La foi de Marie et la nôtre

L’ANNONCIATION DU SEIGNEUR (Lc 1, 26-38)

Je te salue, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi :
Cette salutation étrange que l’ange Gabriel adresse à Marie, provoque chez cette dernière un trouble.

Le Seigneur est avec toi. Certes dans l’histoire du Peuple de Dieu, celui-ci a souvent fait l’expérience de la présence de Dieu à ses côtés. Bien souvent il s’en est détourné, mais bien des fois, aussi, il l’a sollicité. Les prophètes ont été en bien des occasions, les intermédiaires par lesquels Dieu s’adressait à son peuple, soit pour le fustiger, soit pour l’encourager.

Au moment historique où l’ange se manifeste auprès de Marie, il n’y a plus de prophètes en Israël, plus de prophéties pour orienter le peuple. Mais une forte attente d’un messie est présente dans le cœur des juifs pieux.

C’est donc au milieu d’un peuple sans repère récent, mais en attente, dans un contexte d’occupation étrangère : la présence romaine, que l’ange va s’adresser à une jeune fille résidant dans un village éloigné de la capitale religieuse qu’est Jérusalem, dans une région appelée Galilée, regardée avec une certaine suspicion, voire un certain mépris, par les pharisiens pétris de la Loi reçue de Dieu par l’intermédiaire de Moïse. Pour eux, Jérusalem est le lieu par excellence de la présence de Dieu, dans le temple. La Galilée, elle, est le carrefour des nations, un lieu de brassage de cultures différentes, et en particulier, de fréquentations avec les païens, autrement dit, les non juifs, ceux qui ne croient pas au Dieu unique, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, comme il s’est défini lui-même au mont Horeb en présence de Moïse. (Ex 3, 6) Ce Dieu qui dira plus loin, toujours au cours de cette même manifestation, JE SUIS (Ex 3, 14).

Marie fait partie de ce peuple pieux qui approfondit son désir de la venue d’un messie. Et voilà que l’envoyé de Dieu se manifeste à elle pour lui signifier que le Seigneur est avec elle, et même qu’elle est comblée de grâce.

Que signifie cette salutation ? Il est bien certain que Marie n’a pas attendu la visite de l’ange pour avoir une relation spirituelle très profonde avec le Seigneur. Son cœur est naturellement, mais aussi librement, tourné vers Dieu. Ce qui ne l’empêche pas d’envisager un mariage avec Joseph. Ils sont fiancés. Ils ne vivent pas ensemble, mais dans la culture de ce temps et de ce peuple, les fiançailles sont un engagement définitif et réciproque. Marie est liée par sa foi qu’elle a donnée à Joseph. Elle éprouve un amour de prédilection à son égard, mais cet amour est aussi le fruit de l’amour qu’elle a reçu de celui qui n’est qu’Amour, comme le définira saint Jean dans sa première lettre, chapitre 4 verset 16. Elle accueille pleinement dans sa vie l’amour de Dieu et y répond de tout son être. Cette constatation est intéressante car elle nous montre qu’aimer Dieu, de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, n’est absolument pas un empêchement pour aimer son prochain comme soi-même comme le demande le Seigneur. (Mt 22, 36-40).

Marie la comblée de grâce, non que toute la grâce de Dieu réside en Marie. La grâce de Dieu est incommensurable et ne peut être contenue dans une seule des créatures dont Dieu est à l’origine. Mais en Marie, il n’y a pas de place pour autre chose que la grâce divine. Elle est entièrement investie par ce don divin. Il n’y a pas de place en elle pour autre chose que le désir de Dieu sur elle. Cette situation unique n’empiète nullement sur sa capacité de choisir librement. De même qu’elle peut subir les assauts de la tentation, mais ne veut jamais y consentir.

Son statut d’Immaculée Conception, autre nom synonyme de comblée de grâce, manifeste que dès sa conception, Marie a été préservée du péché et a été investie entièrement par la grâce divine. Marie a une capacité de comprendre la volonté de Dieu sur elle et d’y consentir en toute liberté. Cependant, elle reste une femme avec les limites de sa contingence humaine. Elle a besoin de comprendre et pose des questions. A l’ange qu’il lui annonce : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » (Lc 1, 30-33)

Elle répond : Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ? (Lc 1, 34).

Et ce n’est qu’après le complément d’explication de l’ange et l’information à propos de sa cousine Elisabeth que Marie va donner sa réponse : L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu.

Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait : ‘la femme stérile’.

Car rien n’est impossible à Dieu. (Lc 1, 35-37).

Ce n’est donc qu’après que Marie dira : Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. (Lc 1, 38)

La foi de Marie n’est pas une foi aveugle. Elle fait preuve d’intelligence et de discernement. Elle mesure l’enjeu de sa réponse et les conséquences qui vont en découler. La foi de Marie n’est pas une foi servile, c’est librement qu’elle s’engage à répondre oui à la volonté de Dieu.

Cette capacité de Marie, nous est promise. Nous la recevrons lors du retour en gloire du Seigneur Jésus, lorsqu’en lui nous accèderons à la vie divine dans toute sa plénitude. Comme nous le dit saint Jean dans sa première lettre : Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. (1 Jn 3, 2).

Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, dit saint Jean. C’est précisément par le baptême que nous acquérons cette filiation. Le jour de notre baptême nous avons été investi par la grâce de Dieu, nous avons été comblés de grâce. Mais pour autant, contrairement à Marie, qui a été conçue sans péché, c’est par le baptême que nous avons été libérés du péché originel, tout en accueillant la vie divine en nous.

Nous le savons, nous sommes tentés, mais pas assez forts en nous-mêmes pour ne pas répondre à la tentation par le péché.

Cependant, notre capacité à être libres et à répondre positivement au désir de Dieu reste intacte.

Dans le catéchisme de l’Eglise catholique, nous lisons au n° 1226 :

Dès le jour de la Pentecôte, l’Église a célébré et administré le saint Baptême. En effet, S. Pierre déclare à la foule bouleversée par sa prédication :  » Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit «  (Ac 2, 38). Les Apôtres et leurs collaborateurs offrent le Baptême à quiconque croit en Jésus : juifs, craignants-Dieu, païens (cf. Ac 2, 41 ; 8, 12-13 ; 10, 48 ; 16, 15). Toujours le Baptême apparaît comme lié à la foi :  » Crois au Seigneur Jésus ; alors tu seras sauvé, toi et toute ta maison « , déclare S. Paul à son geôlier de Philippes. Le récit continue :  » Le geôlier reçut le Baptême sur-le-champ, lui et tous les siens «  (Ac 16, 31-33).

LA VISITATION (Lc 1, 39-56)

Car rien n’est impossible à Dieu a dit l’ange annonçant cette future naissance inespérée dans la famille de Zacharie. Et Marie y a cru.

Suite à cette annonce Marie part. Le texte précise : « En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. » (Lc 1, 39). Et la finale du texte relatant la rencontre de Marie avec Elisabeth, indique que Marie resta environ trois mois chez sa cousine. Comme on sait que l’ange a révélé à Marie qu’Elisabeth en était à son sixième mois de grossesse, on peut légitimement penser que Marie est restée jusqu’à l’accouchement, aidant ainsi sa cousine plus âgée à tenir sa maison pendant les derniers mois de sa gestation.

Mais plus encore, cette rencontre entre ces deux parentes nous révèle une démarche bien plus fondamentale. Désormais, par son « oui » au Seigneur, Marie porte en elle celui qui est le Messie attendu. Elle sait d’où il vient : L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. (Lc 1, 35).

La salutation que Marie adresse à sa cousine, bouleverse cette dernière. L’enfant qu’elle porte tressaille en elle et l’Esprit Saint lui révèle le mystère de l’Incarnation : Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? (Lc 1, 42-43). Assurément, ce qu’Elisabeth dit sous l’inspiration de l’Esprit Saint, Jean, qui ne peut s’exprimer que par un tressaillement, en a été informé avant sa mère et a éveillé en elle par son tressaillement, une attention particulière.

Le fruit de tes entrailles est béni, (Lc 1, 42) dit Elisabeth. Le fruit que porte Marie est celui de sa foi. Foi en la parole de Dieu, foi en l’amour de Dieu, foi en sa puissance, foi en la bonté du projet de Dieu pour elle et auquel elle consent parce qu’elle fait confiance et par amour. L’amour de Marie rejoint l’amour de Dieu, et comme tout amour vrai, il est fécond. L’extraordinaire ici, c’est que cet amour spirituel se fait chair dans le sein de la Vierge.

Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur, (Lc 1, 45), dit Elisabeth. Elle s’émerveille de la foi de Marie.

Elisabeth sait ce que peut faire la puissance de Dieu dans nos vies. Alors qu’elle était stérile et déjà âgée, contre toute attente, la voilà enceinte, suite à la révélation que l’ange a faite à son époux Zacharie.

Mais elle réalise, grâce à l’Esprit Saint, que la situation de Marie est bien supérieure à la sienne. Il s’agit pour cette dernière d’une fécondité qui vient directement de Dieu, alors que pour Elisabeth, même si la venue d’un enfant issu d’elle était inespérée, il est le fruit de sa relation intime avec son époux.

Sans doute, malgré son caractère inespéré, la situation d’Elisabeth est plus accessible à notre intelligence que celle de Marie. Peut-être avons-nous eu dans nos vies des situations qui semblaient bloquées ou inextricables et qui tout à coup trouvent une solution bienheureuse ? Il est toujours intéressant de voir comment s’est réalisé le dénouement, et de ne jamais oublier d’en rendre grâce à Dieu.

Mais nous pouvons aussi considérer les situations douloureuses et qui durent. Ce fut le cas pour Zacharie et Elisabeth, pour tant d’années sans enfant. Certes la nature y est pour quelque chose, ici, la stérilité d’Elisabeth, mais le Seigneur nous invite à la patience et à la confiance en lui. S’il permet cet état de fait, cela peut nous faire grandir dans notre confiance envers lui, lui qui veille sur nous malgré les apparences. Il nous associe aussi par nos épreuves à celle qu’il a subie et qui a tout récapitulé en elle, lui donnant sens, car elle débouche sur la vie en lui. Saint Paul l’exprime dans sa lettre aux Colossiens : Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l’Église. (Co 1, 24). Nous sommes solidaires du Christ. Il est la tête de l’Eglise et nous sommes les membres de cette Eglise. Tout ce qui lui est arrivé ne nous est pas indifférent, tout ce qui nous arrive ne l’indiffère pas !

Marie laisse alors éclater sa foi et sa joie à travers son chant, le Magnificat.

Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

La foi de Marie fait d’elle l’humble servante du Seigneur. Elle constate toutes les merveilles que Dieu a faites pour elle, et elle en rend grâce. Elle sait que sans la grâce que Dieu a mise en elle, elle n’aurait jamais pu accueillir le message de l’ange, elle n’aurait jamais pu dire « oui », elle n’aurait jamais pu être fécondée. Elle s’émerveille d’être celle par qui le salut vient dans le monde.

Avons-nous conscience que tout ce que nous sommes, toutes nos capacités, ont leur origine en Dieu ? Pensons-nous parfois à ce passage de la Genèse qui dit : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » Dieu dit encore : Je vous donne toute plante qui porte sa semence sur toute la surface de la terre, et tout arbre dont le fruit porte sa semence : telle sera votre nourriture. » (Gn 1, 27-29).

Quand on voit comment on instrumentalise actuellement la création, que ce soit la création humaine ou l’ensemble du cosmos, nous devons nous souvenir, nous chrétiens, que nous avons un devoir d’action de grâce pour le don de la création, fruit de l’amour de Dieu. Que si le Seigneur veut faire de nous les Maîtres de la création, nous ne devons pas en être les tyrans, mais bien les serviteurs.

La foi passe par la prise de conscience des dons de Dieu pour nous. Elle appelle à la reconnaissance vis-à-vis Dieu, qui est Amour, elle s’exprime par l’émerveillement.

LA NATIVITE (Lc 2, 1-21)

Voici que l’édit de l’empereur Auguste vient perturber les plans de Marie et de Joseph. Sans doute auraient-ils préféré rester dans leur maison pour accueillir l’enfant de la Promesse, mais voilà qu’il faut s’engager sur les routes pour répondre à l’ordre de recensement : chacun doit se rendre dans la ville natale du chef de famille. Pour Joseph, c’est Bethléem. Il faut parcourir une centaine de kilomètres, et Marie est quasiment prête à accoucher !

Bien que Joseph soit dans la ville de sa famille, il n’est pas vraiment chez lui. Il n’y a pas de place pour lui et sa jeune épouse prête à mettre au monde son enfant. C’est dans des conditions plus que précaires que Jésus naît.

Comment ne pas être ébranlé devant tant d’adversités ? Le texte biblique est très sobre, mais à travers cette simple relation, on perçoit toute la sérénité de Marie et assurément aussi celle de Joseph : « elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire. » (Lc 2, 7).

Il y a un vieux dicton qui dit : « l’homme propose et Dieu dispose ».

Assurément, Marie et Joseph avaient envisagé une naissance plus paisible, mais les événements imposés par les hommes et que Dieu permit, ont changé les circonstances. La foi de Marie et de Joseph n’en a pas été entamée. Il est intéressant de voir ici que Marie ne se débat seule dans ces circonstances. Joseph assume son rôle de père adoptif comme le lui avait demandé l’ange dans le songe. Marie et Joseph forme un couple uni et aimant.

Quel contraste entre la relation de cette naissance dans la précarité et la solennité du texte qui suit, l’apparition des anges aux bergers !

Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. (Lc 2, 10-11)

Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. (Lc 1, 13-14).

La joie des anges éclate. L’annonce de la venue prochaine du Sauveur, qui jusqu’à ce jour était restée connue de très peu de personnes, est maintenant annoncée avec toute la solennité d’un grand événement. Elle est adressée à des pauvres, des parias, les bergers, qui vivent, en raison de leur travail, en marge de la société. Ce sont eux qui sont les premiers informés. Eux qui vont croire les anges et aller constater sur place la réalité de ce qui leur est annoncé :

Et tout le monde s’étonnait de ce que racontaient les bergers.

Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. (Lc 2, 19).

Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé. (Lc 2, 18-20).

Il y a ici un contraste saisissant entre l’exubérance des bergers et le silence de Marie. Deux façons d’exprimer sa foi, de manière de manifester sa joie.

Nous savons par le Magnificat que Marie est capable de faire jaillir sa joie et sa foi en les extériorisant, mais maintenant, elle accueille en elle ces événements dans le silence, la contemplation.

Comment recevons-nous un événement heureux ? Partageons-nous notre joie ? Savons-nous le savourer ? Rendons-nous grâce à Dieu ?

PRESENTATION DE JESUS AU TEMPLE (Lc 2, 22-40)

Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur.

Ils venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes. (Lc 2, 23-24).

Bien qu’ils sachent qui est Jésus, le Fils de Dieu qui vient de naître, Marie et Joseph ne se soustraient pas de la Loi. En tant que juifs pieux, ils respectent les prescriptions et consacrent à Dieu ce garçon premier-né, en remerciement pour le don qui leur est fait.

La foi de Marie et Joseph s’incarne aussi dans les rites prévus par leur religion. Cet acte est bien loin d’être contradictoire : quel plus beau cadeau peut-on offrir à Dieu que de lui présenter son propre Fils !

On peut imaginer toute la joie de Marie qui présente son fils qui est en même temps celui de Dieu.

Lorsque l’amour préside, c’est dans la joie que les parents accueillent un enfant, le fruit de leur amour. Ont-ils le réflexe dans rendre grâce à Dieu ?

Marie et Joseph, entrant dans le temple avec le nouveau-né, font une étrange rencontre, celle du vieillard Syméon.

Syméon prit l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant :
Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s’en aller dans la paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu ton salut,
que tu as préparé à la face de tous les peuples :
lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d’Israël ton peuple.
Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qu’on disait de lui. (Lc 2, 28-33)

Syméon rend grâce à Dieu car il voit en cet enfant la réalisation de la promesse qui lui a été faite. Il révèle quel sera le rôle de cet enfant : il sera le salut pour tous les peuples.

On peut être étonné de l’étonnement de Marie et Joseph devant la déclaration de Syméon. Car Marie sait depuis l’Annonciation quelle est l’identité de l’enfant qu’elle vient de mettre au monde. Et Joseph en a été informé lors du songe par lequel l’ange du Seigneur lui a demandé de prendre sans crainte Marie comme épouse.

La foi de Marie, tout comme celle de Joseph, n’est pas une sorte de monolithe. C’est une foi vivante qui s’approfondit et est éclairée au fur et à mesure que les événements de la vie se déroulent.

Il en a été de même pour le Peuple de Dieu tout au long de l’Ancien Testament. Bien souvent les écrits dont nous disposons dans ce livre ont fait l’objet de relecture d’événements passés, éclairés par toute l’histoire qui leur est postérieure.

Il en est de même aussi pour nous dans notre propre vie. Il n’est pas toujours facile de comprendre à chaud un événement. Il nous faut parfois plusieurs années pour voir comment il a interféré dans notre existence et lui trouver son vrai sens.

Mais voici que Syméon va faire à Marie une terrible révélation :

Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. (Lc 2, 34)

Comment concilier cette annonce avec celle de l’ange le jour de l’Annonciation ?

Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. (Lc 1, 32-33)

Le Fils du Très-Haut, sur le trône de David pour un règne sans fin, ce peut-il que ce soit au prix d’une division du Peuple ? Plus tard au cours de son procès, Jésus dira à Pilate : Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. (Jn 18, 37). La vérité ne plaît pas à tout le monde. Certains préfèrent vivre dans les ténèbres pour cacher leurs turpitudes plutôt que d’accueillir la lumière qui vient du Sauveur : Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. (Jn 3, 18-19).

Ce peut être déstabilisant pour une mère d’entendre pareille prophétie à propos de l’enfant qu’elle vient de mettre au monde.

Mais la suite montre que Marie aura à souffrir à cause de son fils :
Et toi-même, ton coeur sera transpercé par une épée. – Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre. (Lc 2, 35).

Le destin de Marie est lié à celui de son fils. Pas de façon identique, mais cependant les souffrances que devra endurer Marie sont liées à celles de son fils.

Toute mère sait bien que concevoir et mettre au monde un enfant est la première étape d’une aventure qui la lie à celui à qui elle donne vie. Cette aventure est faite de joies, mais aussi de peines, de souffrances, mais c’est un acte de foi en la vie.

Chez Marie, en raison de la personne même de son fils, c’est un acte de foi en celui qui est la Vie.

LA FUITE EN EGYPTE (Mt 2, 13-15) ET LE RETOUR (Mt 2, 19-23)

La visite des mages a réveillé la fureur d’Hérode. Il tremble pour son trône ! Comment un nouveau né pourrait-il attenter à son pouvoir ? Mais sa fureur est aveugle au point de condamner à mort tous les enfants de Bethléem et de la région, jusqu’à l’âge de deux ans.

Alors s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Jérémie :

Un cri s’élève dans Rama, des pleurs et une longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas qu’on la console, car ils ne sont plus. (Mt 2, 17-18)

Voici cette prophétie : Ainsi parle l’Éternel : On entend des cris à Rama, Des lamentations, des larmes amères ; Rachel pleure ses enfants ; Elle refuse d’être consolée sur ses enfants, Car ils ne sont plus. (Jr 31, 15)

De nouveau l’ange apparaît en songe à Joseph et lui demande de partir immédiatement pour l’Egypte et d’y rester jusqu’à la mort d’Hérode.

Dieu protège son Fils et demande la coopération de Joseph à qui il a confié de Fils de Dieu fait homme. On peut admirer l’obéissance de Joseph, mais aussi celle de Marie. La foi en Dieu passe toujours par l’obéissance, parfois par des événements contradictoires dont on ne perçoit pas le sens sur le moment.

Ce n’est pas un hasard si Dieu demande à Joseph, l’époux de Marie, de chercher refuge en Egypte.

L’Egypte a d’abord été une terre d’accueil pour les Hébreux. Lors d’une famine, ils sont venus se réfugier dans ce pays riche. (Cf. Joseph, le benjamin des fils de Jacob, son préféré, avait été vendu comme esclave par ses frères qui le jalousaient. Mais Joseph devint un personnage important en Egypte, et ses frères affamés furent bien contents de trouver en lui leur sauveur. C’est ainsi que les Hébreux s’installèrent en Egypte. Mais la situation tourna en raison du comportement du nouveau pharaon. Les hébreux devinrent les esclaves des Egyptiens. Par l’intervention de Moïse, Dieu libère son peuple du joug égyptien, lui fait passer la Mer Rouge et se diriger vers la terre qui avait été promise par Dieu à Abraham.)

Dieu demande donc à Joseph d’emmener la Sainte Famille en Egypte. Jésus va devenir un immigré. Après sa naissance, il connaît encore une situation de précarité. Le texte biblique n’indique pas combien de temps dura cet exil. Mais il est significatif que le Fils de Dieu, dès son plus jeune âge, épouse les conditions qu’a vécu le peuple élu.

Après la mort d’Hérode, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et reviens au pays d’Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant.

Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et rentra au pays d’Israël. Mais, apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth. Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen. (Mt 2, 19-23).

Joseph est à l’écoute de la volonté du Seigneur, mais en même temps il fait appel à son intelligence d’homme. Il obéit à l’injonction de retourner en Israël mais fait preuve de prudence. Il n’a pas confiance dans le successeur d’Hérode. Son raisonnement rejoint celui de Dieu qui lui demande de se retirer discrètement à Nazareth, en Galilée, une région éloignée de Jérusalem, lieu où siège Arkélaüs.

Comme Marie, qui à l’annonce de l’ange demande : Comment cela se fera-t-il puisque je suis vierge ? Joseph, lui aussi fait preuve de discernement. Le Seigneur demande que nous mettions en œuvre nos capacités humaines pour répondre à sa volonté.

Certes, Marie et Joseph, ont été grandement aidés dans leurs décisions par l’apparition lors de l’Annonciation ou les songes dont Joseph a été gratifiés. Mais leurs actes étaient de la plus haute importance pour l’avenir du projet de Dieu sur l’humanité.

Nous n’avons pas à décider face à des situations aussi importantes, cependant, nous rencontrons tous dans nos vies des moments où il nous faut prendre des décisions fondamentales qui orientent notre vie ou celle de notre entourage.

C’est le moment, plus que jamais, de questionner le Seigneur dans la prière, d’être attentifs aux événements qui peuvent être des signes, de faire appel à des conseils pris auprès de personnes de confiance, de solliciter notre propre intelligence puis d’assumer librement la décision que nous seuls pouvons et devons prendre.

Notre foi en Dieu est incarnée, elle ne fait pas abstraction de nos contingences humaines.

JESUS AU TEMPLE A DOUZE ANS (Lc 2, 41-52)

Du temps de Jésus, selon la tradition, beaucoup de juifs vivant en Israël se rend à Jérusalem pour la fête de la Pâque. C’est le cas pour les habitants de Nazareth. Sans doute formaient-ils une sorte de cohorte pèlerinant à pieds à travers la Palestine jusqu’à Jérusalem. A l’époque, Nazareth est un gros bourg où tout le monde se connaît. Il ne faut donc pas s’étonner si Marie et Joseph ne s’inquiètent de Jésus qu’au bout de la première journée de retour. Mais voici que l’angoisse apparaît et grandit au fur et à mesure que les jours passent.

Trois jours, ils le cherchèrent pendant trois jours ! Comment n’ont-ils pas eu l’idée d’aller plus tôt au temple ? Ces trois jours ont aussi une signification symbolique. Ils annoncent les trois pendant lesquels Jésus sera au tombeau. Ils le trouvèrent enfin dans le temple, assis au milieu des docteurs de la Loi, leur posant des questions.

Mon enfant, dit Marie, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! (Lc 2, 48). C’est le cri d’une mère angoissée qui ne comprend d’autant moins l’attitude de son fils que celui-ci est toujours obéissant. Le texte d’ailleurs le souligne à la finale de cet épisode : Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth, et il leur était soumis. (Lc 2, 51) et le verset suivant : Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes. (Lc 2, 52).

Mais l’incompréhension de Marie va encore grandir en entendant la réponse de son fils : Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être. (Lc 2, 49).

Son Père, c’est Dieu ! Marie et Joseph le savent bien ! Mais ils ont pris tellement à cœur de s’occuper de cet enfant que pour eux, Joseph est son père. « Ton père et moi, avons souffert en te cherchant » dit Marie.

Jésus a douze ans. Il prend de plus en plus conscience de son identité et de sa mission. Ce sera une longue maturation puisqu’il n’inaugurera sa vie publique que vers l’âge de trente ans. La vie cachée à Nazareth, dans l’incarnation d’un quotidien qui semble banal, nous montre toute l’importance que Dieu accorde à nos vies et à la façon dont nous les menons au milieu des hommes, participant à l’œuvre de la création à travers nos activités familiales, professionnelles, associatives. C’est le lieu normal d’incarnation de nos vies de chrétiens.

C’est chez mon Père que je dois être, dit Jésus. Marie et Joseph ne comprirent pas la réponse de Jésus, et le texte précise : Sa mère gardait dans son coeur tous ces événements. (Lc 2, 51). C’est la deuxième fois que cette mention se présente. Tout d’abord à la finale du texte relatant la visite des bergers (Lc 2, 19) et maintenant au temple de Jérusalem. Ceci nous montre bien que la foi de Marie a besoin de se nourrir des événements de sa vie et de ceux de son enfant. Sa foi s’approfondit à mesure qu’elle avance dans la vie.

Il en est de même pour nous, et parfois, les événements les plus incompréhensibles nous permettent, à terme, de grandir davantage dans la foi. Il n’est pas rare aussi que les autres soient consciemment ou inconsciemment les intermédiaires par lesquels le Seigneur passe pour nous faire grandir dans la foi. Les enfants, en particulier peuvent de bons interrogateurs de notre foi.

LES NOCES DE CANA (Jn 2, 1-11)

Il y aurait beaucoup de considérations à faire à propos de ce texte, mais nous nous cantonnerons à notre sujet : la foi de Marie et la nôtre.

Nous connaissons bien cet épisode de la vie de Jésus. Nous sommes au tout début de son activité publique. Jésus vient de recruter ses premiers disciples et les voilà tous, avec Marie, invités à des noces.

« Or, on manqua de vin. » (Jn 2, 3).

Ce qui apparaît dans les évangiles, c’est que Marie est une femme qui parle peu, mais qui est très attentive à tout ce qui se passe. Sans doute a-t-elle vu des aller et venues des serviteurs, peut-être a-t-elle entendu leur discussion. Elle comprend qu’il y a un problème. Ne plus avoir de vin pour faire la fête, c’est une catastrophe ! Nous sommes à une époque où, pour des noces, on invite largement et sans forcément recenser tous les invités. De plus la fête dure plusieurs jours. Le marié a mal évalué la quantité de vin nécessaire.

Marie, ici, manifeste sa confiance en son fils : Ils n’ont pas de vin. (Jn 2, 3). Marie informe son fils. Elle ne lui dit pas de faire quelque chose, encore moins elle ne lui indique pas ce qu’il doit faire.

La réponse de Jésus a de quoi surprendre : Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. (Jn 2, 4). S’agit-il d’une fin de non recevoir ? La suite du texte nous prouve que non. En fait, nous le voyons souvent dans les évangiles, Jésus semble ne pas répondre à la demande qu’on lui fait ou à la question posée.

Ici, l’heure de Jésus, c’est l’heure de sa passion. Celle où se réalisera la mission que le Père lui a donner : venir en ce monde, lui le Fils de Dieu, épouser notre condition mortelle, afin que par sa mort et sa résurrection, il détruise la séparation irrémédiable d’avec Dieu à cause du péché et nous introduise à la vie qu’il partage de toute éternité avec son Père dans l’Esprit Saint. Dans ce sens, l’heure de Jésus n’est pas encore venue. Cependant, depuis sa conception dans le sein de Marie, n’est-elle pas déjà commencée ?

Marie a-t-elle saisie le sens de la réponse de Jésus ? Sa foi n’est pas pour autant désarçonnée. Faites tout ce qu’il vous dira (Jn 2, 5), dit-elle aux serviteurs.

Jésus sait que sa mère est entièrement tournée vers Dieu, en quête de faire toujours sa volonté. Il sait que Marie a une capacité exceptionnelle pour comprendre les désirs de Dieu. Aussi n’hésite-t-il pas devant cette circonstance qui se présente à lui. Il donne des ordres : Remplissez d’eau les cuves… Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. (Jn 2, 7-8).

La foi communicative de Marie et l’autorité de Jésus, font que les serviteurs exécutent les ordres. Pourtant, il y avait bien un risque pour eux : puiser de l’eau et en verser au responsable du repas sans savoir que cette eau serait changée en vin, et du meilleur ! cela pouvait provoquer en eux une crainte légitime, celle d’avoir une bastonnade, par exemple, d’être chassés sans le moindre émolument pour les services rendus.

Le maître du repas est émerveillé de la qualité du vin qui lui est versé et félicite le marié qui a bien du se demander ce qui lui avait valu un tel compliment !

La foi de Marie a provoqué son intercession auprès de son fils.

Sa foi a donné confiance aux serviteurs qui ont obéi sans rechigner, car il a fallu remplir six cuves de pierre contenant chacune environ cent litres ! C’est un travail long et pénible. Mais cela en valait la peine !

La foi de Marie a provoqué le dévoilement de la puissance de son fils et l’admiration et la confiance des disciples.

C’est en quelque sorte Marie qui a suscité le premier miracle de Jésus. Ne doutons pas qu’elle ait ressenti dans son cœur, par une monition de l’Esprit Saint, qu’elle devait intercéder dans cette situation.

D’une impasse, l’absence de vin, Marie, par sa foi, provoque une ouverture bien meilleure que s’il n’y avait pas eu de manque. Non seulement le manque est comblé, mais le bien reçu est le meilleur et la foi grandit chez les gens présents à la noce.

Notre foi est parfois mise à l’épreuve en face de difficultés et nous questionnons le Seigneur qui ne semble pas répondre. En fait, il entend, mais répond à sa manière et il ne nous est pas facile de le décrypter.

Souvent, nous faisons appel à sa mère pour qu’elle intercède pour nous auprès de son fils. Comment maintenir notre foi, comment la faire grandir, lorsque les événements sont contraires à notre demande ? La non réponse de Dieu, ou sa réponse différente de celle que nous attendons, est là pour nous aider à approfondir notre foi, la purifier, à considérer le donateur plus que le bien que nous sollicitons de lui. En un mot à aimer Dieu d’abord, et plus, que ce que nous demandons.

Si Marie intercède pour nous, nous devons, nous aussi, intercéder les uns pour les autres. Ceux qui nous ont précédés aussi remplissent ce rôle, c’est ce que nous appelons la communion des saints. Le premier fruit de l’intercession auprès du Seigneur, c’est de faire grandir la foi en lui et de lui manifester notre reconnaissance.

QUI EST MA MERE, QUI SONT MES FRERES (Mt 12, 46-50)

Jésus est tellement assailli par les foules qu’il devient très difficile de l’approcher, même quand on est de sa famille proche.

Comme Jésus parlait encore à la foule, voici que sa mère et ses frères se tenaient au-dehors, cherchant à lui parler.
Quelqu’un lui dit : Ta mère et tes frères sont là dehors, qui cherchent à te parler.
Jésus répondit à cet homme : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ?
Puis, tendant la main vers ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une soeur et une mère.

Pour faire partie de la famille de Jésus, il faut, comme lui, être à l’écoute de la volonté de son Père et, ensuite, mettre en pratique ce que l’on a discerné.

Faire la volonté du Père n’est pas toujours chose facile à discerner. Par exemple, entre deux bonnes choses au choix, laquelle retenir ?

Mais faire la volonté du Père exige parfois beaucoup d’abnégation, cela peut se passer dans la souffrance.

L’exemple le plus significatif à cet égard, est la prière de Jésus au jardin des oliviers, le soir de la Cène.

Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne. (Lc 22, 42).

Jésus est allé jusqu’au bout de l’obéissance. Au bout de l’obéissance, il y a la liberté. Dans la vie consacrée par des vœux, bien des personnes qui s’y sont engagées en ont fait l’expérience. D’autres, aussi, l’on très mal vécue.

Cependant tout croyant doit vivre l’obéissance vis-à-vis de Dieu. Le chrétien doit toujours être à la recherche de la volonté de Dieu sur lui-même. C’est une tâche difficile et qui demande des temps d’intimité avec le Seigneur, des temps de prière. Jésus nous en donne l’exemple au jardin des oliviers, mais aussi lorsqu’il passa quarante jours au désert avant d’inaugurer sa vie publique. (Cf. Mt 4, 1-11). On le voit aussi souvent se retirer pour prier dans un endroit isolé. Marie aussi nous en donne l’exemple, elle qui gardait dans son coeur tous ces événements. (Lc 2, 51).

L’obéissance à la volonté de Dieu concrétise notre foi en lui. Car, comme le dit saint Jacques : Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ? (Jc 2, 14).

MARIE AU PIED DE LA CROIX (Jn 19, 25-27)

Auprès de Jésus agonisant, il n’y a pas grand monde. Les apôtres se sont enfuis. D’ailleurs lors de son arrestation au jardin des oliviers, Jésus a voulu protéger ses apôtres : Qui cherchez-vous ? Ils dirent : Jésus le Nazaréen.

Jésus répondit : Je vous l’ai dit : c’est moi. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir.
Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. (Jn 18, 7-9).

Jésus trahi par Judas, renié par Pierre.

Mais il reste quelques femmes qui le suivent depuis la Galilée, et Marie sa mère, et le disciple bien-aimé, autrement dit l’apôtre Jean.

Ce petit groupe de fidèles qui a l’audace d’être là au pied de la croix, devant ce spectacle horrible, entouré de haine, sous la surveillance des soldats romains. Il fallait du cran pour tenir, bien plutôt, beaucoup d’amour pour celui qui est entrain de mourir.

Les souffrances de Jésus sur la croix sont terribles. Elles sont physiques, il s’épuise, un oedème se forme au niveau des poumons rendant très difficile la respiration. Souffrances aigues au niveau des points d’attache des bras et des pieds. Mais la souffrance la plus effroyable est spirituelle. Elle est provoquée par le rejet de lui-même et de sa mission par le Peuple élu. Il est en train de mourir pour réconcilier tous les hommes avec Dieu, pour leur éviter la séparation définitive d’avec lui (ce qu’on appelle l’enfer) et pour, par sa résurrection future, les faire entrer dans la vie qu’il possède avec son Père dans l’Esprit Saint, (la vie éternelle), et il n’est pas compris, il est rejeté.

Jésus, tout à son obéissance à son Père, suscite celle de Marie et de Jean.

A cet instant, Marie et Jean se trouvent au pied de la croix. Marie compatit avec son cœur de mère devant la souffrance de son fils. Sans doute se souvient-elle des paroles de l’ange au jour de l’Annonciation : Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. (Lc 1, 30-33). Qu’en est-il aujourd’hui ? N’est-ce pas la négation de ce qui lui a été dit ? Dieu peut-il mentir ? Bien sûr que non ! La foi de Marie n’est pas entamée.

Sans doute se souvient-elle également des paroles que lui a adressées le vieillard Syméon : Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. (Lc 2, 34).

Et aussi : Et toi-même, ton coeur sera transpercé par une épée. – Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre. (Lc 2, 35).

Pour Jésus et Marie, c’est le moment de l’épreuve.

Mais voici que Jésus ouvre la bouche :
Or, près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec la soeur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine.
Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : Femme, voici ton fils.
Puis il dit au disciple : Voici ta mère. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. (Jn 19, 25-27).

Jésus, au bord de la mort, incite sa mère à donner la vie. Il l’institue la mère spirituelle de l’apôtre Jean, et à travers lui, de tous ceux qui l’accueilleront comme telle. Si Marie a accouché dans la joie et sans souffrance de Jésus, le Fils de Dieu, il n’en est pas de même pour cet accouchement spirituel. Face à la mort imminente de son fils, Marie met au monde spirituellement en la personne de Jean, l’humanité réconciliée par son fils unique.

La foi de Marie est une foi vivante, qui donne vie.

Jean, lui à son tour accueille Marie pour mère.

Bien sûr on peut penser à juste titre, que Jésus assure l’avenir de sa mère. En effet, à cette époque, Marie n’a sans doute plus Joachim, son père, ni Joseph, son époux. Elle va perdre son fils unique, Jésus. Dans la bible, les veuves sans enfant sont considérées comme des pauvres, car elles n’ont plus de statut social. Elles sont sans protection. Jean va remplir cette mission de protection de la mère de Jésus.

Mais s’arrêter à cette considération serait très insuffisant. Ce serait méconnaître toute la Tradition de l’Eglise qui considère ce texte comme fondateur de la maternité spirituelle de Marie vis-à-vis des croyants.

Ce serait ne pas tenir compte de ce qu’écrit saint Paul à propos de l’Eglise : Vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes les membres de ce corps. (1 Co 12, 27). Il est impensable que le Christ soit dissocié de son Eglise dont nous sommes les membres. En devenant membres de l’Eglise, nous héritons de la filiation divine, nous devenons enfants adoptifs du Père, frères et sœurs de Jésus Christ et nous accueillons sa mère comme la nôtre.

Nous rendons grâce à Dieu pour le don de la foi de Marie et celle de Jean, qui tous les deux ont su dépasser leur souffrance, ne pas se laisser enfermer en elle, et s’ouvrir à la vie.

Nous connaissons tous des personnes que les épreuves n’ont pas écrasées au point de ne plus pouvoir accueillir la vie. Elles continuent à vivre pour elles-mêmes et pour les autres. Si elles sont croyantes, leur foi les aide assurément dans cette démarche.

MARIE ET LA RESURRECTION, LE TOMBEAU VIDE (Jn 20, 1-8)

Aucun texte de l’Ecriture ne mentionne que Marie ait été gratifiée d’une rencontre avec son fils ressuscité. Contrairement à Marie-Madeleine, à d’autres femmes, aux apôtres, aux disciples d’Emmaüs, pour lesquels nous avons des récits dans les évangiles, pour Marie, rien n’est mentionné.

Pour ma part, je pense que Marie n’a pas eu d’apparition du Ressuscité car sa foi n’en avait pas besoin. Compte tenu de ce qui lui avait été annoncé, Marie ne pouvait pas renoncer à croire en la victoire de Dieu au-delà de la mort. De plus, Jésus avait annoncé qu’il ressusciterait. Il l’avait dit, entre autres, à ses apôtres au jardin des oliviers : Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. (Mc 14, 28). Marie avait sans doute été informée de cette parole de Jésus.

Par contre il en est pas de même pour les apôtres qui ont du mal à croire ce que Marie-Madeleine va leur rapporter : J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. (Jn 20, 18).

Dans un premier temps, Marie-Madeleine est allée au tombeau, elle a découvert que la pierre d’entrée était dégagée et que le tombeau était vide. Aussitôt elle se rendit auprès des apôtres et suite à cette information, Pierre et Jean partirent en courant. Et voici comment l’apôtre Jean relate la découverte du tombeau vide par Pierre et lui :

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau.

Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis.

Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas.

Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.

C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.

Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Ensuite, les deux disciples retournèrent chez eux. (Jn 20, 1-10).

Au pied de la croix, lorsque Jean reçu Marie comme mère, le texte se termine en mentionnant qu’à partir de cette heure-là le disciple la prit chez lui. (Cf. Jn 19, 27). On peut penser que Jean a été impressionné par l’attitude de foi de Marie pendant ces trois jours qui séparent la mort de Jésus de sa résurrection. Marie solide dans sa foi, solide dans son espérance.

Cette attitude de Marie a pu avoir un effet sur la propre foi de Jean, car il est le premier à croire en la résurrection avant même d’avoir vu le Ressuscité.

Comme à Cana, la foi de Marie est contagieuse.

Et nous face à la mort, comment notre foi nous aide-t-elle à dépasser cette réalité et à rester ferme dans la promesse du Ressuscité à notre égard ? A Marthe qui pleure son frère Lazare, Jésus lui dit : Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. (Jn 11, 25).

MARIE APRES L’ASCENSION (Ac 1, 12-14)

Lorsque Jésus les eut quittés le jour de l’Ascension les apôtres s’en retournent chez eux :

Alors, ils retournèrent du mont des Oliviers à Jérusalem, qui n’est pas loin. (La distance ne dépasse pas ce qui est permis le jour du sabbat.)Arrivés dans la ville, ils montèrent à l’étage de la maison ; c’est là qu’ils se tenaient tous : Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques.

D’un seul coeur, ils participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. (Ac 1, 12-14).

Nous voyons bien Marie participant à la prière de l’Eglise dans l’attente de l’Esprit promis par Jésus. Elle assume son rôle de Mère de l’Eglise, comme se plaira à la nommer le pape Paul VI au cours du concile Vatican II, le 21 novembre 1964.

L’INTERCESSION DE MARIE ET LA NOTRE

Marie désormais, dans la gloire auprès de son Fils, intercède pour l’humanité. Ce qu’elle a réalisé de manière limitée lorsqu’elle était sur cette terre, comme à Cana, ou avec les apôtres dans l’attente de l’Esprit Saint, elle le réalise de façon universelle maintenant qu’elle est auprès de la Trinité. Elle comprend nos besoins, elle connaît parfaitement la volonté de Dieu. Elle peut ainsi « ajuster » nos demandes.

Elle nous encourage aussi à intercéder les uns pour les autres en lien aussi avec ceux qui nous ont précédé. C’est ce que nous appelons la communion des saints.

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