La dimension mariale de la consécration religieuse marianiste

1. La consécration à Marie en général

Quand on veut faire l’éloge d’une personne, on dit qu’elle a consacré sa vie à une personne ou à une œuvre. La première question qu’on peut se poser est: qu’est-ce que la consécration?
Le père Stefano De Fiores pense que «la consécration consiste à rendre sacré une chose ou une personne, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas seulement soustraites à l’usage profane, mais qu’elles acquièrent une valeur positive d’appartenance totale et exclusive à Dieu»

1. La consécration relève de Dieu. Dieu seul, en effet, peut en définitive s’approprier un être en le rendant sacré, en lui communiquant une participation à sa sainteté. Et si l’homme peut se donner sans réserve au Seigneur, il s’agit là d’une réponse qui lui vient de son cœur après avoir constaté les bienfaits de Dieu.

Dans cette première partie, nos arguments sur la consécration à Marie en général s’appuieront sur quelques auteurs et penseurs.

On découvre la consécration à Marie, en 749 avec saint Jean Damascène. L’expression prend de l’ampleur dans les congrégations mariales, fondées par le jésuite Jean Leunis, en 1563. Les congréganistes faisaient une offrande de leur vie à Marie. Mais avec le temps, des nuances ont été apportées à cette expression.

Selon le théologien espagnol Aldama: « la consécration à Marie consiste à se livrer directement à elle par un don personnel complet et inévitable, en reconnaissance de ses droits sur nous« . Cette consécration suppose préalablement la priorité de la consécration à Dieu lui-même, sans laquelle la consécration à Marie, n’aurait pas de
sens.

A ce niveau nous pouvons dire que Marie est la personne la plus proche de Dieu, par la grâce qu’elle a reçue, mais elle n’est pas au même rang que Dieu.

La consécration à Marie prend sa valeur théologique dans sa relation dernière à Dieu. C’est pourquoi Louis Marie Grignon de Montfort, parlant de la consécration à Marie, disait: « la dévotion à Marie ne nous est nécessaire que pour trouver Jésus Christ parfaitement, l’aimer tendrement et le servir fidèlement« . Cette consécration à Marie dans son sens le plus complet est une manière particulière de recevoir l’essence du christianisme, en ce sens que Marie étant consacrée tout entière à Dieu et ayant reçu en plénitude l’Esprit du Christ, la personne qui lui est consacrée reçoit les grâces par contagion.

Nous sommes consacrés à Marie.
Or, Marie est consacrée matériellement et spirituellement à Jésus. Et Jésus est la consécration la plus parfaite au Père. Par analogie, nous sommes consacrés au Père par l’acte et par la grâce baptismale, nous qui avons reçu l’onction et sommes sanctifiés par le Saint-Esprit. Donc, notre consécration à Marie est une consécration au Père par Jésus qui dit: « pour eux, je me consacre moi- même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés dans la vérité » (Jn. 17, 19).

Nous passons par Marie pour aller au Christ, parce que: « les désirs de Marie et ses volontés sont ceux de son Fils, et elle se trouve à une place privilégiée pour unir les chrétiens au Christ, pleinement, rapidement, et efficacement, de sorte que se consacrer à Marie, c’est se consacrer au Christ ». Vatican II insiste sur l’union indissociable entre Marie et Jésus (LG 61). Et cela est repris par la Règle de Vie Marianiste de 1983. Marie, étant modèle de l’Eglise et l’étant par excellence, coopère activement, à la naissance des croyants et à leur éducation spirituelle ; Marie agit dans notre vie spirituelle. Son rôle ne s’est pas limité à coopérer à la naissance du Christ, source du salut. Elle nous permet de rencontrer Jésus. Un exemple de la vie courante africaine nous permettra de mieux comprendre cela. Si quelqu’un veut rencontrer un haut responsable et qu’il passe par sa mère, il aura plus de chance de le rencontrer. Car en Afrique un fils bien éduqué est toujours uni à sa mère. De même pour nous catholiques, passer par Marie pour aller au Christ, c’est le chemin le plus court. Marie intercède pour nous auprès de son Fils. Et Jésus exauce toujours la demande de sa Mère : rappelons-nous aux noces de Cana où les deux sont présents et Marie intercède; « ils n’ont plus de vin« , et son Fils Jésus exauce la demande (cf Jn 2, 1 -12).

Marie nous forme dans le sein de sa tendresse maternelle, à la ressemblance de Jésus Christ. C’est à dire, elle nous offre la possibilité de tendre à la plus haute perfection ou vivre de la vie de Jésus Christ sous ses auspices et sa conduite maternelle.

Marie exerce sa mission par son exemple : exemple de foi, de courage, d’humilité,…que nous contemplons et que nous sommes invités à imiter. Chaque fois, par exemple, qu’un catéchiste dans l’exercice de sa mission, fait grandir un chrétien dans la foi, on peut dire que Marie s’est servi de ce catéchiste pour accomplir sa mission maternelle. Chaque fois qu’une maman pense à mieux s’occuper de ses enfants, Marie la précède dans ses idées. Chaque fois que nous acceptons une épreuve (maladie, deuil, infirmité…) avec foi et patience, en union avec le Christ en croix, Marie réalise à travers nous sa mission douloureuse d’enfantement des âmes à la vie divine, comme elle commença à le faire au Calvaire.

Marie exerce sa mission par son intercession ou sa méditation en notre faveur. Nous citons l’exemple des noces de Cana dont nous parlerons dans les lignes qui suivront.

Marie exerce sa mission par sa collaboration avec l’Esprit Saint, aujourd’hui comme autrefois.

Marie se sert de nous (l’humanité) pour réaliser sa mission de Mère. Elle ne nous oblige pas à réaliser sa mission, mais nous offre la possibilité de mieux la réaliser. Pensons, pour bien le comprendre, à l’image de l’enfant qui ne sait encore écrire tout seul, et dont la maman guide la main. Quelle délicatesse et quel respect ne met-elle pas dans sa façon de tenir la main de son enfant ! C’est ainsi que Marie agit avec ses enfants. Sa grâce maternelle se diffuse à travers leur cœur, et passe à travers toutes les facultés, leur intelligence, leur volonté, leur sensibilité, corps dans le respect de leur propre personnalité.
D’une manière générale, nous pouvons affirmer que la mission maternelle de Marie se réalise à travers l’Eglise et tous les moyens dont dispose celle-ci (enseignement, sacrements, institutions, etc.) pour nous faire naître et grandir dans la vie du Christ.
Donc Marie, comme son Fils, réalise sa mission par l’intermédiaire des membres de l’Eglise : Eglise dont elle est elle-même à la fois membre, au même titre que les autres, et la Mère, comme c’est le cas pour toute mère de famille.
Pour saint Bernard, Marie est la préférée de Dieu. Et celui qui se donne, qui se confie à Marie sans regrets a la chance de recevoir tout ce qu’il demande. Saint Bernard a su trouver les mots pour nous parler de la consécration à Marie. Voici ce qu’il en dit :

« […] Marie est cette noble étoile née de Jacob, dont les rayons illuminent le monde entier, dont l’éclat resplendit au plus haut des cieux et pénètre jusqu’aux abîmes. Elle illumine toute la terre, embrase les esprits encore plus que les corps, fait croître les valeurs, et dessèche les vices.
[…] O toi qui te sens, loin de la terre ferme, emporté sur les flots de ce monde au milieu des orages et des tempêtes, ne quitte pas des yeux la lumière de cet astre si tu ne veux pas sombrer.
Si les vents des tentations s’élèvent, si tu viens heurter les rochers des tribulations, regarde l’étoile, invoque Marie.
Si tu es ballotté par les flots de l’orgueil, de la trahison, de la jalousie, invoque Marie.
Si la colère ou l’avarice ou les désirs impurs secouent la petite barque de ton âme, regarde Marie.
Si, troublé par l’énormité de tes crimes, confondu par la malpropreté de ta conscience, glacé d’effroi à la pensée du jugement, tu commences à être englouti par le gouffre de la tristesse, par l’abîme du désespoir, pense à Marie.
Dans les périls, dans les angoisses, dans le doute, pense à Marie, invoque Marie. Qu’elle ne s’éloigne pas de ta bouche, qu’elle ne s’éloigne pas de ton cœur et, pour obtenir le secours de sa prière, ne néglige pas l’exemple de sa vie.
Si tu la suis, tu ne dévies pas. Si tu la pries, tu ne désespères pas. Si tu la consultes, tu ne te trompes pas. Si elle te protège, tu ne crains rien. Si elle te conduit, tu ne te fatigues pas. Si elle t’est favorable, tu parviens au but.
Et ainsi tu éprouves par toi-même à quel juste titre il a été dit: et le nom de la vierge était Marie”.

Pour saint Louis Grignion de Montfort, l’essence même de la consécration à Marie consiste à se donner entièrement à Jésus Christ par elle. Et c’est avec une grande précision qu’il définit ce qu’il faudrait donner à Marie:
Le corps, tous ses sens et ses membres.
L’âme et toutes ses facultés: esprit, mémoire, raison, intelligence, volonté…
Tous les biens extérieurs présents et futurs, les bonnes actions passées et futures. Tous les biens intérieurs et spirituels: nos mérites, nos vertus…
Bref, tout ce que nous sommes par nature et par grâce. Son dessein est remarquable: appartenir à Jésus Christ par Marie.

La consécration à Marie prônée par Louis Grignion de Montfort est connue sous le nom de « saint esclavage« . Il faut le comprendre de nos jours comme une totale et complète appartenance à Marie. C’est, entre autres, une parfaite disponibilité à la Mère de Dieu et à la Mère des hommes.
Louis Grignion de Montfort aimait prononcer cette parole: »la parfaite consécration à la très sainte Vierge Marie n’est autre chose qu’une parfaite et entière consécration de soi-même à Jésus Christ”. Il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu etles hommes, Jésus Christ, qui s’est donné en rançon pour tous. En Jésus, vrai Dieu et vrai homme se réalise parfaitement la mission propre du Médiateur, qui est d’arracher les hommes au pouvoir du démon, et les conduire à l’intimité avec Dieu. Marie n’est médiatrice que dans un sens analogue, en tant qu’associée du Christ dans sa mission de Rédempteur.

Mère du Rédempteur, Marie fut associée et apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille. Elle participe avec gratuité à l’extension de la Royauté de son Fils sur l’univers. C’est dans ce sens que le Pape Jean Paul II déclare que : c’est Marie «qui invoque le don de l’Esprit Saint qui suscite les nouveaux fils de Dieu rachetés par le sacrifice du Christ»8.
Mais nous devons savoir que Marie ne fait rien sans son Fils. C’est pour cela que le père Stefano De Fiores disait: «il ne faut jamais présenter la consécration à Marie comme une démarche autonome, séparée ou seulement juxtaposée à la consécration du chrétien à Dieu»9.
Marie collabore donc avec son Fils pour transmettre la vie divine aux hommes. C’est en elle et par elle que Jésus Christ, en nous communiquant sa Vie, nous a rendus participants de sa nature divine, de sorte que nous sommes nés spirituellement de Marie, par suite de son union ineffable avec Jésus Christ.
Ainsi, celui qui se consacre à Marie ou, autrement dit, qui fait alliance avec Marie, travaille et produit pour le compte de Jésus. Car la mission de Marie consiste à apporter à son Fils une multitude de frères.

2. La consécration à Marie dans la Congrégation de Chaminade

2.1. Guillaume Joseph Chaminade

Guillaume-Joseph Chaminade est né à Périgueux, le 8 avril 1761. Treizième enfant d’une famille de drapier, il fit ses études secondaires au Collège-Séminaire de Mussidan (1771-1775). Ensuite il demande à être agrégé à la Communauté de ses maîtres. Après ses études profanes et théologiques, il est ordonné prêtre en 1785. Il peut alors assumer pleinement sa vie de professeur, sa fonction d’économe et surtout sa pastorale des jeunes.
Opposé à la Constitution civile du clergé, il doit partir de Mussidan à la fin de 1791. Il s’installe à Bordeaux qui sera désormais son terrain de mission. Il y passera les années difficiles de la Terreur et du Directoire. Obligé de s’exiler hors de France, il se réfugie, en septembre 1797, en Espagne et rejoint la ville mariale de Saragosse où la Providence l’attend pour achever de le préparer à sa future mission.
Pour donner à sa vocation une dimension ecclésiale, il demande au Saint-Siège la qualité et la responsabilité de Missionnaire apostolique pour les pays chrétiens où la foi a besoin d’être affermie et développée. Ainsi pour toute sa vie, G.-Joseph Chaminade sera Missionnaire.

En septembre 1800, il peut enfin revenir en sa ville de Bordeaux et commencer à réaliser ce que Dieu lui avait inspiré. Jusqu’au Concordat de 1802, il est Administrateur du diocèse de Bazas. Mais l’essentiel de son travail apostolique est la fondation, dès le 8 décembre 1800, de la Congrégation Mariale de Bordeaux à laquelle il dédie l’essentiel de son travail pastoral durant les deux premières décennies du XIX° siècle.
Ceci ne l’empêche pas de soutenir mademoiselle Marie-Thérèse de Lamourous dans la fondation et le développement de l’Oeuvre de la Miséricorde de Bordeaux, en 1801. Trois ans plus tard, le Directeur de la Congrégation participe à la fondation du Séminaire de Bordeaux. En 1808, le Père Chaminade est mis en rapport avec mademoiselle Adèle de Batz de Trenquelléon qui a fondé, elle aussi, une Petite Société qui va s’intégrer progressivement à la Congrégation de Bordeaux. A la même époque, le Directeur de la Congrégation accueille, grâce à quelques Congréganistes et à l’appui de l’Archevêque, les Frères des Ecoles Chrétiennes dans sa propriété de Saint-Laurent devenue le premier noviciat des Frères en France après la Révolution.
Déjà étant petit, la tendresse maternelle de sa mère Catherine Béton l’avait marqué. Et à l’âge adulte, s’inspirant de l’expérience de saint Bernard, de la dévotion mariale de son époque à Bordeaux et s’appuyant aussi sur la parole de saint Paul apôtre: « personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été mis, c’est-à-dire Jésus Christ » (1 Co. 3 11), il choisit de donner à Marie, Mère du Christ une place de prédilection.

Après 50 ans de travail missionnaire au service de la Vierge Marie, il est mort le 22 janvier 1850 et fut béatifié par Jean-Paul II le 03 septembre 2000.
En fondant la Société de Marie, Chaminade insistait que: « Jésus-Christ est aussi le fondement sur lequel nous prétendons appuyer toute notre dévotion à la sainte vierge »11.

2.2. Nature et but de la Société de Marie

La Société de Marie est un Institut religieux de droit pontifical, tout spécialement vouée à Marie. Elle réunit dans une même famille des religieux prêtres et des religieux laïques qui tendent à la plénitude de la charité, en se consacrant à Dieu par la profession des conseils évangéliques et en s’engageant au service de l’Eglise. Depuis 1817, année de sa fondation, cette congrégation réserve une place toute particulière à Marie. Cette place essentielle de Marie dans la Société de Marie (Marianistes) est ce qui la spécifie parmi toutes les autres familles spirituelles. Les religieux marianistes passent par Marie pour aller à Jésus, comme Jésus est passé par Marie pour venir au monde ( cf figure n°1).

Un adage stipule que : « tout chemin mène à Rome ». Ceci veut dire qu’il y a plusieurs chemins pour arriver à Rome. Chacun peut choisir le chemin pour aller à Rome. De même pour aller à Dieu, plusieurs chemins ont été tracés par les saints et saintes qui nous ont précédés. Chacun cherche et trouve le chemin qui lui convient. C’est dans ce sens que Denis Joffre disait : « J’ai trouvé le prêtre que cherchait mon cœur. C’est un saint, il est mon guide, il sera mon modèle car je serai prêtre ; ma résolution est plus que jamais inébranlable.(…) Il m’assure que bientôt il me garderaavec lui nuit et jour, et que je serai son premier disciple. C’est son espoir et c’est le mien ».12
Et les Marianistes prennent le chemin de Marie pour aller à Dieu. Avec le disciple bien aimé, les marianistes accueillent Marie comme un don de Dieu. Notre Règle de vie en son article 6 du premier livre nous propose comme idéal « d’être animés par l’amour même de Jésus pour sa Mère ». Cela signifie se consacrer à elle pour que l’Esprit Saint, à qui elle apporte le concours de son amour maternel, nous forme toujours davantage à l’image de son Fils.
Le père Chaminade a compris que cette Maternité spirituelle n’est pas seulement un titre qu’on donne à Marie, mais une réalité au plus profond de l’être de Marie. C’est une grâce très particulière qui lui est donnée ; comme un élargissement et en même temps une « suractivation  » de son cœur qui rendent Marie capable en toute vérité d’être et de faire auprès de tous ses enfants, pour leur vie surnaturelle, ce que les mères de la terre sont et font auprès de leurs enfants pour leur vie naturelle.
De même que les mères de la terre mettent au monde leurs enfants, leurs apprennent à marcher, parler, observer les règles du savoir vivre, les protègent contre tout ce qui met leur vie en péril, veillent à la bonne entente avec leurs frères et sœur, de façon analogue, Marie nous enfante à la vie surnaturelle, divine, au calvaire ;
Elle nous éduque à la manière de vivre des enfants de Dieu (foi, prière, charité, humilité, patience, pauvreté…) ;
Elle nous protège contre le pire ennemi de cette vie divine en nous, le démon. Elle veille à ce que nous vivions en harmonie avec tous les autres membres de
l’Eglise.
C’est la grâce de la Maternité spirituelle qui rend Marie capable de tout cela. Quand Jésus au Calvaire dit à Marie, «Femme, voici ton Fils» et à saint Jean «Voici ta Mère», c’est ce mystère de la Maternité spirituelle de Marie qu’il nous révèle.
La maternité spirituelle que l’Eglise catholique romaine nous enseigne aujourd’hui existait déjà dans la pensée mariale du père Chaminade. C’est cette pensée mariale qui l’a inspiré plus fortement quand il parlait du vœu de stabilité dans la Société de Marie.

2.3. Le vœu de stabilité dans la Société de Marie

La Société de Marie est en quelque sorte la propriété de la vierge Marie et par le fait que nous nous donnons à cette Société par le contrat de la profession religieuse, nous appartenons à Marie.
Le vœu de stabilité dans la Société de Marie consiste en un devoir de persévérance dans cette Société pour qui embrasse l’état de vie Marianiste. Pour tout Marianiste, vu le caractère spécifiquement marial, de la Société de Marie, la persévérance, en outre, est un acte et un devoir de fidélité à Marie.
Dès lors que nous prononçons les vœux dans sa Société, Marie fait alliance avec nous. Elle nous consacre comme ses fils et apôtres pour « l’aimer, la faire connaître et la servir » (cf article de la Règle de vie 15).
Comme nous pouvons le comprendre, le vœu de stabilité a pour effet propre de fixer les religieux marianistes à la croix du Sauveur avec Marie. Intimement unis au Christ, par l’amour le plus grand, ils sont en Lui comme Il est en eux; ils sont ses disciples, ses images, d’autres lui-même. C’est ainsi que le père Chaminade disait : « dès le jour de leur profession, du haut de la croix, Il les présente à Marie comme d’autres Jean, en lui disant : Femme, voilà votre fils! C’est à dire, ils sont ma ressemblance, ils
ne font qu’un avec moi; adoptez-les donc en moi et soyez mère pour eux comme vous l’êtes pour moi »13. Ce vœu fixe donc juridiquement et moralement le religieux marianiste dans un état de vie particulièrement marial. Par suite le religieux choisit d’une manière permanente et pour toute sa vie, tous les devoirs de l’état marianiste, notamment l’engagement apostolique.

2.4. L’Engagement apostolique

L’intention de Chaminade était celle-ci: faire la profession religieuse dans la Société de Marie, c’est appartenir sans réserve à Marie. Le but de cette profession est l’engagement apostolique. Cela veut dire en particulier « faire connaître, aimer et servir Marie et de ne jamais refuser notre concours à la Société qui lui appartient » (cf article de la Règle de vie 15).
Le père Chaminade exprimait le caractère apostolique de notre consécration à Marie dans sa lettre aux prédicateurs de retraite du 24 août 1839. Il disait  » nous sommes spécialement les auxiliaires et les instruments de la très sainte Vierge dans la
grande œuvre de la réformation des mœurs, du soutien et de l’accroissement de la foi, et par le fait, de la sanctification du prochain »14. Tout ceci voulait dire que la fin et la raison dernière de notre consécration à Marie est l’apostolat. Notre consécration religieuse, en tant que Marianiste, implique la volonté et l’obligation de travailler avec une générosité toujours nouvelle à l’extension du règne du Christ avec Marie et par
Marie, Mère du Sauveur.

Le père Chaminade parle de fidélité dans l’apostolat marial en un triple sens :

  • L’apostolat d’inspiration mariale : agir au nom de Marie ;
  • L’apostolat marial à l’exemple de Marie, agir comme Marie c’est-à-dire: vivre dans la simplicité et la fidélité à l’exemple de Marie ;
  • L’apostolat à but marial : faire connaître, aimer et servir Marie dans sa mission maternelle qui est de donner Jésus Christ au monde et de nous former à la ressemblance de ce Fils premier né.

Notre mission dans la ligne du père Chaminade est l’éducation de la foi en vue de développer une culture de la foi où Marie occupe une place privilégiée car elle est inséparable de Jésus. Nous avons plusieurs moyens d’éduquer la foi :

  • Les enseignements donnés aux fraternités marianistes et les autres mouvements paroissiaux;
  • Notre témoignage de vie donné dans nos écoles et centres professionnels;
  • Notre esprit de famille: la façon de vivre la composition mixte de notre congrégation, où frères et prêtres ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.
  • Notre renouvellement quotidien de l’alliance avec Marie;
  • Nos récitations du chapelet, voire du rosaire;
  • Nos litanies mariales du samedi;

L’engagement apostolique sous la bannière de la vierge Marie devrait être le « point focal ou la cible ou encore le centre d’intérêt » de tout religieux marianiste. Mais l’expérience que nous avons faite nous laisse dire qu’il y a trois groupes de religieux marianistes :

Le premier groupe

Le premier est constitué de ceux que nous pouvons appeler les dévots à outrance à Marie. Ils font tout sous le nom de Marie. Ces religieux ne savent plus la place réelle du Christ; pour eux, Marie est le centre de toute la vie. Sans elle, le Christ n’allait pas sauver le monde.

Le second groupe

Le deuxième groupe est formé de religieux qui connaissent la place exacte de Marie. Ils rendent gloire à Dieu pour l’honneur de Marie. Ces derniers sont pour nous les vrais marianistes car ils savent les qualités et les mérites de Marie. Ils ne la déifient pas mais lui rendent hommage en tant que Femme de la Nouvelle Alliance.

Le troisième groupe

Le troisième groupe, comme on peut l’imaginer est constitué de religieux allergiques au nom même de Marie. Pour eux, elle est une femme comme toutes les autres. Elle ne doit rien mériter d’extraordinaire. Gloires, honneurs, louanges, puissance, ne reviennent qu’à Dieu, dispensateur de tous les dons.

2.5. Conclusion

Se consacrer à Marie signifie être prêt comme un instrument docile entre ses mains, pour assurer, selon la volonté divine, la construction de l’Eglise et son triomphe, car c’est à Marie qu’est réservé le rôle de conduire l’Eglise à la victoire. Marie nous forme par l’intermédiaire de ses propres fils à la ressemblance de son Fils Jésus et nous consacre comme ses apôtres. La fin ou la raison dernière de notre consécration à Marie est l’apostolat. Comme nous avons dit plus haut, cette consécration voulue personnellement et délibérément implique la sanctification de notre vie, mais aussi la volonté et l’obligation de travailler avec une générosité toujours nouvelle à l’extension du règne du Christ, Sauveur, hier, aujourd’hui et à jamais.

Le fondement de notre consécration à Marie doit être recherché dans la consécration initiale au Christ par le baptême. Le père Luigi Gambero pense que : «la première et radicale consécration du chrétien à Dieu est celle du baptême, qui fait de nous ses enfants, les disciples du Christ, et, avec lui, les cohéritiers de la vie éternelle». Le baptême est donc à la fois une fin et un commencement, une mort et une résurrection, le renoncement à une condition ancienne et l’accession à une condition nouvelle. Le vieil homme, mort et ennemi de Dieu, est enseveli ; mais il renaît tout renouvelé. Le père Luigi Gambero ajoute que «dans l’Eglise ancienne cet événement est bien exprimé de manière visible : le baptême par immersion fait voir que l’homme
pécheur plonge et disparaît dans l’eau, pour ensuite remonter en homme nouveau, c’est- à-dire en chrétien»16. Ainsi le baptême est le point de référence de toute consécration ultérieure. La consécration à Marie n’est qu’un moyen efficace et stimulant pour réveiller la conscience des engagements pris le jour du baptême.

Déjà en son temps, le père Chaminade pensait que les racines de la consécration mariale doivent être recherchées dans la consécration du baptême. A la suite de saint Paul, qui affirmait que par le baptême nous devenons fils adoptifs du Père. Le père Chaminade était convaincu que le baptême nous donne une nouvelle existence. Cette nouvelle existence offre la possibilité de vivre dans une communauté chrétienne et de se modeler à l’image de Christ. Avec les pères de l’Eglise, il voyait dans les vœux de religion un second baptême parce que par les vœux, les religieux se dépouillent entièrement du vieil homme et s’attachent à Jésus. C’est ce que le concile Vatican II redira : «Par la régénération et l’onction de 1’Esprit Saint, les baptisés sont consacrés pour devenir une raison spirituelle et un sacerdoce saint en vue d’offrir des sacrifices spirituels, moyennant toutes les oeuvres du chrétien, et d’annoncer les louanges de Celui qui les a appelés des ténèbres a son admirable lumière. Que tous les fidèles du Christ, en persévérant dans la prière et en louant Dieu ensemble, s’offrent eux-mêmes, comme une hostie vivante, sainte, agréable a Dieu, qu’ils rendent partout témoignage au Christ et, à qui le demande, rendent compte de l’espérance de la vie éternelle qui est en eux» (L. G. 10).

Bien que la consécration à Marie, telle qu’elle est exprimée par les vœux de religion, ne soit pas une consécration sacramentelle, elle est dans tous les cas fondée sur le baptême. Ainsi cette consécration, acceptée librement et vécue dans un esprit de sacrifice, engage toute la personne et toute la vie. La fin ou la raison fondamentale de notre consécration à Marie est l’apostolat. Etre marial c’est être à l’exemple de Marie et s’associer à son rôle de donner à Jésus une multitude de frères. Habitant le « milieu divin », Marie est notre chemin pour aller à Dieu. Mais comme disait le père Johann Roten, le Marianiste ne s’enferme pas dans « un marianisme obtus et étroit »17. Donc s’attacher à Marie constitue une garantie d’ouverture sur les hommes et sur Dieu. Marie est le miroir dans lequel nous nous voyons tel que le Christ nous veut.

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