Une spiritualité commune à toute la famille marianiste

Guillaume-Joseph Chaminade a laissé aux siens quelque chose comme une « méthode spirituelle » pour tous. On peut distinguer trois étapes dans l’élaboration de cette « spiritualité ».

Durant une première période – 1815-1828 -, « avec un certain esprit de systématisation » (J.-B. Armbruster – toutes les citations non attribuées seront de cet auteur), Chaminade a proposé à ses disciples ce qu’ils ont appelé « la méthode des vertus » : un ‘système’, comme on a dit parfois, « destiné à rendre la personne plus libre, à l’ouvrir à une meilleure connaissance d’elle-même en vue de suivre le Christ dans sa vie d’amour de Dieu et du prochain durant sa vie terrestre ».

Il s’agit surtout de ‘vertus morales’ que le fondateur répartissait entre les vertus de préparation, les vertus d’épuration et les vertus dites de consommation.

Dans les vertus de préparation, il place les cinq silences (parole, comportement, esprit, mémoire, passions) qui favorisent la maîtrise de soi, le recueillement et le support des mortifications, comme moyen « d’humanisation et de divinisation des difficultés inhérentes à la vie humaine ».

Les vertus d’épuration sont destinées à libérer le disciple des obstacles à la sainteté, obstacles intérieurs (faiblesse, mauvais penchants) ou extérieurs (contrariétés, suggestions du monde, tentations).

Les vertus de consommation enfin permettent de cultiver l’humilité et la modestie, l’abnégation de soi-même et la pauvreté.

Ces vertus, inspirées de la Règle de Saint Benoît et de l’Ecole française de spiritualité, ne sont évidemment qu’un point de départ, une mise en condition. Elles ne sont que la première étape. Il ne faut pas en faire le centre ou le ‘noyau dur’ de la spiritualité chaminadienne.

Au cours d’une seconde période – à partir de 1828-29 -, Chaminade entraîne son disciple sur un chemin autrement plus important. Il s’agit à présent du cœur même de la foi qu’il convient de découvrir, et ce grâce à la « foi du cœur ».

C’est ainsi qu’il souligne l’importance du Credo, source de toute vie de foi. Et il invite les siens à revenir sans cesse sur ce Credo, jusqu’à faire oraison avec lui.

Il les invite également à transformer leur foi en « foi du cœur », en « foi d’amour », comme il aimait à dire. « La foi du cœur fait aimer ce que l’on croit » et elle transforme en profondeur le regard du croyant et sur Dieu, et sur le monde, et sur lui-même.

La foi ne peut donc aller sans l’amour (charité) et « l’espérance apporte à la foi du cœur une nouvelle dimension : la perspective eschatologique ». Elle est une véritable « relation d’amour » avec les personnes divines, Père, Fils et Esprit Saint.

Il s’agit donc d’une pressante invitation à approfondir sa foi (à travers l’approfondissement des vertus théologales) en vue d’une conformité plus grande au Christ ressuscité.

Une troisième période, moins facile à situer dans le temps parce qu’étroitement imbriquée à la seconde (elle prend forme cependant aux alentours de 1834), invite à aller encore plus loin. Chaminade veut désormais orienter « la vie spirituelle des siens vers la conformité la plus parfaite avec Jésus, fils de Marie ».

Cette conformité apparaît comme le couronnement de toute la ‘méthode spirituelle’ du P. Chaminade.

Les racines de cette conformité, il les trouve dans les Ecritures elles-mêmes et il les développe longuement dans ses écrits.

Pour que cette conformité puisse croître en nous, le Fondateur nous propose tout d’abord « d’entretenir dans notre cœur une relation privilégiée d’admiration et d’amour envers Jésus-Christ, Fils de Dieu devenu Fils de Marie pour sauver toute la création »; il nous propose ensuite d’ « aimer à nous tenir, avec la Mère de Jésus, son disciple bien aimé et toute la famille marianiste, près du Christ en croix », parce que le mystère pascal est le cœur de toute vie de conformité à Jésus ; il nous invite enfin à nous engager en Eglise, ensemble, à développer un monde plus fraternel.

Et c’est Marie, la Mère, qui va nous rendre de plus en plus conformes à son Fils, elle qui « y correspondait avec une entière et parfaite fidélité ».

C’est avec Marie et en Marie que nous avons à travailler à cette conformité, puisque « c’est dans le sein de Marie que Jésus-Christ a bien voulu se former à notre ressemblance (et que) c’est là pareillement que nous devons nous former à la sienne » (Chaminade – Ecrits de Direction II 338).

Chaminade nous engage sur la voie – non de la perfection – mais de la sainteté. N’est-elle pas le but ultime de toute vie chrétienne ? Et il nous engage à présenter au monde « le spectacle d’une peuple de saints » (Chaminade) – car, dans ce monde, la Famille marianiste a une mission à remplir (une mission qui fait partie intégrante de sa spiritualité).

La Famille marianiste doit être, dans le monde, un vivant témoin de l’incomparable amour de Dieu pour les hommes, un témoin « contagieux », d’où l’importance précisément de présenter au monde le spectacle d’un peuple de saints.

En effet, cet amour dont nous brûlons et qui nous brûle, n’est-il pas LA Bonne Nouvelle que Jésus le Christ est venu annoncer aux hommes de tous les temps ?

Notre famille a donc une vocation essentiellement missionnaire et Chaminade ne cessait de répéter : « Nous sommes tous missionnaires » et, dans une lettre fameuse du 24 août 1839, il ajoutait que le témoignage de ses disciples doit atteindre « toutes les classes, tous les sexes et tous les âges, mais le jeune âge et les pauvres surtout ».

Il savait aussi que, cette mission – si grande, si magnifique fût-elle, comme il le dit lui-même -, nous n’aurions jamais la force de l’accomplir par nos seuls moyens. Aussi nous propose-t-il de faire alliance avec Marie. C’est là un autre point fort de la spiritualité qu’il a léguée aux siens.

Il était convaincu que, devant « la grande hérésie régnante qu’est l’indifférence religieuse, qui va engourdissant les âmes dans la torpeur de l’égoïsme et le marasme des passions », « la puissance de Marie n’est pas diminuée… », qu’ « elle est, aujourd’hui comme autrefois, la Femme par excellence, cette Femme promise pour écraser la tête du serpent », et qu’ « à elle est réservée de nos jours une grande victoire », qu’à « elle appartient la gloire de sauver la foi du naufrage dont elle est menacée parmi nous ».

Il nous faut donc « offrir à Marie nos faibles services, travailler à ses ordres et combattre à ses côtés ». Chaminade demande à sa famille d’être prête « à voler partout où elle nous appellera… pour étendre le royaume de Dieu ».

Voilà la raison pour laquelle il nous engage à contracter alliance – ce sont des termes qu’il emploie -, avec elle. « Ce contrat est sacré, s’écrie-t-il, il est fécond en bienfaits pour nous ». (Il s’agit de bien autre chose que d’une consécration de pure dévotion à la Vierge !)

C’est pourquoi il a donné comme devise à ses disciples le mot de Marie aux servants à Cana : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le ! ».

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