La volonté de Dieu en tout et sa plus grande gloire ! Ce doit être notre devise

Introduction

Lors de ma dernière retraite ignacienne, j’ai été frappée par une phrase du Père jésuite qui m’accompagnait : « Prendre votre décision dans la foi, c’est faire le mariage de votre volonté avec celle de Dieu ».

Il m’a semblé que l’image de l’alliance exprimait bien à la fois le désir et l’attente de Dieu sur moi, et l’engagement de ma liberté et donc de ma responsabilité.

Cette alliance se vit aussi comme un combat car je fais sans cesse l’expérience que cette liberté est faussée, qu’elle n’est pas ajustée au désir de Dieu, qu’elle est empêtrée dans la volonté propre, qu’elle est cause bien plus souvent de fréquents divorces de ma volonté avec la volonté de Dieu que de mariages !

Or, voici qu’Adèle m’a donné ces derniers mois une véritable boussole pour redresser ma liberté : « Que la Vierge Marie soit votre Étoile Polaire et le désir de suivre la volonté de Dieu le Nord auquel vous tendrez » (347.4). Quel chemin peut-elle m’indiquer, par sa vie et par ses Lettres, pour m’aider à avancer ?

Comment a-t-elle ajusté sa liberté au désir de Dieu, en particulier lors des étapes qui marquèrent sa vie, comment a-t-elle su reconnaître les lieux d’alliance de sa volonté avec celle de Dieu, comment a-t-elle discerné chez les autres le dessein d’amour de Dieu ?

De l’enfant de quatre ans, à la volonté très affirmée, aux colères et emportements fréquents, à la fondatrice qui, à l’heure de tout quitter, s’abandonne purement et simplement à la volonté de Dieu, Adèle nous laisse en héritage l’exemple d’une humanité bien incarnée, centrée sur ce combat de toute sa vie, le renoncement à sa volonté propre pour devenir conforme à la volonté de Dieu.

Elle est passée, malgré la brièveté de son existence, par des étapes exemplaires : conversion lors de sa première communion, résolutions réitérées lors de ses retraites, renoncement à un beau mariage, acceptation d’une vie religieuse qui différait de ses projets…

Dans sa correspondance, chercher à connaître, aimer et accomplir la volonté de Dieu est un thème très présent, exprimé à la fois dans de nombreux « Actes », dans des conseils à ses amies de la Petite Société, à ses Sœurs, à Sainte Émilie de Rodat etc., et à travers de précieuses confidences sur son propre combat.

Très vite, « la volonté de Dieu et sa plus grande gloire » devient d’ailleurs sa devise, devise qu’elle partage à tous et dont on peut donner les grands traits spirituels.

Se conformer à la volonté de Dieu, renoncer à sa volonté propre, « ce n’est pas l’affaire d’un jour » (332.3) : je retrace d’abord les grandes étapes de la vie d’Adèle, avec en regard les confidences qu’Adèle a faites sur son combat, tout au long de sa vie, dans ses Lettres (I). « Laissons-nous tourner et retourner à son gré » (240.3) : j’étudie ensuite l’expression du thème dans sa correspondance, en relevant les références et les sources, le lexique et la syntaxe (II).

Enfin, je m’attache à dégager les lignes de force de sa spiritualité en un petit traité de « la vraie dévotion » (240.2) sur les motivations pour suivre la volonté de Dieu, sur la connaissance et l’amour de la volonté de Dieu, sur les obstacles et résistances que l’on rencontre (III).

« Cette mort [à la volonté propre] n’est pas l’affaire d’un jour, il faut y travailler longtemps et à longue haleine » (332.3)

Les grandes étapes de la vie d’Adèle, vers la conformité à la volonté de Dieu

De la première communion à la confirmation

« Cette mort [à la volonté propre] n’est pas l’affaire d’un jour, il faut y travailler longtemps et à longue haleine » (332.3) : quand Adèle écrit à Mélanie de Figarol pour l’encourager à « terrasser » sa volonté propre pendant le temps qu’elle doit encore rester dans le monde avant d’entrer au noviciat, Adèle sait de quoi elle parle !

C’est lors de sa première communion à onze ans et demi que, si l’on se fie aux Mémoires de Mère Marie-Joseph de Casteras, Adèle prit les armes pour mener le combat de l’abandon à la volonté divine, de la mort à sa propre volonté.

En effet, enfant, à quatre ou cinq ans, Adèle montrait, à côté de ses qualités, « un caractère violent, impérieux, qui s’irritait de la moindre résistance, chez qui les accès d’humeur étaient plus que quotidiens et de petites colères n’étaient pas rares » (Positio, p. 515-516, [11]).

Arrive le temps de la première communion en exil, à San Sebastian : « Nous l’avons vue, dès sa plus tendre enfance, portée à la piété ; mais à cette piété s’alliaient de fréquents mouvements d’humeur, d’impatience, etc…. Le divin Soleil de Justice, en pénétrant dans cette jeune âme, dissipa tous ces nuages de petites passions, et la piété d’Adèle prit tellement le dessus qu’elle la rendit victorieuse de tous ses défauts. Cependant nous avouerons que ce ne fut pas sans beaucoup d’efforts et de grands combats. Que si la transformation fut subite en quelque sorte, en ce sens qu’il n’y eut plus de laisser-aller à ces petites colères d’enfant qui, avant la première communion, avaient lieu assez fréquemment, Adèle conserva toujours cependant une excessive vivacité. […] Mlle de Trenquelléon conserva donc, avec sa vivacité, toute sa force de volonté, mais leur action ne fut consacrée désormais qu’à rendre la grâce supérieure à la nature et ce à la pointe de l’épée, car il était facile de remarquer les violences qu’elle avait à se faire en certaines rencontres […] » (Positio, p. 521, [22], je souligne).

Mère Marie-Joseph de Casteras a de toute apparence une intention moralisatrice en écrivant les souvenirs recueillis ou vécus de la vie d’Adèle, mais il me semble que l’emploi de ce vocabulaire militant convient bien à la nature d’Adèle telle qu’elle se révèle dans ses Lettres.

De retour au château, Adèle souhaite prendre les moyens de lutter contre sa volonté propre afin de se préparer à entrer au Carmel quand l’heure sera venue : Monsieur Ducourneau, le précepteur de son frère, rédige à son intention un Petit Règlement.

Deux points de cette règle de vie soulignent la vigilance apportée à l’abnégation de la volonté propre par l’obéissance : « 7e. Préférez toujours la volonté d’autrui quand elle ne sera pas contraire à celle de Dieu » et « 14e. Tenez-vous dans une obéissance à la lettre envers vos parents ou vos Supérieurs afin de détruire en vous cette volonté propre et de mortifier ce goût naturel à faire toujours ce qui nous fait plaisir » (Lettres, t. 1, p. 414.416).

Adèle répond à cette ligne de vie quotidienne par une détermination accordée à ces principes : « Je prends la résolution de m’appliquer principalement à la pratique de l’humilité, de la douceur, de l’obéissance, à renoncer à ma propre volonté et de faire toujours celle des autres de préférence à la mienne… » (Lettres t. 1, p. 420).

Le 6 février 1804, à sa confirmation, Adèle réitère l’entier sacrifice de sa volonté : « Renoncer entièrement à ma propre volonté » (ibid.). La voici lancée dans la carrière de la sainteté (cf. Ph 3, 12) !

Du renoncement à une estimable demande en mariage…

À vingt ans, la main d’Adèle est demandée par un gentilhomme de mérite et de haute position sociale. Les parents d’Adèle considèrent ce parti comme avantageux pour leur fille mais la laissent libre d’y consentir.

Voici comment Mère Marie-Joseph de Casteras raconte cet épisode crucial dans la vie d’Adèle, faits qu’elle tient peut-être de la bouche de sa cousine ou de sa mère : « Malgré la parfaite liberté qui lui était laissée, elle se trouva dans une pénible anxiété ; le mérite du gentilhomme ne lui était pas inconnu ; elle n’était pas insensible aux avantages qu’elle rencontrait dans cette alliance ; son cœur la pressait de dire oui, mais sa conscience lui disait fortement que Dieu avait sur elle d’autres desseins. […] Mlle de Trenquelléon consulta M. Larribeau qu’elle avait choisi pour directeur de son âme, mais il refusa de lui donner une décision, se contenta de l’engager à prier : « Je croyais, lui ajouta-t-il cependant, que Dieu, Mademoiselle, avait d’autres desseins sur vous. » Ce mot eût été peut-être suffisant à une âme moins agitée que ne l’était celle-ci, mais la nature combattait fortement contre le sacrifice entier de tout son être si promptement fait. Un avis indirect ne lui suffisait donc pas, il fallait pour la sortir de son indétermination un conseil formel, et il lui fut donné par un ecclésiastique de mérite, lequel avait aussi sa confiance et qui sentit la nécessité de faire cesser cette violente agitation[1].

« Refusez, Mademoiselle, lui écrivait-il, un consentement serait imprudent dans votre actuelle situation morale ; si plus tard, vous croyez connaître que Dieu vous veut dans le monde, vous êtes dans une position à être sûre de trouver toujours un parti avantageux. » Cette décision remit le calme dans l’âme de Mlle de Trenquelléon. Elle pria donc ses parents de faire une réponse négative » (Positio p. 525, [29-31]).

Adèle prend donc les moyens de discerner : n’étant pas dans la paix, elle s’en tient à la situation dans laquelle elle se trouve et renonce à la demande en mariage, malgré les avantages que « son cœur », c’est-à-dire sa sensibilité, son affectivité, peut-être aussi son orgueil, lui présente.

Elle prie, prend conseil en s’ouvrant à des personnes de confiance, et fait un choix libre qui la remet dans la paix : « Il y aura sept ans que je répondis positivement non pour un établissement qu’on me proposait » (282.3), c’était la veille de la fête de la Présentation de la Sainte Vierge au Temple…

Deux éléments sont fort intéressants dans la suite du récit : d’une part, Mère Marie-Joseph de Casteras précise dans ses Mémoires une raison du refus d’Adèle : « Un des motifs qui contribuèrent le plus puissamment à faire faire à Mlle de Trenquelléon le sacrifice dont nous venons de parler, fut une tendre affection pour l’association dont elle était comme l’âme » (Positio p. 525, [31]).

Étant donné qu’Adèle est convaincue que la Petite Société ne s’est pas établie par hasard, mais qu’elle correspond, d’une manière mystérieuse encore pour ses membres, à un dessein de Dieu, il ne s’agit pas – me semble-t-il – uniquement d’« une tendre affection » d’Adèle pour son association, mais bien plutôt d’une foi profonde que cette Petite Société est appelée à un destin plus grand.

C’est donc bien la recherche de la plus grande gloire de Dieu, autrement dit de sa volonté, qui pousse Adèle à refuser la demande en mariage qui lui est présentée.

D’autre part, tout de suite après cette précision, Mère Marie-Joseph de Casteras évoque la grave maladie dont pâtit Adèle précisément un an plus tard : « Un an après cette victoire, Adèle fut atteinte d’une grave maladie qui la conduisit à deux doigts du tombeau. Rendue à la santé, son parti d’être toute à Dieu fut irrévocablement pris […] » (Positio p. 525, [31]), comme si cette maladie était le dernier événement qui détachait résolument Adèle du monde pour la tourner vers son désir de consécration toute à Dieu, comme si cette maladie était en quelque sorte la conclusion du discernement entrepris lors de la demande en mariage.

Sans doute, plus qu’une expression psychosomatique résultant du si grand sacrifice consommé l’année précédente (sacrifice de son désir d’aimer un époux, de donner la vie, d’occuper une position enviable et reconnue dans le monde, de pouvoir user des privilèges de cette position pour le bien de ceux qui l’entourent, etc.…), cette grave maladie fut pour Adèle l’expérience dans sa chair et dans son âme de la précarité de l’existence, de l’urgence de la conversion, de la hâte de mise pour correspondre au désir de Dieu sur elle.

…au renoncement à sa vision de la fondation religieuse

Déterminée à présent à embrasser l’état religieux et libérée des soins à procurer à son père (atteint de paralysie progressive) après le décès de ce dernier, Adèle aurait pu s’attacher de manière un peu raide à sa façon de concevoir son « cher projet ».

On sait que depuis le retour d’exil, Adèle a gardé dans son cœur l’appel à porter la Bonne Nouvelle dans les campagnes et a commencé cette œuvre à partir du château : la petite école, la catéchèse aux pastoureaux, la visite aux pauvres et aux malades, etc.

Or, sans avoir rencontré encore le Père Chaminade, Adèle lui fait confiance : il les veut petites missionnaires et leur impose la clôture ? Elle ne comprend pas comment les deux réalités pourront se conjuguer, elle fait connaître son appréhension puis s’abandonne à lui dans la foi (cf. Mémoires, Positio, p. 538, [54-55]).

« Et l’Œuvre des Campagnes ? J’y tiens bien, mon bon Père, ayant été nos premiers projets ; je serais au comble de mes désirs de la voir réussir ! Oh ! Si vous connaissiez le besoin de la plupart ! » (354.6)

Une fois religieuse, elle continue de rappeler son désir au Père Chaminade qui adopte le projet, mais l’Œuvre des campagnes ne deviendra réalité qu’après la mort d’Adèle, en 1836, à Auch !

Adèle a donc déjà accepté la clôture par un « humble renoncement » ; « en esprit d’abnégation totale d’elle-même », elle accepte encore « l’enseignement en son entier », c’est-à-dire les pensionnats et externats. Ainsi commente Mère Marie Joseph de Casteras dans ses Mémoires : « Cette acceptation de la jeune fondatrice ne dut pas être sans grand mérite car elle y répugnait singulièrement » (Positio, p. 542, [61]).

L’agonie

Le 26 mai 1826, à sa grande amie Agathe, devenue Mère du Sacré-Cœur, Adèle confie qu’elle prend les soubresauts de sa maladie et le repos forcé auquel elle est astreinte pour une occasion de grandir dans le renoncement : « Le bon Dieu le permet pour me faire mourir à ma volonté car on me fait rester longtemps au lit, que je n’aime guère, et, de là, presque toujours privée de la sainte communion. Priez pour moi que je fasse un saint usage de toutes ces contrariétés. Le plus fort, c’est de ne pouvoir conférer avec mes filles selon leurs besoins » (653.2).

Le 8 janvier 1828, deux jours avant de saluer d’un cri de victoire celui auquel elle s’abandonna « à la pointe de l’épée » tout au long de sa vie trop brève, Adèle se remet une dernière fois entièrement dans les mains de Dieu : « Son état de faiblesse devenant de plus en plus alarmant, on fit appeler M. Le Supérieur pour lui faire la recommandation de l’âme. Elle comprit. L’ennemi du salut profita de la conscience timorée de cette âme si pure pour lui inspirer des terreurs. J’ai peur, dit-elle. Ne craignez rien, bonne mère, lui dit la mère Saint-Vincent ; vous ne voulez que la volonté de Dieu. – Oui, dit la mère, mourante, tout ce que Dieu voudra » (Positio, p. 556, [88], je souligne).

Les confidences d’Adèle sur son cheminement spirituel

Dans cette course de longue haleine, qu’elles sont réconfortantes et émouvantes, les confidences qu’Adèle partage à ses correspondantes et au Père Chaminade sur son combat !

Toujours, amenées après un grand élan vers l’union à Dieu, après l’exhalaison de son profond désir de se conformer à sa volonté, ces confidences sont introduites par un « hélas » peiné, comme un retour désolé sur sa misère. Elle exprime ainsi la conscience qu’elle a de l’abîme qui la sépare encore du vrai bonheur en Dieu :

« Ah ! Chère amie, quel bonheur si nous pouvions acquérir cette conformité à la volonté de Dieu en tout ! Combien de péchés n’éviterions-nous pas, quelle paix n’acquérions-nous pas ? […] Hélas, chère amie, je n’ai pas encore fait un pas dans cette sainte conformité, et de là naissent en moi mille et mille fautes » (236.4.6).

« Allons, chère Amélie, redoublons notre courage, soyons toujours consacrées au bon plaisir de Dieu ; laissons-nous tourner et retourner à son gré : Il sait mieux que nous ce qu’il nous faut. Sa volonté est toujours aimable, toujours adorable. Hélas ! Je vous prêche une morale que je suis bien loin de pratiquer. La moindre contradiction m’abat et me décourage, et je m’impatiente pour tout ce qui me contrarie » (240.3.4).

« Vidons [notre cœur] de tout ce qui est terrestre, et surtout de notre propre volonté qui est un grand obstacle aux desseins de notre aimable Sauveur. Les anges promettent la paix aux hommes de bonne volonté et notre volonté ne peut être que mauvaise si elle n’est anéantie dans la volonté de Dieu et soumise à celle des autres. Hélas ! Ce matin encore, j’ai fait une grande faute provenant de la propre volonté » (285.2.3).

Une fois religieuse, retirée dans ce désert où Dieu l’a conduite pour la séduire et lui parler au cœur, Adèle n’en continue pas moins le combat.

Elle qui exhorte ses compagnes, qui les « prêche », avoue en toute simplicité de temps à autre ne pas correspondre à l’idéal de renoncement qu’elle vise pour elle, comme pour ses sœurs :

« Comme je veux profiter d’une occasion qui se présente, je ne peux vous dire grand-chose, sinon qu’il nous faut bien aimer la volonté de Dieu en tout et l’abnégation de la nôtre. C’est aisé à écrire, mais mal aisé à pratiquer » (308.2).

« J’espère que [dans cette maladie] vous mourrez tout à fait à vous-même pour ressusciter en Jésus-Christ : ne plus vivre que de sa vie, de son amour, de sa volonté. Que cette adorable volonté soit votre nourriture, ma fille, comme de Jésus-Christ celle du Père céleste. Je prêche bien, chère Sœur, et cependant mon cœur charnel est tout triste de vous savoir malade. Mais je veux accepter la croix que Dieu me présente » (569.2.3).

Elle ouvre en toute franchise son cœur au Père Chaminade pour qu’il la guide par l’obéissance sur la voie qu’elle-même a embrassée généreusement :

« Il faut que je vous dise que j’ai bien de la propre volonté. Par exemple : il m’est très pénible qu’on s’oppose à me laisser faire les instructions que je voudrais faire : je sens que cela m’impatiente […]. Je vous dis ceci pour que vous me disiez votre volonté » (au Père Chaminade, 365.6.7).

« Laissons-nous tourner et retourner à son gré » (240.3)

Sources, références

Références bibliques

Si l’on regarde quels textes scripturaires Adèle utilise quand elle parle du thème de la volonté de Dieu, on relève d’abord deux textes de vocation : la vocation de Samuel et la conversion de saint Paul.

Les deux passages bibliques sont fortement présents dans la correspondance d’Adèle, amenés à l’occasion d’une fête liturgique, ou quand elle aborde la question du discernement de la volonté de Dieu, en elle et en ses amies :

« Allons, ma chère et très chère amie, point d’abattement, point tant de tristesse. Je vous dirai volontiers avec notre respectable Anagni, que je crains que vous ne vous y laissiez trop aller. Il y a une tristesse qui donne la mort, dit saint Paul dont nous célébrons aujourd’hui la Conversion. Oh ! Ma chère Agathe, écrions-nous comme lui : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Me voici prête à tout : parlez, et votre servante obéira […] » (214.5).

« Disons souvent avec saint Paul : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Ou avec Samuel : Parlez, Seigneur, votre servante écoute ! et il nous fera sûrement entendre sa douce voix. » (273.4).

Une seule fois, Adèle recourt à la figure de Jean le Baptiste, le jour de sa fête :

« Quel grand saint, chère amie ! Saint François de Sales avait une grande dévotion pour lui. Il remarque en lui une grande abnégation pour faire l’œuvre de Jésus-Christ : il se prive de la compagnie de Jésus-Christ, avec qui, vous le sentez, il eût eu une grande joie de vivre. Bel exemple pour nous de devoir quitter Dieu pour Dieu, c’est-à-dire sacrifier notre propre inclination et dévotion pour accomplir les desseins du Seigneur et remplir le devoir de notre état » (189. 3).

Quant aux paroles du Christ, les plus nombreuses occurrences sont, sans surprise, celles de la demande du Notre Père : « Que la volonté de Dieu soit faite » (cf. 31, 54, 88, 129, 166, 220, 245, 247, 262, 268 etc.).

Autrement, deux paroles de Jésus rythment sa correspondance : la première, Jésus la dit à ses disciples auprès du puits de la Samaritaine (Jn 4, 34)[2] : « Que cette adorable volonté soit votre nourriture, ma fille, comme de Jésus-Christ était celle du Père céleste » (569.2).

« [L’esprit de notre vocation :] chercher les intérêts et la gloire du Père céleste, dont la volonté doit être notre nourriture suivant l’exemple de Jésus-Christ » (594.3) ;

la seconde, Jésus l’adresse à son père à Gethsémani (cf. Mt 26, 39) : « Que votre volonté soit faite et non la mienne ! » (544, « Acte »)

« Que ce calice passe loin de moi ! Néanmoins que votre volonté soit faite et non la mienne ! » (Mère M. Joseph est tombée malade à l’arrivée à Arbois, 501, « Acte », cf. 702, « Acte »).

« Il faut vouloir servir Dieu comme il veut et non comme nous voulons » (303.8).

Adèle puise encore à la source de l’Évangile la réponse de Marie à l’Annonciation, qu’elle aime à reprendre quand elle parle de la conformité à la volonté divine :

« Il y a bien des œuvres sur le tapis ! Prions pour que la sainte volonté de Dieu se fasse en tout et pour tout. Tenons-nous en paix et toujours prêtes à faire les sacrifices que le Seigneur exigera de ses chétives servantes ! Aimons à répéter cette belle parole de Marie : Je suis la servante du Seigneur ! Mais pratiquons-la encore plus ! Soyons vraiment des servantes, prêtes à accomplir toutes les volontés de notre adorable Maître ! » (714.3.4).

Sources

Les références autres que scripturaires sont plus délicates à repérer, on note toutefois facilement l’influence de saint François de Sales sur ce thème de la volonté de Dieu, sans doute à partir de la lecture de L’introduction à la vie dévote qu’Adèle mentionne dans ses Lettres.

En 1815, après le décès de son père, Adèle recouvre la liberté de songer à ses « chers projets », elle en a beaucoup parlé avec Jeanne Belloc… :

« Soit que Dieu veuille l’exécution de notre dessein, soit qu’il ne le fasse pas réussir, ce doit nous être tout un, comme dit saint François de Sales » (300.3).

Je n’ai pas retrouvé la citation exacte du Saint. Je n’ai pas non plus distingué d’influence précise de l’Imitation de Jésus-Christ sur la conception de la volonté de Dieu par Adèle ; il ne fait cependant aucun doute que sa fidélité à son vœu d’obéissance est travaillée par les maximes du petit ouvrage[3].

Vocabulaire

But et devise

Le 25 septembre 1805, Adèle, dans sa dix-septième année, rappelle à Agathe Diché la fin des réunions de la Petite Société : « Oui, c’est l’unique but que nous devons nous proposer en tout : sa gloire et l’accomplissement de sa sainte volonté ! » (53.1).

Onze ans plus tard, devenue Sœur Marie de la Conception, elle réaffirme cette finalité de toute son existence à Charlotte de Lachapelle qu’elle aurait souhaité avoir avec elle lors de la retraite de Noël 1816 : « Que devons-nous vouloir que l’accomplissement de la tout aimable volonté de Dieu ? Qu’elle soit notre tout, le but et la fin de tout » (310.3).

Accomplir la volonté de Dieu ou chercher sa gloire, c’est une seule et même visée pour Adèle : « C’est votre gloire que je veux chercher, ô mon Dieu ! (236.1 ; cf. 238.5, 270.1, 287).

D’ailleurs, très vite, le mot d’ordre de saint Ignace : Ad maiorem Dei gloriam va devenir sa devise. Le 22 mai 1816, elle place la très prochaine fondation sous ce patronage : « J’attends aujourd’hui notre chère Clémentine et Melle Lion qui viennent me joindre ici pour partir ensemble pour le couvent. Priez le bon Dieu qu’il soit glorifié dans toutes nos entreprises et que nous prenions cette devise du glorieux Saint Ignace : À la plus grande gloire de Dieu ! » (304.8).

Adèle propose aussi la devise à ses correspondantes : « Oui, chère sœur, que notre unique but soit la plus grande gloire de Dieu ; que ce soit votre devise à l’exemple de saint Ignace » dit-elle à Mère Émilie de Rodat tandis qu’on envisage encore l’union des deux Instituts (369.4, cf. 396 « Acte », 425.4, 469.6).

Elle est la première à s’y référer quand elle se sent menacée de faire primer ses désirs sur ceux de Dieu : « Et l’union projetée ? Il faut donc y renoncer ? Je mentirais si je disais que c’est sans peine ! Je ne sais, mais j’ai en moi toujours un vouloir sur cet article ! … Mais je fais le sacrifice à mon Dieu ; je ne veux que sa plus grande gloire ! » (476.4, à Mère Émilie de Rodat, le 7 octobre 1822, alors que les Sœurs de Villefranche s’opposent à l’union de peur de perdre leur Supérieure).

Variété du lexique

Les expressions qu’Adèle utilise peuvent être regroupées en cinq catégories. De la première relèvent les expressions « faire, accomplir, suivre la volonté de Dieu » : il s’agit de verbes relativement neutres, qui dénotent l’activité.

On perçoit quelle est la volonté de Dieu et on s’applique à l’exécuter ; le troisième verbe « suivre » donne cependant à entendre que c’est bien Dieu qui nous précède en son désir, qui nous ouvre un chemin à emprunter :

« Évitons le péché, les occasions du péché, tâchons de lui plaire en tout, de faire en tout sa très adorable volonté » (34.4).

« Ne voulons que Dieu, ne cherchons que Lui et à faire sa volonté » (112.5).

« Ainsi que notre âme soit insensible aux attraits du monde, prompte à suivre la volonté de Dieu » (181.4, cf. 23.3, 44.4).

« Oui, c’est l’unique but que nous devons nous proposer en tout : sa gloire et l’accomplissement de sa très sainte volonté ! » (53.1).

« Ne vivons donc plus que pour chanter les miséricordes dont nous a comblées le Seigneur, et témoignons-lui notre reconnaissance, par notre fidélité à accomplir en tout sa sainte loi et ses adorables volontés et en lui sacrifiant toujours la nôtre. Faisons cela et nous vivrons » (79.6).

« Préparons nos cœurs pour accomplir les desseins de Dieu » (256.5).

La deuxième catégorie contient les formules « correspondre, répondre aux desseins de Dieu » : elles disent le dialogue dont l’initiative revient à Dieu, mais qui ne devient dialogue que si nous engageons notre liberté en retour.

« Tâchons par notre amour et notre fidélité à correspondre à ses desseins » (25.7).

« Allons, chère Mère, correspondons aux desseins de Dieu et devenons de vraies religieuses par une vie toute consacrée à Dieu » (636.4).

« Allons, ma chère et bonne sœur, efforçons-nous de répondre aux grands desseins du Seigneur. Soyons généreuses à son service » (353.11).

L’idée d’un consentement amoureux, celui de ne plus s’appartenir, d’une passivité toute travaillée par la grâce, véritable perfection – en particulier dans l’épreuve -, est traduite par l’expression « s’abandonner à la volonté de Dieu » :

« Abandonnons-nous à sa volonté, il est notre Père et notre Maître tout ensemble » (5.2).

« Ô mon Dieu, je m’abandonne entièrement à Votre sainte volonté » (271, « Acte », cf., 106, 190, 236).

« Ménagez-vous, suspendez autant que possible vos travaux, ne vous livrez pas à des inquiétudes qui aigriraient votre sang ; que votre abandon à la volonté de Dieu remplace tout » (443.3).

« Je recommande à la chère communauté de Tonneins le saint abandon à la volonté de Dieu source de toute paix et de tout bien spirituel » (445.6).

« Mais pour suivre les desseins de Dieu, imitons cette bonne mère : son abandon à la volonté divine qui était sa vertu prédominante, sa véritable mortification, son renoncement continuel » (488.7).

« À ma très chère fille de l’abandon à la volonté de Dieu » (à une novice, 547.1).

« Je vous désire un grand abandon à la Providence et à la volonté de Dieu. Ne cherchez rien que l’accomplissement de cette volonté, ne veuillez que ce que le bon Dieu voudra, pour les lieux, les emplois où il vous destinera, vous ne vous appartenez plus, mais à Dieu. Abandonnez-vous à la conduite de ce bon Maître, qu’Il soit votre tout ! » (554.3)

Sont regroupées dans la quatrième catégorie des formulations qui aujourd’hui nous rebutent, mais qui étaient fort courantes dans le langage dévot du siècle d’Adèle : « se résigner, se soumettre, s’humilier à la volonté de Dieu ».

Ressort de ces verbes l’idée d’un combat à mener contre nous-mêmes pour faire triompher la volonté de Dieu sur notre volonté propre.

Et Adèle emploie précisément ces verbes quand elle parle d’une grande épreuve à traverser, un deuil, une maladie grave…

Quand tout son être se révolte, résiste, elle tâche de s’unir au sacrifice de la Croix, elle s’efforce de concevoir le malheur comme un don de Dieu, à la manière du « bonhomme Job » dont l’histoire l’imprégna très jeune…

« Ô mon Dieu, je me soumets à votre sainte Volonté ! […] Quel coup, grand Dieu ! Oh ! Que vos desseins sont impénétrables, mais toujours adorables. Ne cherchons plus maintenant, chère amie, qu’à nous résigner à la volonté de Dieu, qu’à unir ce pénible calice avec celui de Jésus-Christ, qu’à offrir ce sacrifice avec celui que notre Mère, la Sainte Vierge, offrait de son cher Fils » (mort de M. Belloc, 167, « Acte ».2-3).

« Eh bien, ma chère fille, que faire ? Nous résigner à la volonté de Dieu en tout : lui soumettre nos vues, nos désirs, nos projets ; tout entre ses mains » (renoncement à un voyage à Agen, 248.3).

« Du courage ! Ma chère fille, le bon Dieu nous afflige, soyons résignées à sa volonté ! La croix est la marque des élus » (une des fondatrices est au plus mal, 568.3).

« Humilions-nous chère amie, à la volonté de Dieu. Il sait mieux que nous ce qui nous convient. […] Soumettons-nous à la volonté du Seigneur ! Mais je désirerais toujours néanmoins sourire aux décrets du Ciel ! » (en l’absence de sa mère, Adèle ne peut quitter le château, 22.5)

« Soumettons-nous entièrement à sa Sainte Volonté en tout et pour tout et cet esprit de soumission nous préparera à recevoir cette grâce dont nous avons tant de besoin » (137.2)

« Mais surtout, glorifions le Seigneur en nous-mêmes par une soumission entière à ses adorables volontés » (179.4, cf. 214.5).

« Apprenons, chère amie, à rompre nos volontés, à les soumettre entièrement à celle de Dieu » (240.2, cf. 264.2).

« Allons, chère amie, du courage, de la soumission à la volonté de Dieu. Dans vos infirmités, le bon Dieu vous fait passer par la voie des plus grands saints » (303.8, cf. 665.8).

« J’entends des actes d’amour pratique : prouver à Dieu qu’on L’aime par la fidélité à ses devoirs, par la soumission à sa volonté, par l’exactitude aux moindres observances » (684.7).

Afin de se résigner, de se soumettre, de s’humilier à la volonté de Dieu, Adèle recommande de « renoncer » à sa volonté propre, de la « rompre », de la « sacrifier », de l’« immoler » :

« Il y a plus de mérites à savoir se renoncer soi-même dans toutes les occasions qu’à faire les plus grandes pénitences : parce que c’est notre propre volonté qui nous tient le plus à cœur, et que c’est elle que nous rompons quand nous nous renonçons » (79.2).

« [Le bon Dieu] veut seulement que nous réprimions nos inclinations perverses, que nous lui fassions le sacrifice de notre propre volonté, la soumettant à la sienne et à celle de nos Supérieurs » (262.4).

« Oh, détruisons [notre volonté propre] : elle est bien opposée à l’esprit du saint état où nous aspirons. Allons, chère amie, immolons-la cette propre volonté » (285.3).

« Être conforme à la volonté de Dieu » : la dernière catégorie de citations est théologiquement la plus forte. La conformité au Christ est le but ultime de toute vie consacrée à Dieu par le baptême. Pour Adèle, il s’agit d’une grâce, d’une vertu, qui abolit l’idée de combat pour dire l’union de la volonté propre avec la volonté divine.

« Priez Dieu pour moi ; je veux faire cette communion en préparation à la mort et pour obtenir la grâce de la conformité à la volonté de Dieu » (77.10)

« Oh ! Si nous possédions bien cette belle vertu de la conformité à la volonté de Dieu, que nous serions en paix ! » (129.5)

« Ah ! Chère amie, quel bonheur si nous pouvions acquérir cette conformité à la volonté de Dieu en tout ! » (236.4, cf. 629.9).

« Tournez et retournez de moi » (214.5)

Il y a une expression imagée et suggestive dont j’ai cherché l’origine dans L’Imitation à Jésus-Christ et dans L’Introduction à la vie dévote sans succès.

Il s’agit de « tourner et retourner de quelqu’un », et il me semble que c’est une expression propre à Adèle pour dire sa soumission, sa disponibilité, son désir de se rendre agréable à Dieu :

« Me voici prête à tout : parlez, et votre servante obéira ; tournez et retournez de moi, et de tout ce qui m’appartient, suivant votre sainte Volonté » (214.5).

« Laissons-nous tourner et retourner à son gré. Il sait mieux que nous ce qu’il nous faut. Sa volonté est toujours aimable, toujours adorable » (240.3).

Le dictionnaire du Littré donne à l’article du verbe « retourner » une définition qui pourrait correspondre à cette expression : « 8. fig. et fam. Retourner quelqu’un, lui faire changer d’avis, de parti ».

On comprend la métaphore aisément, il s’agit de consentir aux événements et d’y prendre la mesure du dessein de Dieu, de son désir inscrit en creux, pour y répondre généreusement.

Il s’agit aussi, qu’on soit tourné dans un sens ou retourné dans un autre, d’acquérir l’indifférence (celle de saint Ignace ou de saint François de Sales) qui nous fera préférer le meilleur en vue de Dieu.

L’expression du combat d’Adèle dans la syntaxe des Lettres

Le caractère absolu d’Adèle : les constructions restrictives

Un des grands intérêts des Lettres conservées d’Adèle, c’est de la découvrir pleine de vivacité, de fraîcheur, d’enthousiasme pour s’entraîner et entraîner les autres dans la carrière de la sainteté.

Plusieurs indices grammaticaux soulignent son caractère absolu : parmi eux, les constructions restrictives en ne…que, l’emploi des épithètes unique, seul, les occurrences de l’adverbe entièrement, du complément circonstanciel aussitôt et la déclinaison de tout, en tout, pour tout, partout, toujours, etc. !

« Ma chère Lolotte, que devons-nous vouloir que l’accomplissement de la tout aimable volonté de Dieu ? Qu’elle soit notre tout, le but et la fin de tout » (310.3).

« Ne voulons que Dieu, ne cherchons que Lui et à faire sa volonté » (112.5).

« Implorez bien les lumières du Saint Esprit afin que nous ne fassions que ce qui sera dans les desseins de Dieu et suivant sa Volonté, fallut-il renoncer à nos inclinations » (273.3, cf. 274.3).

« […] accomplir en tout sa sainte loi et ses adorables volontés et en lui sacrifiant toujours la nôtre » (79.6).

« Ô mon Dieu, je m’abandonne entièrement à Votre sainte volonté » (106.acte, cf. 129, 190, 271).

« Soumettons-nous entièrement à sa sainte Volonté en tout et pour tout » (137.2, cf. 220.9, 248.3.).

« Prions toujours que l’aimable volonté de Dieu se fasse en tout, partout, pour tout » (485.9).

« Oui, c’est l’unique but que nous devons nous proposer en tout : sa gloire et l’accomplissement de sa sainte volonté » (53.1).

« Dans tout ce qui arrive, sachons dire aussitôt : ‘Mon Dieu, que votre volonté soit faite !’ » (129.4).

« Me voici prête à tout » (214.5).

« La sainte volonté de Dieu en tout ! Dieu seul ! Dieu seul ! » (555.4)

L’humanité d’Adèle : les constructions adversatives

Mais cette détermination ne rend pas Adèle insensible, loin de là ! En effet, on relève de très nombreux cris du cœur, qu’Adèle s’empresse de corriger en ramenant sa sensibilité à « l’unique but » de son existence : devenir conforme à la volonté de Dieu.

Ainsi, les mais, cependant, au reste, malgré, si, enfin, sont autant d’indices du renoncement à sa volonté propre que s’impose Adèle et le prix que ces sacrifices, petits ou grands, lui coûte.

« Mon cœur demande sa chère Lolotte, mais il est soumis aux desseins du bon Dieu qui sont adorables en tout ! » (388.5, cf. ; 376.4)

« Ceci m’afflige bien, mais en tout, soumission à la volonté de Dieu ! » (532.2)

« Je suis enchantée de votre petite réunion des vendredis. Que je voudrais m’y trouver ! Enfin, la volonté de Dieu ! » (88.8, cf. 456.3 ; 558.4 ; 645.3)

« Au reste, ma très chère Sœur, j’abandonne ce désir de mon cœur à la volonté de Dieu. Ses desseins ne sont pas toujours les nôtres. Et peut-être veut-il nos deux Instituts comme deux plants dans le parterre de son Église ! » (360.4)

« Mais je l’avoue, mon cœur me dit que nous sommes sœurs. Je vous abandonne cependant, ô mon Dieu, ce désir, s’il n’est pas conforme à votre volonté. Tout pour plaire à Dieu et rien pour nous satisfaire ! » (369.4)

« Cela m’a un peu contrariée ; cependant, j’adore les desseins de Dieu » (372.2)

« Je désire de plus en plus notre union, si telle est la volonté de Dieu ! Il me semble qu’il y a en nous une grande conformité de sentiments et que le Seigneur n’a pas permis en vain notre liaison » (396.2).

« Combien je désire que le Seigneur manifeste sa volonté ! Et, malgré ce que mon cœur voudrait, je me soumets à tout ce qu’il permettra… » (469.6)

Une seule fois, j’ai trouvé une occurrence de juxtaposition adversative, dans une Lettre très étonnante à plusieurs points de vue : Adèle écrit aux novices de Bordeaux.

Elle paraît être surprise et affectée de l’obédience de mère Louis de Gonzague, jusqu’alors maîtresse des novices, à Condom (où elle ne restera qu’un peu plus d’un an avant de retrouver ses fonctions).

Elle compatit avec « le petit troupeau blanc » : « Mon cœur saigne de la douleur du vôtre. J’ai manqué tomber en apprenant l’obédience de mère Gonzague dont je n’avais eu nul vent de Bordeaux. Adorons les desseins de la Providence » (597.2).

Brutalement, Adèle passe du cri du cœur à l’injonction à la foi pure : « Adorons ».

Petit traité de « la vraie dévotion » (240.2)

Bien sûr Adèle n’avait pas l’ambition dans ces Lettres d’écrire un traité de dévotion !

Mais la matière des citations autour du thème de la volonté de Dieu est suffisamment importante pour que l’on puisse chercher à dégager les lignes de force de la spiritualité d’Adèle sur ce point.

Une spiritualité authentique et incarnée, portée par un grand désir de sainteté, mais réaliste et éclairée par l’expérience quotidienne de l’obéissance religieuse : « Apprenons, chère amie, à rompre nos volontés, à les soumettre entièrement à celle de Dieu : voilà en quoi consiste la vraie dévotion ; le reste est bien sujet à l’illusion. C’est ici la pierre de touche où l’on connaît les vrais serviteurs de Jésus-Christ » (240.2).

Motivations

Les fruits spirituels de la conformité à la volonté de Dieu

Adèle, sans jamais citer la phrase de l’évangile de Matthieu en entier, ne fait pourtant qu’illustrer la parole de Jésus quand elle insiste sur la paix comme fruit de la conformité à la volonté de Dieu : « Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes » (Mt 11, 29 ; cf. 276.6).

De fait, si nous consentons à renoncer à notre volonté propre, si nous voyons avec confiance dans chaque événement le dessein de Dieu, alors rien ne pourra troubler cette « paix intérieure » de qui s’est fait dépendant de l’Auteur de tout bien.

Le cœur en paix accueillera tous les autres fruits spirituels. Dans les épreuves et les contradictions, cette tranquillité de l’âme sera d’ailleurs la « douce consolation » et disposera l’être à « la sainte joie » :

« Ne voulons que Dieu, ne cherchons que Lui et à faire sa volonté et ainsi nous serons tranquilles au milieu de tous les événements qui pourront nous arriver » (112.5).

« Ah ! Chère amie, quel bonheur si nous pouvions acquérir cette conformité à la volonté de Dieu en tout ! Combien de péchés n’éviterions-nous pas, quelle paix n’acquérions-nous pas ? » (236.4).

« Oh ! oui, chère amie, qu’Il nous donne la donne cette paix si désirable, cette paix qui ne dépend pas des événements, ni de rien dans le monde, cette paix intérieure qui vient d’une âme parfaitement soumise à la volonté de Dieu, et qui reçoit tout de sa main » (264.2).

« Les anges promettent la paix aux hommes de bonne volonté et notre volonté ne peut être que mauvaise si elle n’est anéantie dans la volonté de Dieu et soumise à celle des autres » (285.3).

« […] le saint abandon à la volonté de Dieu, source de toute paix et de tout bien spirituel » (445.6).

« […] cet esprit de soumission nous préparera à recevoir cette grâce dont nous avons tant de besoin » (137.2).

« Oh ! Si nous possédions bien cette belle vertu de la conformité à la volonté de Dieu, que nous serions en paix ! Dans les chagrins les plus cuisants, cette conformité, cette confiance en Dieu, ferait notre plus douce consolation » (129.5).

« Efforcez-vous d’avoir la sainte joie. L’abandon à la volonté divine vous y aidera » (621.7).

L’abnégation de la volonté propre, âme de la vie religieuse

Avant même d’entrer dans la vie religieuse, Adèle voit clairement l’essence des trois vœux : l’abnégation de la volonté propre. Se quitter pour tout trouver en Dieu, son Petit Règlement l’y avait préparée en insistant sur l’obéissance envers ses parents, envers ses Supérieurs, car « l’habit ne fait pas le moine » !

Elle encourage ses amies à faire ainsi leur postulat en attendant la réalisation imminente du « cher projet » :

« Pensons, chère sœur, que nous sommes en postulat et travaillons avec ardeur à acquérir les vertus religieuses et, surtout, cette abnégation de notre propre volonté qui en est l’âme » (299.3).

« La nature répugne à cette abnégation de sa volonté qui est cependant l’essence de la vie religieuse car l’habit ne fait pas le moine. Et il ne servirait de rien d’être à l’extérieur les épouses de Jésus-Christ, si nous ne conformions notre vie à cette auguste qualité » (300.4).

Une fois religieuse, Adèle reste convaincue que ce renoncement à soi est le cœur de la vie consacrée, son « économie » comme elle dit elle-même, c’est-à-dire la clé de voûte, ou l’ossature pour prendre une autre image, qui fait tenir ensemble toutes les dimensions de la consécration par la profession religieuse : « Il ne faut pas perdre le temps, il faut l’employer à acquérir les vertus religieuses, et surtout cette mort à la propre volonté qui fait l’économie de la vie religieuse » (332.3).

L’« esprit de notre vocation » ? Un « esprit de dévouement, de zèle, de renoncement à tout intérêt et toute satisfaction personnelle, pour chercher les intérêts et la gloire du Père céleste » (594.3).

Bref, la religieuse, par sa profession, ne s’appartient plus, qu’importe l’ampleur de l’ouvrage qui lui est confié : « Ne sommes-nous pas consacrées à la gloire de Dieu ? Tous nos moments sont à Lui, qu’Il en dispose à sa volonté ! » (639.3).

Ce renoncement est d’ailleurs exprimé le plus explicitement par le vœu d’obéissance, même s’il est aussi bien inclus dans les autres vœux : Adèle rappelle que sur l’autel de la profession, nous faisons « l’holocauste de notre volonté par le vœu d’obéissance » (612.12).

Elle exhorte les futures professes à ce même mouvement d’offrande de soi pour se conformer au Christ : « Je fais mes amitiés à sœur Dosithée et lui recommande de faire un vrai holocauste de sa volonté à sa profession » (563.4).

« Offrez-Lui vos volontés pour ne plus avoir que la sienne » (618.4).

La volonté de Dieu, c’est que nous devenions saints

Dieu – Adèle n’en doute jamais – a sur chacun de nous un dessein de sainteté : nous sommes tous appelés à la sainteté ! Comme plus tard Thérèse Martin, Adèle exprime en toute simplicité ce désir que Dieu lui a mis au cœur : devenir une grande sainte.

« Tendons toutes à devenir de grandes saintes : c’est là la volonté de Dieu ! » (510.8)

« Je désire que vous deveniez une grande sainte, et tels sont les desseins de Dieu car il vous a aimée dès votre jeunesse » (632.3).

Or, précisément, pour acquérir cette sainteté, un seul moyen : devenir conforme à la volonté de Dieu, qui est de nous rendre saints ! En voilà un beau cercle vertueux… !

« Regardons-nous comme des pépinières de saintes, si nous correspondons aux desseins de Dieu sur nous » (432.3).

« Votre perfection, dans ce moment, doit être dans cette conformité : c’est une vertu qui fait les saints et qui a toujours caractérisé les saints » (443.3).

Connaître la volonté de Dieu

Pour acquérir la paix intérieure, pour être une vraie servante du Christ, pour devenir sainte, nous voici convaincues d’« embrasser la volonté adorable de notre Dieu » : la grande affaire à présent, c’est bien de « s’attacher à la connaître » (23.3).

Or, Adèle nous offre plusieurs moyens : la prière, les signes, la direction spirituelle et l’obéissance selon la Règle.

Chercher à connaître la volonté de Dieu par la prière

Par l’oraison

« Nous serons fortes avec la prière, et sans elle nous ne pourrons rien » (324.5) : Adèle recourt donc à la prière à chaque fois qu’elle doit prendre une décision.

Elle exhorte les jeunes sœurs en formation à devenir des « filles d’oraison », recevant dans une prière dépouillée les motions de l’Esprit pour accomplir la volonté de Dieu : « Je désire que ma chère Gabrielle […] soit fille d’oraison et d’une véritable oraison, sans illusion, cherchant purement Dieu seul et non les consolations de Dieu, sa volonté toute simple, toute nue ! » (552.3).

Pour discerner les vocations, Adèle prie et fait prier pour éclairer son jugement :

« Nous prions le bon Dieu qu’Il vous fasse connaître sa volonté sainte, qu’Il vous donne la grâce et la force de l’accomplir, et, comme vous le dites, de quitter tout pour trouver tout » (324.7).

« Priez pour elle [une postulante très attachée à son père], que la volonté de Dieu se manifeste ! » (688.5)

« Nous avons en retraite la petite Robert, Sœur Célestine, qui brûle d’entrer. Une jeune personne, sortie des Sœurs Grises pour cause de santé, qui voudrait aussi entrer ; il faudrait une grande exception. Priez pour que nous soyons éclairées sur la volonté de Dieu » (432.7).

« L’affaire de Melle Launet demande bien des prières afin de connaître la volonté de Dieu » (642.6).

Cependant Adèle conçoit, simultanément à la prière, la nécessité de moyens pratiques et concrets pour avancer dans le discernement de la volonté de Dieu.

Au sujet du projet d’union entre l’Institut de Villefranche et les Filles de Marie, Adèle écrit à Mère Émilie qu’elle attend la visite du P. Chaminade au couvent d’Agen : « Jugez si nous parlerons de ce qui fait l’objet de mes désirs ! Si toutefois c’est la volonté du divin Maître et l’ordre de l’obéissance. Mais je sais bien un moyen court et facile : s’il était possible que Mr Marty vînt pendant le séjour de notre Père, ils s’arrangeraient ensemble. […] Je vais bien prier pour connaître la volonté de Dieu, mais je le répète, je crois nécessaire le voyage de M. Marty » (472.2).

Par l’invocation à l’Esprit Saint et l’intercession de la Vierge Marie

À quelques jours de ses quinze ans, Adèle aborde la grande question de la vocation avec Agathe.

Elle demande les lumières de l’Esprit afin qu’il leur découvre à quel état Dieu les destine. « Il faudra toujours consulter l’Esprit Saint et celui chargé de la conduite de notre âme par qui Dieu nous fera connaître sa volonté » (10.4) : comme elles sont encore bien jeunes, elles n’embrasseront définitivement un état que dans plusieurs années.

Qu’importe, c’est dès maintenant qu’Adèle suggère à ses associées de prier pour leur vocation ! Elle leur propose de faire cette courte prière tous les jours : Venez divin Esprit nous éclairer de vos divines lumières, et embrasez nos cœurs de votre Saint Amour !

Et de la conclure par ces mots par notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi soit-il, parce que Jésus a promis que tout ce que nous demanderons au Père en son nom nous sera accordé (10.4).

En effet, Adèle, dont le rayonnement apostolique par la Petite Société naquit dans le souffle de l’Esprit reçu en plénitude à la confirmation, ne pouvait pas ne pas recourir à l’invocation à l’Esprit Saint :

« Joignons-y un Veni Sancte pour obtenir une connaissance plus claire de la volonté de Dieu » (245.3).

« Implorez bien les lumières du Saint Esprit afin que nous fassions que ce qui sera dans les desseins de Dieu et suivant sa Volonté, fallut-il renoncer à nos inclinations » (273.3).

« P.S. Je vous propose à toutes une neuvaine d’un Veni Sancte et d’un Sub Tuum, pour obtenir pour chacune de nous, la connaissance de la volonté de Dieu, à commencer le jour du premier de l’an » (286.12, cf. 287.10).

Adèle joint un Sub Tuum au Veni Sancte, par là elle illustre à son insu et par avance cette petite phrase de notre Prière de Trois Heures : « Vierge Sainte, rends-nous dociles à l’action de l’Esprit Saint ».

Sub tuum praesidium confugimus,
Sancta Dei Gentitrix ;
Nostras deprecationes ne despicias
In neccessitatibus
Sed a periculis cunctis libera nos semper,
Virgo gloriosa et benedicta.

Sous l’abri de ta miséricorde,
Nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu.
Ne méprise pas nos prières
Quand nous sommes dans l’épreuve,
Mais de tous les dangers délivre-nous toujours,
Vierge glorieuse et bienheureuse.

De fait, celle qui fut couverte de l’ombre de l’Esprit Saint pour enfanter le Fils de Dieu est le meilleur des guides pour accomplir la volonté du Père : « Que la Vierge Marie soit votre Étoile Polaire et le désir de suivre la volonté de Dieu le Nord auquel vous tendrez » (347.4).

Par le discernement des signes

À l’instar des Mages qui scrutaient le ciel et qui, dès qu’ils virent se lever une étoile inconnue, se mirent en route, guidés par elle, lisant dans cette apparition l’avènement d’un Roi, Adèle est attentive aux signes qui se manifestent à travers les personnes de son entourage et les événements : « Aussi prompte que les Mages qui partirent dès qu’ils virent l’étoile, j’accomplirai votre volonté dès qu’elle me sera connue. Je mettrai désormais tous mes soins à la connaître, et tout mon empressement à la suivre » (44.4).

Un vœu de son père, qui, s’il se réalise, favoriserait le « cher projet », un malheur qui détourne une amie de son désir de vie religieuse, une maladie qui a permis d’expérimenter l’abnégation de sa volonté propre : autant d’étoiles sur la route de la conformité à la volonté divine dont Adèle fait profit et fait profiter les autres.

« Voici une merveille (entre nous ceci) : papa me dit hier qu’il faisait un vœu, que si Dieu le faisait un peu marcher et agir, il ferait une fondation de 24.000 Fr. dans la paroisse pour le soin des malades et l’instruction des petites filles. Qu’il ferait bâtir une maison appropriée et y mettrait trois Sœurs de la Charité. Vous jugez que j’ai pensé à nous et qu’alors la volonté de Dieu serait bien marquée » (245.5).

« Je vous apprends, chère amie, un grand malheur que viennent d’éprouver nos chères amies Compagno : leur belle-sœur vient de mourir en laissant cinq enfants tout petits à qui leurs soins deviennent nécessaires, surtout ceux de Melle Compagnon, l’aînée… Je crois bien que la volonté de Dieu se manifeste pour qu’elle soigne ces malheureux enfants ; mais nous perdons bien ! » (295.4)

« [Cette maladie] vous aura appris à mourir à vous-même, à vous renoncer, à savoir obéir. Ceci n’est pas un petit avantage ! Du courage ! Je vois en ceci une volonté de Dieu : vous en aviez besoin pour votre avancement et votre perfection. Faites-en votre profit, chère soeur » (571.2).

Par l’ouverture du cœur

On a déjà vu qu’Adèle, peu avant ses quinze ans, se donne comme règle de vie, pour embrasser l’état auquel Dieu la destinera, de recourir à l’Esprit Saint et à « celui chargé de la conduite de notre âme » (10.4), on ne reviendra pas sur les démarches qu’elle entreprend au moment où une demande en mariage la jette dans un grand trouble.

Tout au long de sa vie, Adèle ne manque jamais de conseillers et de directeurs autour d’elle, sachant les trouver et se remettre avec confiance entre leurs mains. Elle tâche de voir et d’encourager ses amies et ses sœurs à voir dans l’homme qui leur donne le pardon de Dieu ou les guide Celui qui agit à travers lui :

« Ne regardons plus l’homme mais Celui dont il tient la place. Recevons avec respect et obéissance ses ordres et ses conseils : Dieu parle par sa bouche. C’est par lui qu’il nous fait connaître ses volontés » (18.2).

« Suivez toujours ses avis, il vous parle de la part de Dieu et vous intime ses volontés » (352.5).

Elle les appelle des « Ananie », faisant ainsi allusion au disciple de Damas qui, sur l’ordre du Seigneur, vint imposer les mains à Saül pour lui faire retrouver la vue et le remplir de l’Esprit Saint (cf. Ac 9, 17) : « Au reste, chère sœur, rapportez-vous en à votre Ananie, il doit être pour vous l’interprète de la volonté de Dieu » (413.5).

C’est d’abord à M. Jean-Baptiste Ducourneau (1764-1843), précepteur de son frère Charles, qu’Adèle prend l’habitude de s’ouvrir. Cet homme d’une petite quarantaine d’années, très pieux, a fait des études de théologie, sans toutefois avoir été ordonné, et devait être religieux avant les événements de la Révolution, car son nom figure sur les listes du clergé régulier dispersé sous la Terreur.

Dans le Petit Règlement qu’il rédige à l’intention d’Adèle, il est d’avis qu’elle communie tous les huit jours. Cela signifie qu’Adèle va recourir au sacrement de réconciliation de façon hebdomadaire : « 20. Tous les samedis, après un petit quart d’heure ou demi-heure au plus de préparation, vous iriez dire à votre confesseur ce qui vous embarrasse, et suivriez avec respect et obéissance ce qu’il vous prescrirait » (Lettres, t.1, p. 417).

À la fin de sa retraite de 1804, une des résolutions d’Adèle fait part de son désir de se conformer sans rechigner aux avis de ceux qui la conduisent : « Obéir sans raisonnement à mes directeurs » (ibid., p. 421), nul doute étant donné sa vivacité naturelle, que cela devait parfois lui coûter !

En février 1807, Monsieur Ducourneau suit à Paris le frère d’Adèle qui va y continuer ses études. Monsieur Jean Larribeau (1762-1836), desservant de la succursale de Lompian, lui succède à la tête de la « Petite Société » et devient le directeur spirituel d’Adèle.

Dans ses lettres aux associées, Adèle parle aussi de Monsieur Laumont, en lui donnant le nom de Visiteur. C’est cet homme, Pierre Etienne Laumont (1758-1827), qui s’est exilé à Saragosse (où il rencontra peut-être le Père Chaminade après 1797 ?) et qui, à son retour en France en 1803, est nommé desservant de Sainte Radegonde, paroisse voisine d’Aiguillon, à qui Adèle va demander de rédiger des projets de Constitutions.

En 1825, il devient Directeur du grand séminaire d’Agen et chanoine honoraire de la cathédrale, puis, peu après, se retire dans une maison contiguë au couvent des Filles de Marie.

Adèle a encore un soutien avisé en Monsieur Joseph Mouran (1766-1844), Lazariste, qui est rappelé de Constantinople par Monseigneur Jacoupy en 1812. D’abord Directeur du grand séminaire, il en devient le Supérieur en 1822. Dans ses dernières années, il se retire au couvent des Filles de Marie.

Enfin et surtout, le Père Chaminade devient le Supérieur direct d’Adèle à partir de la fondation à Agen en 1816. Elle lui rend compte des moindres faits relevant de sa propre charge de Supérieure, lui soumet les cas délicats, prend conseil et lui ouvre son cœur sur son combat spirituel :

« Un désir venu de vous me vaudrait un ordre d’obéissance. C’est donc avec soumission à la volonté de Dieu que je reçois cette épreuve [pour ménager sa santé, Adèle doit cesser certaines activités]. Quoi qu’il en soit, je veux vous ouvrir mon cœur. La cessation de l’œuvre extérieure où j’étais, pour ainsi dire, appliquée depuis quatorze ans, est un véritable sacrifice pour moi ! Je trouve un vide pénible dans mes journées que je désirerais remplir par l’amour de Dieu et la surveillance sur la communauté. Pour ce qui est de l’amour de Dieu, mon cœur est sec et aride et ne peut absolument s’occuper seul à seul avec son Dieu. Apprenez-moi à le faire, mon digne et unique Père ! Car je sens que Dieu a une vue de perfection personnelle pour moi dans ce qui se passe » (378.1.2).

Elle tâche de conformer sa volonté à la sienne : « Ma volonté sera toujours celle du bon Père : puisqu’il est d’avis que vous receviez cette brave fille, je suis aussi du même » (660.2).

Une fois seulement, Adèle passe outre le Père Chaminade, pour une affaire dont elle n’avait pas imaginé les conséquences. En effet, elle avait pris l’initiative d’hypothéquer les Augustins et avait déjà donné sa procuration quand le Père Chaminade et Monsieur David Monier lui font savoir leur mécontentement et l’enjoignent à refuser l’hypothèque :

« Il n’y a que la volonté de Dieu qui puisse me consoler d’avoir pu contribuer à faire échouer cette affaire qui tenait si fort à mon cœur. […] Je me soumets à tout et préfère l’obéissance (quoique vous en croyiez) à la réussite. Je ne veux que Dieu seul ; je le désire du moins, mais l’amour-propre est bien fin ! Je vous promets, néanmoins, une bonne fois pour toutes, de ne rien faire, en fait d’affaires, sans vous consulter, ou le bon Père » (à David Monier, 389.2).

Par l’obéissance

À côté de l’ouverture du cœur, Adèle place d’une part l’obéissance à la Règle, ce qu’elle appelle « régularité » ou « dépendance » :

« Portez-la à une grande ouverture, c’est absolument nécessaire pour son genre. Quant aux autres sujets, portez-les toujours à la régularité, à la dépendance. Ce sont là deux points fondamentaux sur lesquels il faut être rigide. […] Je vous donne ‘un pieux défi’ : c’est à la maison où la dépendance sera la mieux pratiquée, où l’holocauste que nous avons fait de notre volonté par le vœu d’obéissance sera le mieux accompli, où le respect, en vue de foi, pour nos Supérieurs, sera le mieux pratiqué… » (621.4-5.12).

Car elle voit dans la régularité l’occasion pour elle et pour ses sœurs d’être plus disposées à se renoncer pour se conformer à la volonté de Dieu : « Recommandez au Seigneur que nous soyons plus régulières : je me reproche de n’y pas tenir assez la main, je crains que cela ne mette obstacle aux desseins du Seigneur » (au Père Chaminade, 374.6).

D’autre part, Adèle insiste de nombreuses fois sur l’obéissance due à la Supérieure, obéissance due sans dérogation possible car si récriminations il y a, elles ne peuvent être exprimées qu’après avoir obéi !

« Obéissez à la lettre, ne veuillez faire les choses que comme elle veut et soyez sûre qu’il y aura plus de bénédiction de Dieu. Rappelez-vous cet article du saint Règlement : Si on peut faire quelque observation, c’est après l’obéissance seulement. Ainsi chère enfant, soyez sûre que Dieu bénira tout ce que vous ferez par obéissance. Cette vertu produit des miracles et ce que nous faisons de notre volonté et de notre choix n’est jamais béni » (521.4, cf. sur l’article du Règlement 523.10).

L’obéissance est donc si importante qu’une action faite sous son sceau attire la bénédiction de Dieu alors même qu’une action plus pertinente mais en-dehors de l’obéissance serait gâtée par la volonté propre :

« Formons-les à une solide vertu, bâtie sur le fondement d’une vraie humilité et entière obéissance. Priez souvent pour elles, ne comptez pas sur votre travail, mais uniquement sur le secours du bon Dieu. Demandez souvent conseil, faites tout sous la direction de l’obéissance, quand ce serait moins bon que ce que vous pensez, l’obéissance y portera plus de grâce. La volonté propre corrompt tout où elle se met » (à sœur Dosithée à Tonneins, chargée du Tiers-Ordre séculier, 478.4).

Une telle obéissance, dans la foi, impose un réel et parfois douloureux renoncement de son jugement, qui est pour Adèle la meilleure des mortifications, bien plus parfaite que l’abstinence de nourriture :

« J’approuve Mr Larribeau : jeûne de votre volonté, jeûne de vos inclinations, mais mangez bien » (464.9).

La Supérieure serait-elle privée de ce moyen si efficace qu’est l’obéissance pour se conformer à la volonté de Dieu ? Eh bien, non, Adèle propose à sainte Émilie de Rodat, toutes deux fondatrices et nommées Supérieures de leur Institut, sans avoir jamais appris à obéir à une Supérieure elles-mêmes, de se considérer comme les servantes de l’âme de leurs Sœurs, leur obéissant en quelque sorte :

« Travaillons à devenir des saintes et nos communautés iront bien ; car, que ne peut pas une sainte supérieure auprès de ses filles : que ses exhortations sont alors puissantes et efficaces ! Notre place, ma chère sœur, nous donnera mille occasions de mourir à nous-mêmes et, par là, de travailler à devenir des saintes si nous voulons en profiter. Mettons-nous en esprit en dessous de toutes, regardons-nous comme les servantes de leurs âmes, obligées de les servir, devant être à leur ordre et volonté ; de cette manière, nous pratiquerons une obéissance habituelle malgré notre supériorité » (à Mère Émilie de Rodat, 465.4).

Mais c’est aussi dans les petites choses du quotidien que se vit l’obéissance, au sens où, sans doute, le Père Chaminade l’entendait lui-même dans sa Méthode des Vertus, une obéissance quotidienne, dépourvue d’héroïsme, qui est un consentement joyeux aux mille contrariétés de nos vies :

« Je vous donne donc le défi de l’attention à mourir à notre volonté par la sainte obéissance. Voyons laquelle des deux communautés [d’Agen ou de Tonneins] y fera des progrès plus rapides, y travaillera, avec plus de vérité et d’ardeur, à y mourir surtout dans les petites occasions journalières que la Providence nous ménage : être dérangée trois, quatre fois, dans une occupation qui nous plaît, être assujetties à un remède qui nous gêne, etc. etc. » (572.3)

Une des Lettres d’Adèle, adressée à sa cousine, est assez amusante : Adèle se plaint de devoir obéir au Père Chaminade qui, préoccupé par la dégradation de sa santé, l’oblige à renoncer aux conférences et autres activités.

Elle demande à mère Marie Joseph de Casteras, supérieure du noviciat à Bordeaux, de se faire son avocate auprès du Père Chaminade pour lever l’interdiction des conférences. Et elle conclut innocemment :

« Le bon Dieu a ses vues, je reconnais sa volonté toujours juste et toujours adorable dans celle de mes Supérieurs » (523.10) !

Aimer la volonté de Dieu

Mais, sans amour, obéir à la volonté de Dieu par l’intermédiaire de ses Supérieurs, des événements, etc. n’aurait pas de sens !

Quand l’amour de Dieu ne nous habite plus, il devient idiot d’obéir et de se renoncer. On n’obéit pas parce que la Supérieure a un charisme, parce qu’elle est intelligente ou convaincante, parce que ce qu’elle nous demande nous fait plaisir, on obéit par amour.

Adèle excite son cœur et celui de ses amies par des oraisons jaculatoires placées en tête de lettre, ce qu’elle et ses associées appellent des « Actes ». Et cet amour de Dieu est fondé sur la foi qu’il est Père, notre Père, qu’il veut notre bien et que nous pouvons avec certitude lui faire confiance.

« Avec cet amour tout nous sera facile ! » (34.5)

Encore une fois, le Petit Règlement de Monsieur Ducourneau frappe par sa sagesse et sa bonté, son auteur est plus proche d’un saint François de Sales que des disciples jansénistes encore influents à l’orée du XVIIIème siècle.

Le point dix-sept a certainement lancé Adèle dans la voie filiale d’amour de Dieu, la retenant de tomber dans les scrupules et craintes à outrance : « 17e. Vous aurez grand soin de ne jamais rien lire qui vous porte à la crainte dans le service de Dieu, ou qui vous fasse trop redouter ses jugements. Vous choisirez par préférence les lectures affectueuses qui vous attirent vers Dieu et qui vous le montrent bon et miséricordieux. L’amour est la voie qui vous convient et par laquelle vous devez être conduite. Toute autre vous sera nuisible, vous fera tomber dans un état pénible et rendra la piété à charge à vous et aux autres » (Lettres, t.1, p. 416).

De nombreux « Actes » stimulent les Associées et plus encore les Sœurs, les ramenant, au beau milieu des épreuves de la maladie, de la mort, des difficultés de la mission et de la vie communautaire, au sens de leur obéissance :

« Oh ! Volonté de mon Dieu, je vous adore et vous aime ! » (5. « Acte »)

« Ô volonté de mon Dieu, vous êtes mon amour ! » (443. « Acte », cf. 464, 485, 489, 666, 669, 670, 671 et 714)

Adèle, à quinze ans, connaît déjà le secret qui lui permettra de toujours accomplir «sa très adorable volonté » : « Aimons-le enfin, et avec cet amour tout nous sera facile » (34.5).

Trois mois exactement après la fondation de l’Institut, alors qu’Adèle veut profiter d’une occasion pour envoyer des copies des lettres du Père Chaminade à son amie Lolotte de Lachapelle, elle n’a que quelques instants pour tracer ces lignes, livrant à nouveau le même secret : « Je ne peux vous dire grand-chose, sinon qu’il nous faut bien aimer la volonté de Dieu en tout et l’abnégation de la nôtre » (308.2).

Voilà bien le plus important : « Aime, et fais ce que tu veux » disait déjà Augustin…

Se confier en Dieu, Père et bon Maître

Il n’y a pas d’amour sans confiance. Cette confiance envers Dieu comme envers sa Supérieure n’est pas une confiance émotionnelle, affective, mais elle relève d’un choix libre de remettre notre vie entre leurs mains, choix fondé sur l’expérience du chemin de vie qu’ouvre cette confiance. Une confiance à donner, et à redonner sans cesse quand elle se perd.

Ton Supérieur peut se tromper, mais toi qui obéis, tu ne te trompes pas, m’a-t-on déjà dit ! Car Dieu fait tout tourner au bien de ceux qui le craignent.

Dieu est Père et il est Maître : si le Maître suscite en nous crainte et respect, le Père appelle une joyeuse confiance filiale à son égard. Adèle ne sépare pas les deux, le Maître châtie en père, le Père nous forme à l’école de sa miséricorde :

« Abandonnons-nous à sa volonté, il est notre Père et notre Maître tout ensemble. Que cette qualité de Père ranime la confiance que celle de Maître pourrait nous tirer. Et pourriez-vous, mon adorable Père, ne pas recevoir vos enfants quand ils viennent se jeter comme l’enfant prodigue entre les bras du plus miséricordieux et du plus tendre des pères ? Nous revenons donc à vous, ô Père infiniment aimable, avec toute la confiance que nous inspire votre infinie bonté » (5.2).

« Recevons tous les coups dont il plaira à Dieu de nous éprouver, de sa main paternelle. Il ne peut rien sortir qui ne nous soit utile. Redoublons de confiance en lui. Celui qui espère dans le Seigneur ne peut jamais être confondu » (112.5-6).

« Ayons en Dieu cette confiance filiale qu’Il mérite à tant d’égards. Dans tout ce qui nous arrive, sachons dire aussitôt : Mon Dieu, que votre volonté soit faite ! Ne murmurons jamais contre les événements ; ayons au contraire la ferme confiance que Dieu fera tout réussir pour le mieux » (129.4).

« Ne cessez de prier Dieu pour qu’Il donne [à papa] toute la force dont il a besoin, et qu’Il daigne un peu le soulager, si c’est sa sainte volonté. Notre Dieu qui ne châtie qu’en père, a sans doute de grands desseins de salut pour lui »[4] (269. 7).

« Il est le Maître, Il sait mieux que nous ce qu’il nous faut. Tout pour la gloire de Dieu et sa sainte volonté » (352.7).

Accomplir la volonté de Dieu à travers chaque événement

« Le Seigneur ne permet pas qu’on se trompe quand on ne cherche que Lui » (303.6)

Adèle a conscience que les desseins de Dieu la dépassent. Si elle est convaincue que Dieu a de grands desseins sur la Petite Société, sur ses amies, sur l’Institut, les Tertiaires, etc., elle ne peut qu’en apercevoir des signes.

Renonçant à tout comprendre, tout saisir, elle s’inscrit avec foi et résolument dans le cours de la Providence en accomplissant à son échelle la volonté de Dieu : « Abandonnons-nous toujours à la volonté de notre bon Maître afin qu’il conduise tous les événements à sa plus grande gloire » (236.3).

« Il est bien sûr que cette Société ne s’est pas formée d’elle-même : une main invisible nous a réunies pour des desseins qui sont encore cachés. Soyons donc bien fidèles à coopérer aux desseins de Dieu sur nous » (85.5).

« Il a de grands desseins de salut pour nous, ne les rendons pas inutiles » (206.6).

« Les dernières grâces que vous venez de recevoir, nous font bien voir que le Seigneur a jeté des yeux de miséricorde sur notre chère Société et qu’il a de grands desseins pour elle. » (227.3)

« Oh ! Ma chère amie ! Dieu a de grands desseins de salut pour vous : il serait bien dangereux ne pas y correspondre avec une amoureuse fidélité. » (231.3)

« Notre chère Amélie est en ce moment à la campagne, mais elle n’y perd pas le temps ; elle y forme le noyau d’une petite Congrégation qui pourra faire grand bien. L’œuvre des Congrégations paraît visiblement être l’œuvre du Seigneur » (310.4)

« Dieu paraît parler : la main libérale du saint Enfant-Jésus nous présente l’étrenne d’une maison […]. Tout ceci concourt avec notre prise d’habit impromptue. Il semble que Dieu veut forcer à nous instituer ; les desseins de Dieu se manifestent peu à peu » (312.2.5)

« Depuis l’âge de seize ans, le bon Dieu m’a confié cette mission et la sainte Vierge a bien voulu m’employer à lui composer une famille ; aussi mon grand attrait est-il la Congrégation ! » (à Mère Émilie de Rodat, 425.6)

« Courage, chère sœur, ranimons-nous en voyant les desseins du Seigneur sur ses pauvres servantes ; ne nous décourageons pas » (456.7)

« Dieu a des desseins sur ce troupeau d’élite » (les tertiaires, 566.7)

« Faisons de nécessité vertu » (236.7)

Quand les obstacles, les contradictions et les retards viennent troubler les cœurs, Adèle nous ramène à la paix : faites ce que vous pouvez et abandonnez tout à Dieu, il fera réussir ce qui est pour sa gloire.

Adèle s’efforce de se placer dans « l’indifférence », de ne pas vouloir à tout prix la réalisation de son projet s’il n’est pas de Dieu.

« Enfin chère amie, mettons tout entre les mains de Dieu. Si c’est son œuvre, Il la saura bien faire réussir malgré les contradictions et si ce n’est pas sa volonté et pour sa gloire, Il ne permettra pas qu’elle réussisse, malgré nos efforts. Abandonnons donc tout à la tout aimable volonté de Dieu et demeurons en paix… Tâchons, c’est le principal de préparer nos cœurs » (290.3).

« Ne cherchons qu’à accomplir sa sainte volonté et soyons en paix quelque chose qui arrive. Soit que Dieu veuille l’exécution de notre dessein, soit qu’il ne le fasse pas réussir, ce doit nous être tout un » (300.3).

Et si Dieu le veut, rien ne pourra nous empêcher d’avancer : Agathe n’obtient pas le consentement de sa mère, malgré l’aide de sa sœur Jeanne Belloc ?

Qu’elle prenne son mal en patience, et s’appuie sur la foi de l’Apôtre Paul : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? S’Il est l’auteur de nos desseins, qui pourra s’y opposer ? » [5] (283.2).

En cela, elle s’applique à elle-même toutes les exhortations qui ponctuent ses Lettres et appellent au détachement des personnes, de l’honneur, de la possession, etc. : « Que notre âme soit insensible aux attraits du monde, prompte à suivre la volonté de Dieu et dégagée des sens et des créatures » (181.4).

C’est ainsi qu’Adèle raisonne quand elle apprend en septembre 1816 que la Mairie d’Agen a demandé le mois précédent que la Congrégation des hommes cesse toute espèce de réunion.

Elle avait justement le projet d’établir une Congrégation masculine à Condom. Ce projet ne peut plus se réaliser : « Que le bon Dieu soit glorifié par Paul ou Apollos[6], peu importe, pourvu qu’il le soit. Voyons en tout événement la volonté de Dieu. Je crains que tout cela ne retarde nos affaires propres » (307.3).

Supporter ces obstacles et ces retards, confiantes que Dieu poursuit son dessein de salut sur chacune de nous malgré tout, c’est bien, en tirer profit, c’est encore mieux ! « Faisons donc de nécessité vertu » comme dit Adèle…

« Malgré toutes nos impatiences, chagrins, il faut toujours que la volonté de Dieu se fasse, bon gré mal gré. Faisons donc de nécessité vertu et ne perdons pas le fruit des contradictions que le bon Dieu permet qu’il nous arrive » (236.7).

Il est bien plus facile de faire la volonté de Dieu quand cela va dans notre sens et que tout se passe bien.

Adèle nous met en garde : sur le Thabor comme au Calvaire, notre seul but est d’être à Dieu. Voilà qui doit rester la visée de notre vie de consacrées, que Dieu nous « tourne » ou nous « retourne » !

« N’en ayons qu’un [projet] : celui de plaire à Dieu, d’aimer Dieu, et de servir le reste de nos jours ce divin Maître. Et cela, de la manière qu’il voudra ; dans la paix et dans le trouble ; dans la peine et dans la joie ; dans les contradictions et dans les jouissances… Tout vient de Dieu et nous devons être à Lui dans tous les temps et dans toutes les circonstances de notre vie » (231.4).

Est-ce aisé pour autant ? Non, bien sûr ! Et là encore, les Lettres d’Adèle nous font part de son combat contre ses propres impatiences et contrariétés :

« Mon Dieu, je m’abandonne entièrement à votre volonté ! Ma très chère amie, cet « Acte » me convient fort bien cette semaine où j’ai vraiment eu de petites peines » (129.1-2).

« Hélas ! Je vous prêche une morale que je suis bien loin de pratiquer. La moindre contradiction m’abat et me décourage, et je m’impatiente pour tout ce qui me contrarie » (240.4).

« Qu’il y a à faire chez moi qui suis si impatiente, si orgueilleuse, et qui tombe à chaque pas » (276.7).

Conclusion

C’est presque un petit clin d’œil que m’adresse Adèle en écrivant : « Si jamais le bon Dieu veut faire servir la correspondance à quelque dessein » (589.4)… car oui, c’était sans doute le dessein de Dieu que sa correspondance nourrisse encore en 2010 une novice qui se prépare à prononcer ses premiers vœux dans l’Institut des Filles de Marie !

En faisant profession de chasteté, de pauvreté, d’obéissance et de stabilité, conformément à la Règle et en communion de vie avec mes Sœurs, je ferai « l’holocauste de ma volonté propre sur l’autel » comme dirait Adèle, afin de conformer toutes les dimensions de mon être à la volonté de Dieu, « pour la gloire de la Sainte Trinité ».

Puisse Adèle raviver toujours en moi le désir de m’offrir et me chuchoter quand je me reprends : « Aimons à répéter cette belle parole de Marie : Je suis la servante du Seigneur ! Mais pratiquons-la encore plus ! Soyons vraiment des servantes, prêtes à accomplir toutes les volontés de notre adorable Maître ! » (714.4).

[1] Il pourrait s’agir du Père Chaminade.
[2] Dans la Règle de Vie de 1984, cette même citation figure sur la page en vis-à-vis du chapitre v intitulé « Vœu d’obéissance » : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jn 4, 34).
[3] Par exemple : « Celui-là possède la vraie science qui fait la volonté de Dieu et renonce à la sienne » (I, 3) ; « Plus on sera humble et soumis à Dieu, plus on aura de sagesse et de paix en toute chose » (I, 4) ; « C’est quelque chose de bien grand que de vivre sous un Supérieur dans l’obéissance, et de ne pas dépendre de soi-même. Allez où vous voudrez, vous ne trouverez de repos que dans une humble soumission à la conduite d’un Supérieur » (I, 9) ; « Il est dur de renoncer à ses habitudes, mais il est plus dur encore de courber sa propre volonté » (I, 11).
[4] Cette façon de comprendre les assauts de la maladie que subit son père peut nous surprendre. Le baron de Trenquelléon est un homme bon et pieux. Mais Adèle est toute imprégnée de l’Écriture, en particulier des raisonnements bibliques qui assimilent la souffrance à un « châtiment », une « correction » de Dieu. La souffrance met en effet notre foi à l’épreuve, elle peut la purifier et la fortifier, à l’instar de Job, bien qu’elle ne soit pas envoyée par Dieu. L’auteur de la Lettre aux Hébreux dit ainsi : « Celui qu’aime le Seigneur, il le corrige, et il châtie tout fils qu’il agrée. C’est pour votre correction que vous souffrez. C’est en fils que Dieu vous traite. Et quel est le fils que ne corrige son père ? » (He 12, 6-7).
[5] Rm 8, 31
[6] 1 Co 3, 4-5

Article Attachments

Est-ce que cet article vous a aidé ?

Articles similaires