« Ma chère Thérèse… »

Marie-Thérèse Charlotte de Lamourous et G-J Chaminade : 40 ans d’amitié pour la gloire de Dieu

1836

Suite à la Révolution de 1830 et à l’interdiction définitive de sa grande œuvre, la Congrégation de laïcs, le Père Chaminade est parti en exil à Agen en mars 1831. Un véritable exil, car depuis 5 ans, se sentant menacé à Bordeaux, il n’y a plus remis les pieds.
Une seule lueur d’espoir pour son projet de rechristianisation de la France : ses Instituts Religieux continuent à travailler dans le domaine de l’éducation. Depuis 1831, il est allé visiter toutes les communautés des frères dans l’est de la France, s’est occupé des sœurs d’Agen (privées de la présence d’Adèle de Trenquelléon décédée en 1828) et s’est rendu à Auch pour la création du tiers- ordre régulier des Filles de Marie, réalisée le 1er septembre 1836.
Et pourtant, le 13 septembre 1836,    un message reçu de Bordeaux le fait subitement changer d’avis : le Père Caillet lui écrit que Marie-Thérèse de Lamourous est au plus mal, et « serait grandement consolée si elle pouvait le revoir » avant de mourir. Aussitôt il part. Arrivé le 14 septembre, jour du décès de Marie-Thérèse, il ne quittera plus Bordeaux jusqu’à sa propre mort en 1850. Mais qui donc était cette Marie-Thérèse de Lamourous, si importante à ses yeux que pour elle il se décide brusquement à revenir d’exil ?

Une amitié forgée dans la persécution.

Marie-Thérèse Charlotte de Lamourous et Guillaume-Joseph Chaminade s’étaient rencontrés 40 ans plus tôt à Bordeaux, durant les années de la Révolution.
En 1794, Thérèse a juste 40 ans. De famille noble, une loi lui fait interdiction de vivre à Bordeaux, ville portuaire. Elle s’installe donc dans une propriété lui venant de sa mère, au Pian-Médoc, à environ 17km de Bordeaux, avec sa famille.
Thérèse s’occupe en effet de son père qui vieillit, et aide activement ses jeunes sœurs Charlotte et Catherine dans leurs soucis quotidiens de mères de famille, habitant même avec elles et leurs enfants tantôt au Pian, tantôt à Bordeaux. Au Pian, elle garde pour elle un modeste bâtiment sans étage, la «maison du berger », qui comprend 3 pièces. Elle aménage un réduit à l’arrière pour qu’on puisse y dire des messes clandestines : la table qui sert d’autel est aujourd’hui dans la chambre du Père Chaminade à Bordeaux.
Google Maps nous apprend qu’il faut 3h30 pour aller à pied de sa propriété du Pian jusqu’au centre de Bordeaux. Il arrive à Thérèse de faire l’aller-retour dans la journée, à pied à travers la campagne. Car elle se rend souvent en ville, pour y soutenir les chrétiens persécutés et y rencontrer son directeur spirituel.

Le premier, le père Pannetier, est condamné à l’échafaud. Elle va le visiter dans sa prison. Au moment de se quitter, il la rappelle pour lui dire : « Souvenez- vous bien de mon dernier mot; servez Dieu en homme et non en femme. » Ce qui en dit long sur la force de caractère de Thérèse !
Le second, le père Noël Lacroix, doit s’exiler au Portugal. C’est alors, en 1795, qu’elle choisit le Père Chaminade, qui n’a que 34 ans. Ils se voient soit à Bordeaux, soit au Pian, et l’accompagnement spirituel se fait aussi par correspondance. Le 27 mai 1796 c’est par écrit qu’il lui trace un « plan de conduite spirituelle » en 12 points. Un plan exigeant mais simple, adapté à la fois à la grande soif spirituelle de Thérèse et à la vie active qu’elle mène.

Une fille spirituelle et une amie de confiance

En janvier 1797, Chaminade prêche une retraite pour plusieurs personnes qu’il connait bien – précaution nécessaire en temps de persécution. Thérèse y participe avec sa sœur Catherine, qui allaite le petit André âgé de 4 mois. Chaminade propose alors de consacrer l’enfant à la Sainte Vierge. (Beaucoup plus tard, André sera curé du Pian-Médoc (1827 à 1855) puis aumônier de la Miséricorde de 1855 à sa mort en 1874.) Peu à peu Chaminade devient un proche de la famille. Cependant, et même s’il a 6 ans de moins que Thérèse, Chaminade se situe clairement face à elle en père spirituel. Dès le premier courrier il l’appelle « ma chère fille ». Partant en exil à Saragosse en 1797, il lui écrit : « Je ne cesserai pas de me regarder comme votre Père, qui doit avoir d’autant plus de sollicitude, qu’il se voit éloigné de ses enfants dans un temps où ils auraient plus de besoin de sa présence. »

Apprendre à lire tous les événements avec le regard de la foi

Cette lettre de départ en exil contient d’ailleurs un des trésors de la spiritualité marianiste, et si nous pouvons la lire c’est grâce à Thérèse de Lamourous qui la conserva précieusement. C’est une profession de foi en la Providence, qui aujourd’hui est toujours de la plus brûlante actualité :

« Que doit faire une âme fidèle dans le chaos des événements qui semblent l’engloutir? Se soutenir imperturbablement par cette foi (…) Oui, ma chère Fille, (…) les orages intérieurs et extérieurs qui grondent sans cesse, et qui paraissent presque vous déconcerter sont des traits de l’amour véritable que Dieu a pour vous. »

Une femme d’affaires aux multiples activités

Mais ce qui est intéressant dans cette lettre, c’est aussi son post-scriptum :

« P.S.: – Je vous serai obligé de veiller avec prudence à mes petites affaires temporelles. »

 

C’est la première fois que Thérèse de Lamourous rend un service concret à Chaminade, mais pas la dernière. Il avait entièrement confiance en sa façon de mener des affaires financières et immobilières. Par exemple, en 1819, il lui confie de négocier en son nom l’achat d’une propriété pour l’école tenue par les Frères de la Société de Marie. Et en 1823, elle assurera pour lui la supervision de travaux rue Lalande en vue d’y installer le séminaire de la Société de Marie !

En fait, Thérèse est une femme capable de mener de front plusieurs entreprises en parallèle de sa vie de famille. Et c’est aussi une âme d’une grande richesse spirituelle. Toujours en lien malgré l’exil
En attendant, il faut supporter la séparation. De nombreux prêtres étant partis, Thérèse reste 16 mois sans recevoir les sacrements. Elle se confesse à un tableau de St Vincent de Paul, et le dimanche orne sa table-autel comme si la messe allait pouvoir être célébrée. Elle a la joie de recevoir presque chaque mois une lettre de Chaminade, mais cette correspondance est risquée, car une loi interdit toute correspondance avec les « émigrés ». Aussi Thérèse doit détruire les lettres, après en avoir recopié les passages qui l’inspirent le plus.

Enfin en 1800, l’horizon s’éclaircit…

Pascale Massicot, RR sud-ouest

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