Traits saillants de la personnalité d’Adèle

J’en ai dégagé quatre qui, pour moi, semblent bien la caractériser : la foi, la bonté, le zèle, l’équilibre.

La Foi

Tout au long de sa vie, Mère Adèle est animée d’une foi profonde, une foi qui s’enracine dans son Baptême (elle attache une grande importance au renouvellement des vœux de son Baptême) e dans sa Confirmation.

C’est une foi d’enfant, simple, sans détour, qui va droit au but ; une foi qui se nourrit de la Parole de Dieu (elle aime beaucoup St Paul), de l’enseignement de l’Eglise, des écrits des saints (St. François de Sales, St Ignace, St Thérèse d’Avila …). C’est une foi qui s’approfondit dans la méditation des fêtes tout au long de l’année liturgique. Elle s’associe par là aux Mystères du Christ qu’elle sait toujours vivant dans l’Eglise et par l’Esprit.

Cette foi, elle la communique dans ses lettres pour susciter, entretenir, stimuler la ferveur.

Voici quelques expressions qui reviennent souvent sous sa plume :

  • Vivre de la foi,
  • voir par les yeux de la foi,
  • l’esprit de la foi…

Cette foi sous-tend et enrichit son oraison quotidienne, cette oraison à laquelle elle s’adonne depuis l’âge de douze ans.

Dans sa foi, elle fait une place privilégiée à Marie. Petite fille, elle l’aime, elle la prie, elle recourt à sa protection, elle cherche à l’imiter. En exil, elle prend part aux fêtes mariales, fêtes qui sont célébrées avec solennité en Espagne. Ces fêtes trouvent place dans sa correspondance et lui offrent matière à réflexion pour les associées. La « petite Société » est placée sous la protection spéciale de Marie :

« Ayons souvent recours à la protectrice de la Société : la très Sainte Vierge. Oh ! Qu’Elle est puissante auprès de son Fils ! Mettons-nous bien sous sa sauvegarde. Nous sommes ses enfants particulières, soit par notre Société, soit par l’habit du Scapulaire dont nous avons le bonheur d’être revêtues. » (Lettre 88.11)

Adèle comme ses amies cherche à imiter Marie, en particulier ses vertus d’humilité et de pureté. (35-134).

Et lorsque-elle entre en relation avec le Père Chaminade, fin 1808, c’est avec joie qu’elle découvre et adopte la consécration à Marie. Pour mieux vivre la consécration à Marie, dès 1809, elle invite ses amies à mettre en pratique « l’amour actuel de Marie ». (97)

Il s’agit de choisir une heure dans la journée, heure qui est plus particulièrement dédiée à Marie. On continue de faire simplement ce que l’on a à faire mais après l’avoir explicitement offert à marie et en essayant de demeurer en sa présence tout au long de l’heure.

Elle prend ainsi de plus en plus conscience que, par le mystère de l’incarnation rédemptrice, la Trinité fait du Christ le Nouvel Adam et de Marie, la Nouvelle Eve, mère de l’humanité régénérée. Son zèle à propager la « Petite Société », puis la Congrégation, nous laisse entrevoir l’amour et la confiance toute filiale qu’elle porte à Marie :

« Propageons la famille de la très pure Marie. Ramassons le plus que nous pourrons de jeunes cœurs sous son égide et à la gloire de notre divin Maître ». (175)

Et quelques années plus tard, quand elle engage Mère Emilie de Rodat à implanter la Congrégation à Villefranche ; elle écrit :

« (par la Congrégation) ne sommes-nous pas bienheureuses d’établir la dévotion à Marie d’une manière spéciale ? » (396)

Au fil des années, cette foi se centre davantage sur le Christ. C’est lui, le divin Epoux, le céleste Epoux, qui est la référence et le recours. Dès le 27 mars 1805 elle écrivait à Agathe :

« Que ce soit toujours la gloire di divin Epoux qui nous fasse agir ». (3)

Deux mois avant sa mort, elle écrit :

« Allons, chère sœur, travaillons sans cesse à la gloire du céleste Epoux, en Lui formant un cortège de vierges fidèles : vous en agissant et moi en souffrant. Tâchons de vivre de la foi ». (733)

Toute sa vie est fondée sur cet amour de l’Epoux qui lui fait vouloir que Lui et sa gloire. C’est de cette foi en l’Epoux que jaillit son intense confiance dans la prière. Que pourrait-il refuser à celle qui n’a d’autre désir que sa gloire ? Cette confiance dans la prière on la retrouve à l’occasion des épreuves, comme à l’occasion des fondations de l’institut. Les fondations sont toujours accompagnées, sous son impulsion, par la prière des Sœurs :

« Nous disons tous les jours un ‘Veni Sancte’ et une prière à Saint Joseph ». (379)

Il s’agit alors de préparer la fondation de Tonneins, la seconde maison de l’Ordre. Et au moment où surgissent les difficultés imprévues pour cette fondation, les forces du mensonge jetant le discrédit sur la personne même d’Adèle, infamie qui va jusqu’à troubler sa propre famille, Mère Adèle écrit :

« Je suis déterminée à continuer l’œuvre si bien commencée, espérant que la Providence soutiendra mon droit. C’est la gloire de Dieu que je veux chercher uniquement : Il sera mon protecteur ». (391)

Quelques années plus tard lorsqu’elle doit se séparer de Sr. Nativité qui dirigeait la Congrégation à Agen :

« J’ai remis la congrégation entre les mains de Marie (…) j’espère en Dieu et en Marie : c’est pour leur gloire ». (560)

De même lorsqu’elle apprend que, peu après son arrivée à Arbois, Mère M. Joseph, la supérieure de la nouvelle communauté si lointaine (il a fallu trois semaines de voyages), atteinte de la fièvre typhoïde est à la mort, c’est en Dieu seul qu’elle cherche refuge, invitant toutes les sœurs à faire violence au Ciel, (702)

C’est cette même foi qui, ouvrant sur la pleine lumière, lui fait s’écrier au moment de mourir : « Hosanna au Fils de David ! »

La bonté

C’est une bonté faite de simplicité et d’humilité. Jeune fille, elle a choisi l’apostolat de la correspondance. Dans ses lettres, elle s’intéresse à tout ce qui fait la vie de ses associées.

Elle propose des intentions de prière, demande des nouvelles, s’inquiète quand elle ne sait rien d’une associée depuis un certain temps, recommande les malades, les mourants, parle des conversions en cours, aide à se préparer aux sacrements… propose une neuvaine afin d’obtenir le retour à Dieu d’amis qui se laissent entraîner par le monde…

Cette bonté l’ouvre aussi à toutes les misères qui l’environnent.

Les pauvres sont particulièrement l’objet de ses soins attentifs. Toutes ses richesses leur sont réservées. Elle les reçoit au château, tient à les servir elle-même. Quand elle hérite d’une tante, elle utilise la rente que lui verse régulièrement son père pour subvenir aux besoins de ses enfants : les pauvres. Elle travaille, fait de la broderie et même de l’élevage et, grâce aux produits de ses travaux, elle fait face aux nécessités qui se présentent. Elle visite les malades des environs de la propriété. Quand un chiffonnier des alentours, père de famille, tombe malade, avec sa mère, elles le font hospitaliser, vont le voir. Adèle se soucie de sa vie spirituelle, il meurt en paix avec Dieu et plein de confiance. Adèle ne lui a-t-elle pas promis de s’occuper des deux orphelines qu’il laisse ?

Bonne, délicate, prévenante elle l’est aussi auprès de son père. Lorsqu’en 1812 il tombe malade et se paralyse progressivement, Adèle devient son infirmière. Elle le soigne, lui fait la lecture. Le baron aime à l’appeler « sa fidèle Antigone ». Elle seule devine, comme nul autre, ce qui peut soulager, apaiser le malade. Et, jusqu’à sa mort en juin 1815, Adèle le soigne avec un dévouement et une patience de tous les instants.

Cette bonté sait aussi se faire compréhensive à l’égard de ses associées, particulièrement à l’égard d’Agathe, tempérament qui a tendance à se décourager.

« Ne nous décourageons pas, ma bonne amie, en nous voyant si fragiles ». (131)

« Du courage ! De nous-mêmes nous n’en viendrons jamais à bout, mais avec Dieu nous pouvons tout ». (132)

Agathe n’a pas pu communier du fait de l’absence de son confesseur (à l’époque, c’était le confesseur qui décidait des communions), Adèle lui envoie ce message :

« Tâchez, ma bonne amie, de ne pas vous relâcher et, qu’au contraire, ce petit retard ne serve qu’à vous faire mieux sentir le besoin que vous avez de votre Dieu ». (140)

Cette bonté, toute délicate, l’amène à s’abstenir d’écrire à Madame Belloc, son amie des premiers jours, lorsque son mari tombe si gravement malade qu’il mourra victime de son dévouement pendant une épidémie.

Elle écrit à Agathe, la sœur de Madame Belloc (Dicherette) :

« Embrassez pour moi la chère Dicherette. Dites-lui que je ne lui écris pas par discrétion ; je sens que tout est à charge à certains moments ». (166)

Fondatrice, supérieure générale, sa bonté se fait plus attentive, plus délicate, plus maternelle à l’égard de ses sœurs. Sa correspondance avec M. Emilie de Rodat nous laisse entrevoir les dispositions intimes qui l’habitent :

« Que nos filles trouvent toujours un cœur ouvert à tous leurs besoins, prêtes à supporter leurs faiblesses, nous faisant toute à toutes pour que toutes soient à Jésus Christ ». (353)

Et encore :

« Regardons-nous comme les servantes de nos sœurs, des servantes qui doivent les servir en toute charité dans leurs nécessités spirituelles… Soyons toujours prêtes à les recevoir, à les accueillir. » (369)

Et il est bien vrai qu’elle aime chacune de ses sœurs avec une tendresse toute maternelle. Elle s’intéresse aussi bien à leur croissance spirituelle qu’à leur santé physique.

« Tout m’intéresse venant de mes chères filles » (578)

C’est ainsi qu’elle écrit à M. Emilie de Rodat :

« Mes pauvres filles souffrent, aussi bien que les vôtres, de la poitrine. Je veille qu’elles boivent quelque chose d’adoucissant ou qu’elles prennent quelque chose après les classes ou les instructions. Quelques-unes prennent un bouillon, d’autres du lait. » (353)

Elle recommande à Sœur Saint François, économe de Tonneins :

« Faites un examen particulier sur ce vœu de pauvreté. Il faut le nécessaire, mais ne rien accorder à la sensualité. Soignez cependant les santés : du laitage sucré ce carême. » (428)

Les santés, c’est bien une de ses préoccupations de mère. S’informant de la santé d’une jeune sœur, n’ajoute-t-elle pas :

« Pardonnez à la maternité ces questions. » (673)

Mère, elle a le souci de faire grandir chacune de ses filles dans sa réponse à l’Epoux ; il faut lire les lettres qu’elle écrit aux novices, aux jeunes professes qui viennent de contracter l’alliance avec le Seigneur.

Bonne, elle sait aussi se montrer exigeante. C’est ainsi, par exemple, qu’elle stimule Mère Dosithée dans son activité auprès du Tiers Ordre séculier de Tonneins, tout en lui rappelant qu’elle doit marcher par les voies de l’humilité (cf.453).

Auprès de ses sœurs, sa bonté se fait tendresse, dévouement, compréhension. Rien de mièvre, d’affectif. Affectueuse, certes, elle l’est et elle ne craint pas de dire ses sentiments, mais c’est toujours dans Celui auquel elle s’est totalement consacrée. L’affection qu’elle témoigne invite toujours à aller plus loin dans le don de soi.

Sa bonté s’exerce également auprès des Congréganistes, des personnes qui aident l’Institut. Elle sait manifester à Monsieur Faure Lacaussade toute la reconnaissance pour ses bienfaits, son aide financière et médicale à l’égard de la communauté de Tonneins.

Lors de la fondation de Tonneins, justement, pressentant la joie que pourraient éprouver les sœurs de Mère Louis de Gonzague, Congréganistes de la ville, n’a-t-elle pas suggéré à Monsieur Faure Lacaussade de leur proposer de participer à l’aménagement des locaux. (cf. 400)

C’est bien en toute vérité qu’elle peut signer nombre de ses lettres « votre bonne mère », « votre mère dévouée », « votre tendre mère », « votre mère affectionnée ».

Bonté qui reste humble et consciente de ses faiblesses ; elle signe encore « votre pauvre mère », « votre indigne mère ». C’est Celui en qui elle peut tout qui lui donne d’aimer et d’être bonne à l’image de son Amour, de sa Bonté.

Le zèle

Cœur ardent, toute à son Seigneur, son unique désir est de pouvoir Le faire connaître, aimer et servir par tous les cœurs.

Mère Marie-Joseph, sa cousine, disait d’elle « qu’elle avait une soif dévorante du salut des âmes ».

Elle estime la vocation divine de tout être humain. Dans les pauvres, elle reconnaît les membres souffrants du Christ. Dès lors, elle les sert avec un amour privilégié. Elle les sert mais elle en profite pour leur révéler Celui qu’elle aime et qui les aime.

Son zèle se fait inventif. Autour de 1810-1811, elle ouvre une école au château de ses parents. A l’époque, les villages ne possédaient pas d’école. Aux petits garçons et petites filles qui se présentent, elle apprend le catéchisme, les prières essentielles, la lecture, le calcul.

Ses élèves, venant de fermes très isolées, assez distantes de Trenquelléon, arrivent à toutes les heures de la journée. La maîtresse est toujours disponible. Adèle quitte tout pour les accueillir. Ses lettres en témoignent souvent :

« Je vous quitte pour faire mon école » (147), « voici mes écoliers qui arrivent, il faut que je vous quitte » (169).

Elle engage constamment ses amies de la « Petite Société » à faire des conquêtes. Elle-même est heureuse de faire part des conquêtes qu’elle a réalisées. Ainsi, après un séjour à Condom, elle écrit :

« Nos amies de Condom sont bien braves. Nous y avons fait des conquêtes (…) Nos nouvelles amies de Figeac en ont fait aussi (…) Il me tarde de savoir la réussite de votre voyage de Marmande. » (162)

Ce même zèle la conduit à prendre en charge un jeune garçon né en 1797, Dubrana, qui désire devenir prêtre mais qui n’en a pas les moyens. Les associées s’ingénient à lui procurer le nécessaire : trousseau, argent pour les études, et cela dure toute sa formation. Ecoutons ce qu’elle écrivait à Agathe le 20 avril 1815 :

« Vous ferez bien d’acheter des chemises à Dubrana. J’ai assez d’argent par devers nous. Et puis, il faudrait tacher d’allonger sa soutane ; voyez avec le tailleur ». (266)

Et le 7 mars 1816 : « je vous envoie l’argent de Dubrana ». (311)

Ainsi, pris en charge jusqu’au bout de ses études, l’abbé Dubrana sera ordonné prêtre le 28 mai 1825. Le zèle et la patience des associées ont porté fruit.

Mère Marie-Joseph raconte, dans ses mémoires, comment Adèle, jeune fille, ne prenait jamais la voiture du château pour aller à la messe. Elle allait à pied en profitant pour parler aux jeunes filles qu’elle rencontrait, les instruisant et les encourageant à aimer le Seigneur. Quand elle sortait en promenade, même chose. Comme aimaient à dire sa sœur et ses cousines qui l’accompagnaient, elles allaient missionner. Adèle rassemblait les enfants, les jeunes filles, leur faisait le catéchisme et pressait les enfants de venir à son école.

On comprend pourquoi, lorsque le Père Chaminade lui propose d’être « missionnaire de Marie », ce terme l’enchante et répond à ce à quoi elle aspire.

Fondatrice, elle n’aura de cesse de développer l’œuvre de Dieu. Si la Congrégation est son œuvre de prédilection, c’est qu’elle voit tout le bien qu’elle peut faire à travers elle. Parlant de la Congrégation à Mère Emilie de Rodat, elle lui dit :

« Je vous avoue que c’est mon œuvre de prédilection et que depuis l’âge de seize ans, je m’y occupe (vous serez surprise que je vous dise depuis l’âge de seize ans). Oui, à cet âge, j’avais un grand zèle pour engager les jeunes personnes dans une petite société spirituelle. Comme j’habitais la campagne, c’était par correspondance que j’entretenais cette Société. » (438)

Mais que fait la Congrégation ? Quel est son but ?

« Former des âmes remplies de zèle du salut du prochain et de la gloire de Dieu qui, chacune, dans leur état, soient de petites missionnaires parmi leur famille, leurs amies, leurs voisines… » (425)

Et ces missionnaires ont des apostolats très variés : enseigner, faire le catéchisme, faire amuser innocemment des enfants, en rassembler pour chanter, procurer de bonnes lectures, inviter à fréquenter les sacrements, visiter des prisonniers, leur faire le catéchisme… On le voit, les activités de l’Institut : à côté de la Congrégation, il y a les classes gratuites, l’ouvroir, les retraites personnelles ou en groupe, (pour la Congrégation à l’occasion de l’Immaculée Conception et de Carnaval), l’œuvre des pauvres mendiantes (jusqu’à une centaine de femmes que Sr. Saint François rassemble chaque semaine. Elle en prépare certaines de 40, 60 ans à la première communion, à la confirmation. Pour être mieux comprise elle fait les conférences en patois), plus tard les pensionnats. On le voit le zèle de la fondatrice embrasse tous les moyens à sa portée.

Quatre ans après la fondation d’Agen, c’est avec joie, même si la souffrance de la séparation est là, que Mère Adèle accompagne six de ses filles à Tonneins. Tonneins, ville à demi protestante, où la fondatrice entrevoit tout le bien à faire. Les protestants ayant une bonne école, les « mauvais catholiques » avaient pris l’habitude d’y envoyer leurs enfants (à l’époque on ne parlait pas le langage de l’œcuménisme), Adèle, en installant une petite colonie de ses sœurs à Tonneins, aspire à la conversion des protestants de la ville. Les sœurs sont là depuis moins de trois semaines qu’elle écrit à Mère Thérèse, la supérieure :

« Pressez l’achèvement de l’Ecole du peuple : c’est urgent ! Il me tarde d’avoir des nouvelles de la réunion des Dames. » (il s’agit de la Congrégation) (404)

Et Mère Sainte Foy a droit à ces lignes où transparaît tout le zèle de la Fondatrice :

« Mon cœur vous dit de bien faire aimer le bon Dieu par toutes vos élèves ». (412)

Lorsqu’il est question de fondation en Alsace, elle n’a pas peur… Elle veut faire connaître, servir et aimer le céleste Epoux par tous les cœurs. Ses sœurs doivent être prêtes à aller jusqu’au bout du monde pour sauver une seul âme. Laissons-lui la parole :

« Propageons-nous pour la plus grande gloire de Dieu. Que ce Nom divin soit béni depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, qu’il soit connu partout, aimé par tous les cœurs, servi par toutes les créatures. » (450)

« Dans notre Institut, il faut des âmes fortes, nous devons avoir l’esprit apostolique, faire connaître et aimer notre céleste Epoux, fut-ce aux extrémités du monde et parmi les sauvages. » (567)

C’est ce zèle ardent qui, alors que sa santé est déjà bien ébranlée, lui fait envisager avec joie, enthousiasme et espérance la lointaine fondation d’Arbois en Franche-Comté. Mais quelle joie de partager les bonnes nouvelles des débuts, joie immédiatement assombrie par la maladie de Mère Marie-Joseph. Heureusement, le Seigneur se contentait de fonder l’œuvre nouvelle sur la Croix et faisait sa gloire en rendant la santé à la jeune supérieure.

Pour clore ce paragraphe, il y aurait beaucoup à ajouter, j’emprunterai une phrase de la lettre collective qu’elle envoie au noviciat le 4 mars 1826 :

« Imitons Marie, notre auguste Mère, qui n’a vécu que pour la gloire de son divin Fils. » (641)

Le bon sens – l’équilibre

Foi, bonté, zèle apostolique s’enracinent dans un solide bon sens, un équilibre humain et surnaturel hors du commun ; Toute jeune, elle fonde une association pour se préparer à la bonne mort. Cela peut nous paraître étrange, certes. C’est tout simplement qu’il y a une forte mortalité parmi la jeunesse et tandis qu’autour d’elle certaines jeunes filles rêvent de mourir jeunes, elle se laisse interpeller par la précarité de la vie et souhaite, au contraire, mettre à profit le temps qui lui est donné pour aimer et faire aimer Dieu.

Elle revient souvent dans ses lettres sur la parabole des vierges sages et des vierges folles, invitant ses amies à se tenir prêtes, la lampe garnie pour accueillir l’Epoux au moment même où il se présentera. (168 – 170 etc…)

Et pour cela, que propose-t-elle ?

« Ne pensons qu’à faire ce que nous faisons dans le moment mais, à le bien faire. C’est dans la fidélité et la perfection aux actions ordinaires que consiste le progrès que nous pouvons faire dans la vertu. Dieu ne demande pas de nous des choses extraordinaires, mais Il veut que nous nous sanctifiions dans les choses que nous faisons tous les jours. » (246,4-5)

Jeune fille, il lui arrive de ne pas pouvoir communier du fait de l’absence de son confesseur. Loin de se lamenter, de gémir, elle prépare don cœur pour qu’il soit encore plus brûlant d’amour à la prochaine communion. Et c’est ce à quoi elle engage Agathe :

« Je vous plains, chère amie, de l’absence de votre confesseur ; mais, faites en désir ce qu’il ne vous est pas possible de faire en effet, et Dieu, voyant votre bonne volonté, y suppléera par sa grâce qu’il communique de la manière qu’Il veut. » (24)

Et quelque temps après, elle lui adresse ces mots :

« Je pense que Monsieur Serres est revenu à Agen et que, par l’ardeur de vos communions, vous réparerez celles que vous n’avez pu faire. » (26)

Constate-t-elle qu’elle a fort mal travaillé au défi qu’elle avait lancé aux associées (Adèle aimait proposer des pieux défis : c’était à celle qui aimerait le plus le Seigneur, qui se détacherait le plus des créatures…), elle écrit :

« Ne nous décourageons pas ; il nous reste peu de jours, mais ils sont bien propres à ranimer notre courage ! » (185)

C’est ce même bon sens que l’on voit à l’œuvre lorsqu’elle insiste auprès d’Agathe pour que celle-ci éclaire sa cousine gravement malade et qui se fait illusion sur sa santé. Adèle parle en ces termes à Agathe :

« L’état d’illusion sur son état, où est votre pauvre cousine m’affecte. Il me semble, sauf meilleur avis, qu’en conscience on serait obligé de lui insinuer son état. Et puis, c’est mal de différer l’Extrême Onction jusqu’à ce qu’on n’ait plus de connaissance, et, par conséquent, qu’on ne puisse retirer de ce sacrement tout le fruit qu’il peut produire. Il peut rendre la santé, s’il est plus expédient pour le salut. » (210)

Supérieure de communauté, nous la retrouvons animée de ce même bon sens empreint de réalisme. Elle écrit par exemple à Mère Emilie de Rodat :

« Prenez garde que vos sujets ne fassent trop d’austérités ; ayez soin qu’elles mangent leur réfection. Nous ne devons pas être des trappistes qui n’entrent à la Trappe que pour mourir, mais nous devons tâcher de conserver et ménager nos sujets pour les faire travailler à la gloire de Dieu. » (349)

Lors de chaque fondation, son bon sens se fait sens pratique. Sa correspondance nous livre davantage de détails concernant l’installation de Tonneins, mais ce que l’on trouve à l’occasion de la création de diverses maisons laisse entrevoir ce même réalisme.

Rien n’échappe à son souci maternel. Voici ce que nous lisons sous sa plume, un mois avant l’installation des sœurs à Tonneins :

« Comme nous voulons, à l’exemple de la fourmi, penser à l’entretien de nos sœurs pour cet hiver, je désirerais savoir le prix du bois à Tonneins (…) Suivant le prix que vous nous marquerez, nous achèterons là-bas ou ici (…) Nous vous demandons également le prix du vin, pour la même raison. » (397)

Quelques jours après, elle adresse encore ces lignes à Monsieur Faure Lacaussade :

« Nous nous trouvons pour le moment bien embarrassées, aussi ne pourrons-nous acheter que l’indispensable nécessaire.

Nous n’avons point d’échelle double ici ; nous comptons en demander une à nos ouvriers par-dessus le marché de nos ouvrages. Faites-en autant à ceux de Tonneins. Nous vous enverrons, (…) un chauffe-lit, un réchaud, un panier à égout, une paire de chenets (…) Pour les carafes, nous ne nous en servons pas; nous mêlons le vin avec l’eau en commun, dans les bouteilles. Nous enverrons pour la chapelle : une custode, une pierre sacrée, deux aubes, deux ornements. » (400)

Quant aux nombreux conseils qu’elle donne à ses sœurs, ils sont tout colorés par ce même équilibre, ce même bon sens. Elle dit à Mère Louis de Gonzague :

« Je vous interdis la soupe aux choux et prie la bonne sœur Françoise de vous en tenir d’autres. Je vous recommande, autant que possible, et pour l’habitude, le coucher et le lever de la Règle. Que gagne-t-on à se mettre aux invalides ? Laissez soigner votre estomac, faites servir à table, avec vous, la sœur Assomption ou autres, parce que vous mangez, ensuite, trop vite pour rattraper les autres…

Je voudrais aussi, chère sœur, qu’on prolongeât la récréation jusqu’à deux heures ; il y a trop de contention pour les têtes, et je vous assure que c’est plus dangereux qu’on ne pense. » (730)

A une jeune religieuse, Mère Dosithée, elle écrit :

« Jamais de découragement, chère enfant, fissions-nous mille fautes par jour, relevons-nous avec confiance dans la bonté de notre Epoux. Le juste tombe, mais il se relève, voilà la différence avec le pécheur. » (419)

A la même elle écrit encore :

« Faites tout sous la direction de l’obéissance, même quand ce serait moins bon que ce que vous pensez ; l’obéissance y portera plus de grâces. » (478)

Et lorsqu’il s’agit du jeûne, Mère Adèle préconise bien plus le jeûne de la volonté propre que celui de la nourriture, les parloirs, les entretiens particuliers avec les sœurs, tout doit être marqué de cet équilibre, de cette pondération qui la caractérise.

« Un quart d’heure d’obéissance fera plus de fruit qu’une heure de conférence (entretien) la plus sublime. » (517)

Foi, bonté, zèle, équilibre, tels sont quelques-uns des traits qui dépeignent notre mère fondatrice et nous la rendent si attachante et en même temps si proche, elle qui aspirait pour elle-même et pour ses filles à une sainteté cachée, vécue au fil du quotidien le plus ordinaire.

 

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