Saint Joseph au croisement de la 1ère et 2de alliance

La piété populaire s’est attachée avec raison à Marie, la Mère de Jésus. Elle a souvent oublié le rôle primordial joué par Joseph, son époux.
Dans notre civilisation, à la sexualité hypertrophiée, il n’est pas facile de présenter comme modèle un époux qui n’a pas de relations sexuelles avec sa femme. A la limite, on le présenterait comme un eunuque, voire un handicapé psychologique ; au mieux, il sera l’objet de plaisanteries de bas étage.
Les apocryphes ont résolu le problème en faisant de Joseph un vieillard à l’instinct sexuel amorti. Les peintres aiment le représenter comme un vieux, à la barbe blanche, appuyé sur un bâton pour soulager ses rhumatismes.
Toutes ces représentations n’ont rien à voir avec le Joseph de la Bible et proviennent uniquement de l’imagination de leurs auteurs.

Il nous a donc paru utile de rechercher qui est Joseph, époux de Marie, selon l’Évangile, et de prolonger l’enseignement du Magistère à son sujet.

  • Les deux premiers chapitres sont une relecture des épisodes de l’Évangile où Joseph joue un rôle.
  • Les chapitres III et IV prolongent la réflexion sur la paternité et sur la famille.
  • Les chapitres V à VII s’arrêtent sur la mission de Joseph dans l’histoire du salut ; Joseph travailleur nous donne l’occasion de réfléchir sur la valeur du travail dans le plan primitif de la création.

L’actualité de Joseph dans l’Eglise d’aujourd’hui apparaît à travers les enseignements récents du Magistère et les interventions de Joseph en faveur des chrétiens, les frères de Jésus qui sont comme lui, ses fils adoptifs.

Joseph du clan de David, époux de Marie.

La discrétion des évangiles à propos de Saint Joseph est bien connue. Nous n’avons de lui aucune parole ; à peine quelques mentions. Et pourtant, il a joué un rôle de premier plan à la charnière des deux Alliances. Joseph est un homme de l’Ancien Testament qui, avec Marie, inaugure le Nouveau Testament en accueillant le Fils de Dieu à son arrivée sur la terre.

Joseph, de la famille de David.

Dans l’Évangile de Luc, la première mention de Joseph est faite à l’occasion de l’Annonciation.
« Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth,
à une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph, de la famille de David ; cette jeune fille s’appelait Marie » (Lc 1, 26-27).

Saint Matthieu commence son Évangile par une généalogie.
Livre des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham :
« Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères… (Mat 1, 1-2)
Elioud engendra Eléazar, Eléazar engendra Mathan, Mathan engendra Jacob,
Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus qu’on appelle Christ (Mt 1, 15-16).
Un peu plus loin, Matthieu apporte encore quelques précisions sur Joseph :
Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de larépudier secrètement » (Mt 1,19).

En résumé, que savons-nous de Joseph ?

Nous connaissons son nom, Joseph, qui signifie Que Dieu ajoute. Nous connaissons aussi le nom de son père, appelé Jacob, et toute la lignée de ses ancêtres qui, passant par David, nous conduit jusqu’à Abraham, le patriarche fondateur du peuple élu.
Matthieu précise encore que c’est un homme juste. A l’époque de la naissance de Jésus, il est un jeune homme en âge de se marier, il est fiancé à Marie. La première étape du mariage a été accomplie, mais les fiancés n’habitent pas encore ensemble.

Joseph habite Nazareth, en Galilée, où il exerce le métier de charpentier.

Nazareth est un village sans importance. Le nom n’apparait jamais dans l’Ancien Testament, ni même chez l’historien juif Josèphe. Aucun évènement de l’histoire juive ne s’y est déroulé. Nazareth se trouve dans la Galilée des païens (Is 8,23 ; Mt 4,15).
Après la division du royaume au temps de Roboam, fils de Salomon, le royaume du Nord, appelé royaume d’Israël (pour le distinguer du royaume du Sud, celui de Juda) fut envahi en 735 par le roi TEGLAT-PHALASAR  et ses habitants déportés en Assyrie (2 Rois 15,29). Des peuplades païennes occupèrent alors le pays. Alexandre JANNEE (103-76) roi juif, reconquit la Galilée et y installa une colonie de juifs originaires du sud. C’est ainsi, sans doute, que la famille de Joseph, originaire de Judée, se trouvait vivre en Galilée.
En faisant vivre son fils à Nazareth, Dieu commençait une nouvelle histoire, une histoire qui ne devait rien au passé. Avec l’Évangile, tout redevient nouveau, une nouvelle ère commence, une Nouvelle Alliance entre Dieu et son peuple.

L’Annonce à Marie et à Joseph.

L’histoire de Joseph, dans l’évangile de Saint Luc, commence avec l’annonce faite à Marie, à qui un ange apparaît pour lui annoncer qu’elle sera enceinte et que l’enfant vient de l’Esprit Saint.  Le nom de Joseph  est mentionné seulement dans l’introduction, pour dire qu’il est fiancé à Marie.

Matthieu nous en dit davantage :
Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie sa mère était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint ( Mt 1,18).

La situation de Joseph est des plus embarrassantes. La première question qui se pose à notre esprit est celle-ci : Comment Joseph a-t-il appris la grossesse de sa fiancée ? et à quel moment ? Les évangiles n’en disent rien.
Ce qui est certain, c’est qu’au moment où l’ange apparaît à Joseph en songe, il sait déjà que sa fiancée est enceinte. C’est pour cette raison qu’il avait fait le projet de se séparer d’elle.
Certains affirment qu’il a dû attendre le retour de Marie de son séjour chez Élisabeth. L’enfant serait né alors six mois après le mariage. Aucun indice ne nous permet d’affirmer cela.

Il existe dans l’Ancien Testament, dans le Livre des Juges, une situation semblable. Il s’agit de la mère de Samson. Un ange lui apparaît et lui annonce qu’elle mettra au monde un fils. Que fait-elle ? Immédiatement elle court auprès de son mari pour lui annoncer la chose. Son mari lui fait confiance ; il croit ce que dit sa femme. Dans la suite, Manoah aussi rencontre l’ange et lui fait préciser le comportement qu’ils devront tenir à l’égard de l’enfant. Pourquoi Marie n’aurait–elle pas agi comme son aïeule ? Après le départ de l’ange, elle se sera rendue auprès de Joseph pour lui communiquer la nouvelle, en répétant mot à mot, comme le fait la femme de Manoah, ce que l’ange lui a annoncé. Cette interprétation existe dans l’Église depuis le 16e siècle.

Reprenons les faits, et essayons de faire une reconstitution chronologique vraisemblable des événements.

Le matin au lever du jour, l’ange Gabriel se présente chez Marie. Aussitôt après son départ, elle se précipite chez Joseph et lui raconte tout, mot à mot, comme l’ange lui a dit.
Joseph se réjouit avec Marie ; il la félicite d’avoir été choisie pour être la mère du Messie. Mais en même temps, il est profondément troublé. Toute la journée il se tourmente.
Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement ( Mt 1,19).

Joseph est un homme juste ; il cherche à faire la volonté de Dieu. Il ne doute pas de la sincérité de Marie. Le traducteur a choisi deux mots  qui trahissent sa propre conviction, mais ne répondent pas forcément à l’intention de l’auteur. Le traducteur pense que Joseph soupçonne son épouse d’infidélité ; voilà pourquoi il parle de diffamer  et  répudier.

Le sens premier des deux termes grecs est différent.
Deigmatizo, qui est traduit par diffamer, a pour premier sens montrer, faire connaitre, révéler. Joseph ne se sent pas le droit de faire connaître le secret de Marie, c’est-à-dire la conception miraculeuse (virginale) de Marie. Ce mystère dont il a connaissance par Marie, mais qu’il ne comprend pas, doit encore rester secret.
Apoluo : le deuxième verbe qui est traduit par répudier, a pour premier sens délier. Le divorce aboutit à une répudiation. Or, entre Joseph et Marie il n’est nullement question de divorce. Si nous sommes persuadés que Joseph croit à l’innocence de Marie, nous traduirons « apoluo » par « rendre la liberté ». Joseph et Marie sont liés par les liens du mariage. Joseph se résout à rendre à Marie sa liberté, de se séparer d’elle, de renoncer à leur mariage. Joseph se sacrifie lui-même, son amour, son bonheur. La nuit vient et Joseph va se coucher : son sommeil est agité.

Nous pouvons donc traduire :
Joseph qui était un homme juste, ne voulant pas dévoiler son secret, s’arrêta au projet de lui rendre sa liberté. Cette traduction exprime mieux le sentiment qui habite Joseph : un sentiment de respect et de crainte vis-à-vis de l’œuvre de Dieu qui se réalise en Marie. Son affection pour Marie, n’est diminuée en rien par l’immense souffrance qui le touche au plus profond de son cœur.

La nuit est tombée sur Nazareth et l’obscurité oblige les hommes à interrompre leurs activités. Joseph s’est couché pour le repos de la nuit ; son sommeil est agité. Un ange lui apparaît en songe :
« Il avait formé ce projet, et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : » Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse: ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint, et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 20-21).
L’ange commence par confirmer ce qu’il sait déjà par Marie : l’enfant vient de l’Esprit Saint. Puis il lui indique sa propre mission :
– prendre chez lui son épouse,
– donner le nom à l’enfant, le reconnaître comme son fils.

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