Les Fondateurs et l’éducation de la foi

A l’origine de nos Congrégations, nous faisions le vœu d’éducation de la foi et des mœurs chrétiennes. Cette expression, un peu surprenante aujourd’hui, correspond aux besoins de l’époque : toute l’Eglise avait ce souci de redonner les bases de la foi dans un pays où la pratique religieuse s’était effondrée et où le manque d’éducation pendant les années de révolution se faisait cruellement sentir. En cela, le Père Chaminade est bien du XIX° siècle.

Ceci dit, on ne peut qu’être frappé, en reprenant les instructions de retraite sur la foi, les conseils pour la prière, de voir à quel point le Père Chaminade relie foi et vie.

L’esprit de l’Institut, disait-il, est un esprit de « foi pratique ». Autrement dit, si l’on ne s’efforce pas de progresser dans les vertus, la prière ne sera guère fructueuse, et une prière qui ne produirait aucun progrès dans la vie devrait poser question.

Et le cœur de la prière, c’est la foi.

Que dit le Père Chaminade quand il parle de la foi ?

Il donne d’abord tout un contenu très largement développé. Il se fait enseignant, interprète de la doctrine de l’Eglise, dont le peuple qu’il côtoie manque cruellement : sur Dieu, Créateur, miséricordieux, sur le Fils (les Mystères du Christ sont commentés), l’Esprit (il parle plus souvent de la grâce), la condition de pécheur de l’homme, l’Eglise, Marie et les fins dernières (toute retraite à l’époque devait s’attarder longuement sur la mort, l’enfer, le paradis).

Ces considérations ne sont pas seulement intellectuelles. Elles doivent me décentrer de moi pour me conduire peu à peu à admirer, adorer Dieu, désirer lui appartenir, l’aimer. C’est le but de l’enseignement. Mais la foi est aussi don de Dieu, à recevoir ; « demandons-la avec instance, cette foi vive, ardente, cette foi d’amour. Mais lorsqu’il nous la donnera, n’en mésusons pas, mais devenons meilleurs, accomplissant ses commandements pour l’avoir et soyons-y fidèles lorsque nous l’aurons : être fidèle, c’est agir selon ce don de la foi. » (retraite de 1813)

Nous décentrer de nous-mêmes pour entendre la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu, nous conduit à vivre selon une loi nouvelle, une loi d’amour, que l’on ne peut suivre sans la grâce. Le Père Chaminade parle beaucoup de vertus, qui sont des comportements conformes à l’Evangile.

« La foi est la racine qui donne de la solidité aux vertus, c’est elle qui les attache à notre cœur. Les vertus sans la racine de la foi sont aussi faciles à sortir de notre cœur qu’un arbre dont on a coupé les racines dans la terre. Elle est racine parce que c’est elle qui nourrit les vertus, leur donne de la sève, de l’action ; et plus cette racine sera faible, petite et mal nourrie, plus l’arbre de la vie éternelle sera petit et languissant. Munissons donc notre foi par la grâce, en l’implorant et en nous servant du grand moyen pour l’obtenir, l’humilité. »

Il ne s’agit donc pas d’acquérir des vertus à la force du poignet, par des exploits ascétiques, mais de se laisser guider peu à peu par la foi, dans une attitude de discernement sur ce qui est bon pour moi, dans mon chemin vers Dieu.

La foi a besoin d’être alimentée. Le Père Chaminade donne à ce sujet des instructions très précises aux responsables des Congrégations, chargés de veiller sur chaque membre.

Il faut leur donner :

  • les aliments de l’esprit que sont
  • la fréquentation de l’Ecriture Sainte
  • la lecture de livres de piété
  • la fidélité à assister aux instructions données à la Madeleine : la pédagogie est très élaborée : « Le sujet est ordinairement indiqué par M. le Directeur. L’un des membres de l’Assemblée est chargé de le proposer et de donner, s’il le veut, quelque développement ; mais il est libre à chacun d’y proposer ses réflexions, ses incertitudes, ses embarras, ses vues propres auxquels chacun des autres peut répondre à son tour. M. le Directeur est toujours attentif et présent pour prévenir que le sens humain ne se même à ce qui serait de doctrine. Il facilite au besoin le développement des principes de morale que l’on y traite d’habitude… La simplicité des moins habiles y devient souvent une source de richesse pour tous les autres. La gaieté n’y est point étrangère. On y est dans une même famille ; on s’y formera peu à peu à ces mœurs qu’avaient les premiers chrétiens, si du moins nous savons mériter que la grâce seconde le dessein d’une si pieuse et si aimable institution. »

Il est noté que ces aliments de l’esprit doivent être mesurés. Il ne s’agit pas de « dévorer » des livres, mais de bien se nourrir au bon moment pour pouvoir en vivre.

Les aliments du cœur que sont :

  • Les sacrements
  • Les exercices de piété. Le Père Chaminade ne manque pas de donner des conseils pour la prière
  • Les œuvres de charité.

Le Père Chaminade ne perdait jamais de vue que l’on ne chemine pas seul. C’était le but de la Congrégation de Bordeaux. « Un chrétien isolé est un chrétien en danger ». Mais un chrétien a aussi besoin d’être guidé et accompagné par quelqu’un de plus avancé que lui dans ce chemin de la foi.

C’est ce qui a conduit à l’élaboration de plusieurs « Méthodes de direction », dans lesquelles se trouvent la fameuse « Méthode des vertus ».

Il est intéressant de noter l’insistance avec laquelle le Père Chaminade indique aux « directeurs » (ceux qui accompagnent les congréganistes ou les religieux), que le contenu des méthodes ne doit être donné que peu à peu, en ne demandant aux personnes que ce dont elles semblent capables à un moment donné. Cela manifeste le grand sens de l’Incarnation du Père Chaminade.

Dieu est venu dans notre vie, pour la prendre telle qu’elle est, nous sauver là où nous avons besoin de l’être, et non pour faire de nous des géants vertueux.

Cette adaptation permanente est un trait caractéristique du Père Chaminade, qui n’a cessé, au cours de sa longue vie, d’élaborer de nouvelles méthodes, de nouveaux moyens pour aider religieux et laïcs à cheminer dans la foi, à chaque fois que de nouvelles difficultés se présentaient.

Si nous voulons être fidèles au Père Chaminade, nous devons inventer aujourd’hui de nouveaux moyens d’aider nos frères à grandir dans la foi, comme l’Eglise nous y invite en ce moment.

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