Adèle et l’éducation chez les Filles de Marie

Adèle et l’éducation chez les Filles de Marie

Adèle est originaire du Lot et Garonne. Elle naît à peine plus d’un mois avant la Révolution française. C’est une aristocrate. Son père sert dans les Gardes françaises. Fidèle au Roi, il devra s’exiler en Angleterre.

Adèle aussi va devoir connaître l’exil avec sa maman et son jeune frère Charles en septembre 1797.

C’est l’Espagne puis le Portugal qui les accueillent. Le papa les rejoint et va naître une petite sœur. C’est une rude expérience pour une préadolescente, mais elle en sortira mûrie. C’est aussi une expérience qui l’ouvrira aux autres et qui enracine en elle la prière confiante et l’amour du Christ.

Avant de rentrer en France, elle fait sa première communion à Saint Sébastien le jour de l’Epiphanie 1801. Elle a 11 ans et demi : c’est un temps fort qui marquera sa vie. Au moment de rentrer en France, à la fin de cette même année, elle fait part à ses parents de son désir de rester en Espagne pour entrer au Carmel. Elle est trop jeune !

Le chemin de retour en France va rester gravé profondément en elle : désolation des villages, églises transformées en granges, en écuries, statues décapitées, misère des gens…

En 1803, elle reçoit le sacrement de la confirmation. Elle brûle alors de partager la foi qui l’anime. C’est avec Jeanne DICHE, confirmée en même temps qu’elle, qu’elle commence ce partage, partage dont s’émerveille M. Ducourneau, précepteur de Charles (il a dû arrêter le séminaire du fait de la Révolution). M. Ducourneau leur propose de constituer une association de prière et de soutien pour vivre leur foi, leur amour du Christ, leur désir missionnaire.

L’association, baptisée « Petite Société » se constitue durant l’été 1804. Vite le nombre des membres va croître…

Fin 1808, par correspondance, et grâce à Monsieur Hyacinthe Lafon, elle découvre la Congrégation du Père Chaminade. Les objectifs des deux groupes se rejoignent et c’est avec joie qu’elle agrège sa « Petite Société », qui compte alors plus de 60 membres, à la Congrégation de Bordeaux. Elle y approfondit notamment son amour pour Marie par la consécration, consécration dont elle mesure toute la portée. Elle y développe aussi son ardeur missionnaire et invite ses compagnes à faire de même.

C’est ainsi qu’elles sont missionnaires dans leur milieu, auprès de leur famille, de leurs amies…elles font le catéchisme, enseignent là où elles se trouvent, travaillent pour prendre en charge les études d’un jeune garçon qui aspire au sacerdoce, visitent les malades, des prisonniers…Adèle ouvre même une petite école au château de ses parents. Qu’est-ce à dire ?

Revenons un peu en arrière

A l’époque d’Adèle, à la suite de la désorganisation des internats et des petites écoles des campagnes, entraînée par la suppression des congrégations enseignantes en 1792, les enfants des campagnes ne bénéficient d’aucune éducation.

Adèle, elle-même, n’a pas bénéficié d’une éducation dans un pensionnat religieux comme l’aurait demandé son état. Elle a été élevée par sa mère, ses quatre tantes religieuses dominicaines qui durent quitter leur monastère en 1792 et trouver refuge au château où elles furent accueillies à bras ouverts.

Une fois de retour de l’exil, c’est une de ses tantes qui est chargée de son éducation comme de celle de son jeune frère Charles en attendant que la famille trouve pour lui un précepteur. Lorsque M. Ducourneau, que la Révolution avait empêché de poursuivre ses études de théologie, eut gagné la confiance de la famille, il fut chargé de Charles et d’Adèle.

Adèle se met volontiers à l’école de M. Ducourneau, elle reprend les connaissances sommaires qu’elle a acquises. Elle réalise rapidement des progrès sensibles mais ces études ne la passionnent pas. Elle préfère les études qui lui permettent d’approfondir ses connaissances religieuses, sa vie spirituelle et ses lectures vont toujours dans cette direction.

Mais très vite, elle éprouve le désir de faire profiter les enfants des hameaux environnants des connaissances qu’elle a eu la chance d’acquérir. Et c’est ainsi qu’elle ouvre « sa petite école » au château.

Le souci de l’éducation humaine et chrétienne des enfants des campagnes l’habite et elle est prête à tout sacrifier à cette tâche. Elle lâche tout lorsqu’elle entend arriver ses petits écoliers, or ils viennent un peu à n’importe quelle heure : ils travaillent bien souvent à la ferme ou dans les pâturages et ne savent guère ce qu’est l’heure !

Elle écrit ainsi le 23 février 1813 :

« J’ai ma petite école qui m’attend, il faut que je vous quitte. » 176.5

Au fil des années, pour mieux s’adonner aux tâches de l’évangélisation, avec quelques compagnes, elle envisage un « cher projet », à savoir la fondation d’un Institut religieux.

Le Père Chaminade est sollicité pour écrire une Règle de Vie. C’est ainsi que la ville d’Agen va bénéficier des services d’un nouvel Ordre : l’Institut des Filles de Marie à partir du 25 mai 1816.

L’année suivante, comme elle l’écrit à Charlotte de Lachapelle. 327.4 « une communauté de religieux de notre Ordre, on les appelle ‘la Société de Marie’ » va se constituer à Bordeaux.

L’Institut des Filles de Marie, fondé, les Sœurs vont se livrer essentiellement :

  • à l’accompagnement des groupes de la Congrégation (adolescentes ; jeunes filles ; mères de famille),
  • à l’éducation à travers des classes gratuites pour les petites filles d’Agen puis de Tonneins. Un peu plus tard s’ouvre un pensionnat à Condom et un autre à Arbois dans le Jura,
  • à l’éducation professionnelle des jeunes filles grâce à des ateliers de coupe, couture, broderie, confection…
  • Le souci de la formation s’étend même à de pauvres femmes de 40 à 50 ans qui viennent de la campagne pour vendre leurs produits au marché. Elles ignorent tout de la foi. La Sœur qui les reçoit, s’intéresse à elles et pour mieux les accompagner elle leur parle en patois, leur donne une petite aide bienvenue et en prépare certaines à la première communion.

Revenons à Adèle. Elle possède de vrais talents de pédagogue

Dans sa façon d’animer la Congrégation

C’est en particulier dans sa façon d’animer la Congrégation (les Fraternités d’aujourd’hui) que l’on s’en rend compte. Les lettres qu’elle adresse à Mère Emilie de Rodat, Fondatrice de la sainte Famille de Villefranche, sont particulièrement éclairantes. A sa correspondante qui partage une mission semblable à la sienne (toutes deux vont même pendant un temps penser à unir leurs deux instituts), en effet, elle communique ce qu’elle cherche à vivre et à faire vivre à ses Sœurs. Elle lui parle avec enthousiasme de la Congrégation, lui explique comment l’organiser à Villeneuve, comment former les personnes. Elle lui montre tout le bien qui naît de la Congrégation.

Ainsi lorsqu’elle parle des réunions de la Congrégation elle explique comment se donne l’enseignement : « Une sœur fait des questions, une autre lui répond. Cela instruit mieux et est plus amusant. » 346.9

Elle insiste sur la nécessité d’avoir de bons Chefs, c’est-à-dire des personnes responsables d’un groupe de la Congrégation, qui vivent dans la société et sur lesquelles les Sœurs peuvent compter. « Tous les mois, nous tenons un conseil avec ces chefs extérieurs où on nous porte les plaintes, s’il y en a, contre les jeunes personnes et on avise aux moyens d’y porter remède. On n’inscrit qu’après l’avis du Conseil. » 346.5

Les Sœurs peuvent ainsi compter sur ces chefs, capables d’assumer leurs responsabilités. Cela forme les personnes et en même temps libère les Sœurs pour d’autres activités. « les chefs extérieurs s’ils sont bons, évitent beaucoup de peine aux religieuses. » 346.6

Adèle a conscience que les choses se font progressivement : « Pour ce qui est de l’union entre elles : elle s’obtient peu à peu à force d’y exhorter, d’en faire voir la nécessité. Nous voyons ces jeunes personnes souvent. Elles viennent confier leurs petites peines, nous sommes leurs mères. Nous leur témoignons beaucoup d’amitié. »346.6

Plusieurs aspects peuvent être mis en lumière dans cette dernière citation :

La croissance, * le développement de la personne est toujours affaire de temps. On ne peut pas forcer les choses. Dans le même sens, à propos de la formation de ses Sœurs elle écrit : « Faisons avancer nos Sœurs suivant leur degré de grâce, car il est aussi dangereux de prévenir la grâce que de ne pas la seconder. Toutes ne seront pas appelées au même degré de perfection. » 421.6

Il faut comprendre * la valeur de ce que l’on veut développer.

Et puis cela se fait dans un * climat de confiance qui permet à la personne de s’ouvrir, de dire ce qui l’habite, la préoccupe.

C’est un * climat d’affection maternelle.

Dans son souci des classes

Elle suit de près ce qui se fait dans les classes. Elle a le souci de l’ouverture. Elle tire parti de ce qu’une des jeunes Sœurs connaît l’italien et la musique (elle joue de l’orgue) et elle fait enseigner ces matières.

A partir de 1824, ses lettres nous apprennent qu’elle fait adopter par les Sœurs qui enseignent la Méthode que le P. Chaminade a mise au point pour les Frères enseignants. La méthode traditionnelle est ainsi doublée par la méthode mutuelle : les élèves s’aidant mutuellement. Les plus jeunes aidant les plus âgés…

Souvent elle recommande la confiance. Comme elle l’écrit : « il faut gagner le cœur » car alors tout est gagné, les jeunes n’ont plus peur de dire ce qui les habite, leurs préoccupations, leurs difficultés. Elle en fait le constat, les jeunes mises en confiance se mettent à donner le meilleur d’elles-mêmes.

Et c’est dans ce but qu’elle va attacher une grande importance à la formation des novices, c’est-à-dire des jeunes filles qui se préparent à la vie religieuse. Elle veut les voir bien formées tant sur le plan de l’instruction, de la couture, de la broderie que sur celui de la foi car les enfants qui leur seront confiées doivent être bien formées sur tous les plans. Cette solide formation lui tient tellement à cœur, qu’elle déplorera qu’à Agen, on vienne demander des novices pour remplacer des maîtresses malades. On empêche ainsi ces novices de bien profiter de leur temps de formation.

On retrouve là l’ardeur apostolique qui l’a habitée depuis son adolescence. Pour elle, l’enseignement a sa raison d’être s’il aboutit à former des chrétiennes, des personnes capables de vivre des valeurs de l’Evangile.

Déjà lorsqu’elle était en famille, au château, elle ne se contentait pas de faire goûter aux enfants qui venaient, les joies de la lecture, de l’écriture et du calcul, elle leur faisait découvrir Jésus Christ et sa Mère, la Vierge Marie. Elle est en effet intimement convaincue que Lui seul apporte son plein épanouissement à celui, celle qui le reconnaît et l’accueille comme son unique Sauveur.

Toute sa vie, elle s’intéresse de près, ses lettres en témoignent, à ce que font ses sœurs, elle les encourage, les soutient, les anime et cela jusqu’au dernier moment.

On pourrait dire que ce qui la caractérise c’est l’attention aux besoins, elle y répond au château, quand elle sait qu’à Agen, les petites filles de familles pauvres ne sont pas scolarisées, elle demande à ouvrir des classes gratuites pour ces enfants.

Elle fait preuve de créativité en utilisant tous les talents confiés à ses sœurs pour les mettre au service de l’éducation.

Elle fait pleinement confiance à ses sœurs et elle les invite à faire confiance. N’est-ce pas là le meilleur moyen pour donner de l’assurance à un jeune, l’aider à développer ses qualités ?

Elle encourage ses amies puis ses sœurs à mettre en œuvre les talents reçus. Elle suscite les bonnes volontés, sait compter sur les personnes. Ses lettres nous révèlent comment, bien avant la fondation des Filles de Marie, elle sait mobiliser ses amies pour venir en aide à des personnes malades, démunies. Elle-même travaille de ses mains pour gagner de quoi subvenir aux besoins des pauvres. Elle continuera dans ce sens après la fondation. Et toujours son désir sera de faire connaître, aimer et servir Jésus Christ et sa très sainte Mère.

Elle n’a aucun mal à faire sien l’objectif que s’était fixé le P. Chaminade et qu’il exprimera nettement dans une lettre de 1834 :

« l’enseignement n’est qu’un moyen dont nous usons pour remplir notre mission, c’est-à-dire pour introduire partout l’esprit de foi et de religion et multiplier les chrétiens. » Lettres III p. 378

Nous avons, à l’origine de nos deux Instituts, deux grands pédagogues. Certes, ils n’ont pas écrit de traité de pédagogie mais leur façon de faire, leurs intuitions (en particulier celles du P. Chaminade avec la fondation des écoles normales pour la formation des instituteurs) sont porteuses de pistes à exploiter par les éducateurs d’aujourd’hui.

Déjà chez les Sœurs marianistes nous pouvons découvrir de quelle façon ce qu’Adèle a cherché à faire vivre à ses Sœurs, s’est approfondi chez Mère Marie Joseph de Castéras.

Mère Marie Joseph de Castéras est la troisième supérieure générale de la Congrégation. C’est aussi la cousine germaine d’Adèle qui est son aînée de 9 ans. Elle perd sa Maman à l’âge de 7 ans, et avec sa petite sœur Clara, elles sont élevées au château de Trenquelléon. Adèle a beaucoup partagé avec sa jeune cousine.

Marie Joseph de Castéras est partie, du vivant d’Adèle, fonder une communauté dans le lointain Jura (il leur a fallu trois semaines de voyage pour aller de Bordeaux à Arbois. Là la communauté va ouvrir une école où Marie Joseph va mettre en œuvre ses talents de pédagogue. (je vous renvoie à la biographie que S. Marie Luce a écrite et dont je tire ce que je vais vous partager maintenant).

Mère Marie Joseph de Castéras, éducatrice

Ses références préférées dans ce domaine sont les écrits de Fénelon, ceux de François de Sales et de Françoise de Chantal. Trois maîtres en éducation en leur temps. Pour faire comprendre ou suggérer les attitudes que requiert l’éducation, elle emploie de petites paraboles pleines de charme : la semence qui devient plante à fleurs et à fruits, le couteau spirituel qui élague ce qui ne convient pas, la mère abeille attentive à ses enfants, l’enfant dans les bras de sa mère ou encore l’armée avec ses officiers prononçant des harangues militaires lors de moments de crise.

L’éducation est avant tout un acte de confiance réciproque : confiance de l’enfant à l’égard des parents et vice-versa, confiance de l’enfant à l’égard des éducateurs et vice versa.

Mère Marie Joseph, dans la situation où elle se trouvait d’un monde anticlérical, était consciente de la nécessité de travailler à la formation solide et ferme des maîtresses. D’où une pédagogie de l’être et une formation à la responsabilité, qui apparaissent totalement modernes et actuelles.

* Sa pédagogie tant à l’endroit des religieuses qu’à l’endroit des élèves est une invitation à la valorisation de la personne. Développer une pédagogie de la valorisation chère à un grand éducateur contemporain Antoine de la Garanderie. Voir et s’ingénier à découvrir le positif pour le faire croître, élargir l’esprit et le cœur pour les diriger vers les valeurs supérieures.

« Ne craignez pas de trop flatter l’amour propre, en laissant apercevoir quand il y a lieu que vous êtes contente : peu d’âmes sont assez fortes pour n’en avoir pas besoin quelquefois et c’est un grand art de tenir les cœurs contents. »

« Les enfants, en général, ont besoin d’encouragement ; il faut remarquer leurs efforts et leur en tenir compte aux notes.

« Je suis bien aise que vous ayez fait l’essai de petites admonitrices ; mais indépendamment de ces enfants de confiance que vous employez ainsi, vous ne feriez pas mal d’exciter l’émulation des autres, de leur donner de petites missions, ne fût-ce que pour quelques jours, à celles qui se distingueront par leur application. Ce point de vue d’émulation fera progresser les élèves et soulagera les maîtresses. »

* Quant à l’ouverture de l’esprit et du cœur, elle désire fortement la voir en ses filles et elle développe souvent ce thème dans ses lettres. Elle dit et redit qu’avec des esprits larges tout ira bien mais avec des esprits resserrés, comprimés on ne peut rien faire.

« Plus je deviens vieille, plus je comprends la nécessité d’agir avec douceur, d’élargir les cœurs et les esprits, de laisser passer bien des choses et de ne pas vouloir tout reprendre. ».

* L’Education de la foi lui apparaît comme un défi

L’enseignement du catéchisme dans cette France déchristianisée lui apparaît la fonction essentielle. D’ailleurs elle s’y adonne dans les classes de l’externat. Elle a une prédilection pour les classes gratuites car les pauvres sont les préférés du Seigneur. Devenue Supérieure générale ce sont ces classes qu’elle visitera en premier par prédilection.

Pour faire fructifier ces semences jetées de bonne heure dans le cœur des enfants, il faut les conserver et les alimenter, d’où la création de congrégations pour les volontaires : Congrégation des Enfants de Marie pour les plus grandes, puis celle de l’Enfant Jésus pour les moyennes et enfin celle de la Sainte enfance de Marie pour les plus jeunes. Par ces jeunes, elle entend faire grand bien aux familles. Chacune des enfants peut ainsi instruire ses parents, établir l’usage de la prière en commun et aussi celui d’une petite lecture.

* Puis l’éducation aux vues de la foi.

À cette éducation aux vues de la foi elle associe celle de la raison :

« Les élèves de votre classe sont à un âge où il faut les conduire par l’insinuation de la religion et de la raison ; user le moins possible de l’autorité; elles sentent qu’elles ne sont plus des enfants et ne veulent pas être traitées en enfants. Il faut donc voiler l’autorité, agir avec elles plus en sœur, en amie qu’en maîtresse.  »

* Dans la manière d’éduquer, elle prône le respect de la personne, qui induit la confiance chez la jeune.

Même dans des situations difficiles, il ne faut jamais humilier publiquement, ni jamais réprimander d’une manière blessante. A la manière de Marie, il convient d’avoir une attitude vraiment maternelle, éloignée tout à la fois de la rigueur et de la mollesse, ce qui ne supprime pas la réprimande en particulier.

« Il faut éviter soigneusement en parlant aux enfants toutes manières et toutes paroles rudes, tout ce qui pourrait faire croire qu’elles ennuient, elles doivent être convaincues qu’on les aime»

« En allant et venant saisissez un moment pour dire de petits mots d’encouragement, d’amitié, d’intérêt, d’exhortation. »

« Les reproches aigrissent ; soyez-en donc très sobre; mais une remontrance douce, maternelle va au cœur. »

Nous rappeler, nous marianistes, que tous les jeunes qui nous sont confiés sont un précieux dépôt donné par Marie pour en faire des fils à l’image du Fils.

« Une maîtresse de classe doit tendrement aimer toutes ses élèves, les envisager comme un précieux dépôt confié par Marie et les présenter souvent à Dieu dans ses prières. »

* Comme pour la formation, l’Éducation doit être progressive.

L’éducation est un travail de toute une vie. L’identité adulte se forge au cours des années par le recours à l’expérience, aux événements, aux rencontres et au travail personnel.

« Mère X est beaucoup trop rigoureuse dans ses appréciations, ce qui annonce chez elle un défaut de connaissance du cœur humain; car il en est de l’âme comme du corps, le développement n’arrive que lentement »

« Je crains que vous ne soyez trop empressée de vouloir tout faire trop vite, laissons bien des choses à faire à Dieu; nous aurait-il trompé ce Dieu de bonté en nous disant par un de ses envoyés ‘ Jetez toutes vos sollicitudes dans le sein de Dieu.’ Grand calme donc, ma fille. »

Ce travail pour connaître chaque élève en vue de sa croissance humaine exige discernement, jugement solide, constance infatigable et esprit observateur car les caractères sont divers et nécessitent chacun un traitement particulier et cela dans une grande discrétion, délicatesse d’approche :

« Chaque maîtresse doit étudier le caractère de ses élèves comme un médecin étudie le tempérament de ses malades, faire part de ses remarques à la directrice et de concert avec elle, travailler à extirper ce qui peut faire obstacle à la grâce ou à fortifier les heureuses dispositions qu’elle y remarque. »

Le travail personnel, consiste à aider l’élève à découvrir ses propres agissements pour qu’elle les améliore elle-même et non sous la pression d’un quelconque ordre ou réflexion désobligeante. Il revient aux enseignantes de créer le climat susceptible de permettre peu à peu cette découverte et d’« être plus l’amie que la maîtresse ».

Aujourd’hui, avec le progrès et l’avancement des Sciences humaines nous parlerions plus facilement de l’apprentissage à la connaissance de soi, condition pour entrer en harmonie avec soi même, avec Dieu et avec les frères et accomplir ce que le Seigneur attend de chacun de nous

« Pour venir à bout de former le caractère, il faut employer la raison et habituer l’enfant à réfléchir. Cette méthode de faire raisonner les enfants sera également bonne pour tout. Il est important de les rendre un peu philosophes, c’est-à-dire ‘logicienne’ en cela de bonne heure… Faisons-leur entendre le langage de la raison… »

* Cette éducation doit se manifester solide et forte…

Leur donner l’éducation requise à cette époque pour devenir une bonne mère de famille et une chrétienne convaincue. Les former au travail et au travail bien fait :

« Donner à la jeunesse le goût du travail, c’est la prémunir contre l’oisiveté, funeste écueil pour la vertu. »

* Pleine de bon sens.

Le XIXe siècle nous apparaît souvent comme un siècle de renoncements, d’ascétisme et d’insistance sur le ‘sacrifice’ quitte à parfois demander des choses extravagantes. Un siècle marqué par le Jansénisme surtout en France. Or il n’en est rien chez Mère Marie Joseph. Au contraire, elle fait preuve d’un bon sens et d’une humanité tout à fait exceptionnelle :

« L’esprit de l’homme a besoin de détente; ainsi certains jours, certaines heures de récréation complète, sans pourtant abandon de cette sage réserve qui caractérise la vierge, font du bien à l’âme et au corps, lui permettent de reprendre ensuite la règle dans toute sa vigueur. Soyons donc coulantes à présent pour pouvoir être plus régulières après. Tous les petits adoucissements que réclament des personnes enseignantes il ne faut pas les négliger. »

* L’acte pédagogique qualifie le genre d’homme, de femme que nous voulons développer.

La réussite c’est l’accomplissement de l’être et ce dernier, comme une jeune plante a besoin de temps, d’accompagnement, de nourriture substantielle, d’orientation à la lumière… Réussir ce n’est pas uniquement obtenir des diplômes, c’est d’abord ÊTRE. L’acte pédagogique peut revêtir plusieurs formes.

Il est clair que le cours magistral, l’apprentissage en groupe, la pédagogie de projet, la pédagogie active ou celle   de la créativité ne forment pas le même homme. Or là encore Mère Marie Joseph de Castéras donne des conseils qui pour nous sont essentiels :

« Je voudrais que Sœur L. parlât moins en classe ; les élèves de l’École Normale veulent trop imiter leurs professeurs, les élèves au milieu de ce flux de paroles ne comprennent rien; il faut se borner à de courtes et claires explications: Il en résulte plus d’avancement pour les élèves et moins de fatigue pour les maîtresses. Celles-là avancent plus en faisant des devoirs où elles appliquent quelques principes reçus, qu’avec toutes ces longueurs d’explications qui les fatiguent et qu’elles n’écoutent pas. »

Pourquoi ces conseils sont-ils essentiels ? parce qu’en parlant peu mais en suscitant l’intérêt, les questions, la recherche, la réflexion des jeunes, l’enseignant leur donne la possibilité d’exercer leur compétence, leurs capacités, leur créativité, leur liberté, leur prise en charge. Il permet l’ouverture du cœur et l’élargissement de l’esprit.

« Veillez à ce que les maîtresses parlent peu dans leurs classes mais qu’elles fassent parler beaucoup les élèves; c’est même le moyen de faire avancer les enfants dans leurs études. »

* Les méthodes pour Mère Marie Joseph sont secondes. L’essentiel est la personne de l’enseignant, son empreinte sur la classe.

« Les méthodes pour l’ordinaire, sont moins mauvaises que les appréciations de celles qui les appliquent ; avec du zèle et une sainte constance, les méthodes seulement médiocres deviennent excellentes. »

* Reprenant l’idée chère au Père Chaminade, elle engage ses filles à profiter des apports nouveaux que la science et la pédagogie peuvent offrir, mais elle les invite avant tout à réfléchir et à ne pas innover pour le plaisir d’innover. Faire preuve de pondération, de discernement et d’ouverture au changement.

« Il ne faut pas se raidir systématiquement contre tout changement mais il ne faut innover qu’après de mûres réflexions. »

* L’unité de vues permet l’unification de la personne du jeune

Elle insiste sur l’union au sein de l’équipe enseignante. Si chacune doit garder sa personnalité dans la manière de conduire une classe, il est clair pour Mère Marie Joseph que les orientations données doivent être suivies par toutes de manière à ce que les élèves ne se sentent pas tiraillées par des exigences contradictoires ou tout au moins différentes.

« De l’union entre les maîtresses dépend l’avancement des élèves dans la piété et dans les études »

* On ne peut prêcher que d’exemple.

« Que ces chères enfants apprennent donc en vous voyant agir les unes envers les autres ce que c’est que d’aimer le prochain; douceur dans les rapports, attention à se prévenir dans ses besoins, à se céder en toute occasion. Croyez mes chères filles que l’on instruit mieux par les exemples que par les paroles. »

Dans cette attitude fondamentale le Christ demeure notre modèle :

« Le Divin Maître a commencé à faire avant de dire. Rien de plus propre à persuader que l’exemple. Les enfants que la Très Sainte Vierge nous a confiées apprendront en vous voyant agir, à être respectueuses, douces, bonnes, charitables, d’un caractère toujours égal, et par conséquent toujours simples… Gagnez le cœur de vos enfants par vos marques d’affection, il ne s’agit pas ici de cajoleries, mais de ces marques de bonté qui prouvent qu’on aime. »

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