

Les Filles de Marie révisent leur Règle de vie en 1982, conformément aux directives du concile Vatican II et le texte est approuvé en 1984. La famille marianiste est ainsi définie : “ La famille marianiste se compose de groupes de chrétiens engagés dans divers états de vie. Les uns et les autres sont appelés à vivre l’alliance avec Marie et à participer à sa mission. La Congrégation entretient avec eux et en particulier avec la Société de Marie, des liens de fraternité et de collaboration au service de l’Eglise. ” (…) “ Faire connaître, aimer et servir Marie est un des aspects de la vocation marianiste. C’est pourquoi les sœurs collaborent avec les différents groupes de la Famille marianiste… ”

Le chapitre général de 1992, va plus loin : “ Nous travaillons à la mission avec les autres branches de la famille marianiste. Nous éprouvons une joie profonde chaque fois que nous voyons notre charisme partagé par des laïcs. Dans cette perspective, les fraternités ne représentent pas une œuvre parmi d’autres, mais ‘nos partenaires’ dans la vigne du Seigneur. A ce titre, elles occupent une place dans nos projets communautaires, même si une seule sœur accompagne une fraternité. ”

5 ans plus tard, au chapitre général de 1997, voici la trame du document final :  En alliance avec Marie, suivre Jésus-Christ, dans la famille marianiste : “ Nous sommes appelées à témoigner de la complémentarité des vocations, dans une union sans confusion, et de la possibilité de vivre une fraternité qui soit signe du royaume, à l’exemple des premiers chrétiens. Signe prophétique pour notre temps, cellule d’Eglise bien située dans l’ecclésiologie de Vatican II, la Famille marianiste est particulièrement adaptée à l’Evangélisation. Nous y trouvons l’audace et la force de travailler à la mission en faisant alliance avec Marie dont la vocation est de coopérer à la naissance et à l’éducation des disciples de son Fils. ”

Du côté des instituts religieux, la réflexion avance ; mais que se passe-t-il du côté des CLM ?

En 1993, a lieu à Santiago , la première rencontre internationale des communautés laÏques. On y vote le texte appelé ‘Charte de Santiago ”. Que dit cette charte ?

“ Les CLM sont des communautés chrétiennes au service de la mission de l’Eglise dans le monde. Membres de ces communautés, nous faisons partie de la Famille marianiste et nous nous inspirons du charisme des fondateurs, le Père Guillaume-Joseph Chaminade et Mère Adèle de Batz de Trenquelléon. Le baptême nous a appelés à devenir conformes à Jésus Christ, Fils de Dieu devenu Fils de Marie pour le salut du monde. La vocation marianiste nous appelle à rendre présent le Christ au monde, en nous laissant mener par l’Esprit, en alliance avec Marie. ”

Dans ce texte, on ne trouve pas de mention de la collaboration avec les autres membres de la famille.

Il faut attendre 1997 et la rencontre de Lliria pour qu’une référence soit faite de manière explicite : “ Les CLM travaillent avec les autres branches de la famille marianiste pour remplir leur mission. Notre esprit de famille et de collaboration entre laïcs et religieux, inspirés par Marie, est notre contribution spécifique à l’Eglise et au monde. ”

En 1996 , un tournant important avait été pris avec la création du Conseil mondial de la famille marianiste. Et je me réfère ici à ce qu’écrit Roger Bichelberger en complément au livre du Père Benlloch , livre publié en 1987 et qui ne peut tenir compte des développements des dernières années.

Voici ce qu’écrit Roger Bichelberger : “ Les statuts du conseil mondial de la famille marianiste organisent le ‘gouvernement’ de la famille marianiste, les membres en sont les responsables mondiaux de chacune des branches qui assurent la présidence à tour de rôle…Leur mission : promouvoir un véritable esprit de famille, conjuguer le respect de chaque branche dans un esprit d’interdépendance, décider à l’unanimité pour les éventuelles actions communes. Leur fonction : bâtir la famille, à travers toutes sortes d’initiatives susceptibles d’être élargies à l’avenir. ”

Le Père Chaminade, un précurseur…

Pour terminer, prenons quelques instants pour parcourir quelques textes significatifs du Concile Vatican II et écoutons ce qu’il dit de la tâche apostolique des baptisé.

“ L’apostolat des laïcs est une participation à la mission salutaire elle-même de l’Eglise : à cet apostolat, tous sont appelés par le Seigneur lui-même en vertu du baptême et de la confirmation. …Tout laïc constitue un témoin et en même temps un instrument vivant de la mission de l’Eglise elle-même, à la mesure du don du Christ. ” (Lumen gentium n° 33)

“ Cette espérance, les laïcs ne doivent pas la cacher dans le secret de leur cœur, mais l’exprimer aussi à travers les structures de la vie du siècle par un effort continu de conversion, en luttant ‘contre les souverains de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal’ (Eph 6,12) ” (Lumen gentium n° 35)

Notre fondateur nous apparaît comme doublement novateur : d’une part, à travers la Congrégation mariale, il donne aux laïcs un moyen puissant de prendre toute leur place dans la mission de l’Eglise ; d’autre part il est à l’origine d’une famille spirituelle où vivent fraternellement des personnes engagées dans divers états de vie, toujours pour la mission de l’Eglise, ainsi que le décrivent les statuts du Conseil mondial :

“ La famille marianiste se conçoit donc comme une famille spirituelle avec une structure qui unit laïcs, religieux et religieuses sur un pied d’égalité. Cette structure et cette organisation de Famille permettent d’exprimer et de révéler aujourd’hui le charisme de fondation. La vocation missionnaire à laquelle elle est appelée se réalise pleinement quand les quatre branches unissent leurs efforts. ”

Que la rencontre de ce jour nous permette de prendre davantage conscience de la vocation missionnaire de notre famille et de le transmettre à nos fraternités.

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