Immaculée Conception, un déplacement d’accent

Le dessein de Dieu d’épouser l’humanité

Du début à la fin de la Bible, court le projet que Dieu prépare pour l’homme : faire alliance avec lui. Un projet que les prophètes traduisent en terme d’épousailles. Et le nouveau Testament révèle que c’est en insérant son Fils au sein de l’humanité qu’il va réaliser cette alliance. Dieu décide de faire don de son Fils à notre terre, pour qu’en Lui toute l’humanité soit récapitulée en un seul corps, tout comme l’homme et la femme, par leur union, deviennent un seul corps.

Il était impossible à Dieu d’offrir à notre humanité un don plus riche. Il était inimaginable à l’homme d’escompter une telle libéralité du Dieu créateur.

Tout comme sous la tente, Dieu parlait à Moïse « comme un homme parle à un autre homme », ce don de Dieu se voulait un échange entre deux libertés, l’homme étant élevé à la dignité de partenaire responsable. Un don sous forme d’alliance, d’épousailles, qui implique un « oui » des deux parties.

La problématique du don

Dans son étude sur la Vierge Marie, le groupe des Dombes a introduit la problématique du don.[1]

Un don part de l’initiative d’un donateur, en l’occurrence Dieu.

Mais le don exige un récepteur. Sinon, le don n’arrive pas à destination, et il n’y a pas don effectif.

Saint Mathieu nous fournit un excellent éclairage sur cette problématique du don dans la parabole de l’intendant malhonnête.[2]

Nous pouvons retenir deux idées de cette péricope évangélique.

Le première idée est la confirmation qu’un don, aussi généreusement accordé soit-il, s’il n’est pas accueilli, n’a pas d’effet pratique, partant pas d’existence. L’intendant malhonnête en refusant de remettre le petite dette de l’un de ses obligés révèle par là qu’il n’a pas accueilli la remise de la grosse dette que le Roi lui a concédée. S’il l’avait accueilli, son cœur aurait été transformé et serait devenu lui aussi  » remetteur de dette », à l’image du Roi. En condamnant l’intendant malhonnête, le Roi ne se déjuge donc pas: son pardon est toujours accordé, mais il ne parvient pas à destination. Un don réel, – et le pardon est une forme de don – transforme celui qui le reçoit. Sans cette transformation, le don n’est pas reçu, donc pas effectif.

Ce constat introduit immédiatement la deuxième idée à retenir de cette péricope évangélique: ce n’est pas notre pardon qui conditionne le pardon de Dieu, mais c’est le pardon de Dieu qui, s’il est reçu, nous donne un « cœur contrit », mot théologique pour dire « cœur de chair », cœur éperdu de reconnaissance, dont la première manifestation est qu’il devient lui-même un cœur pardonnant. C’est la seule façon de comprendre cette phrase de la prière du Seigneur « Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Autrement dit, dans le contexte général du don, celui qui a l’initiative du don est celui qui, par son initiative même, déclenche l’accueil.

Pour nous résumer, un don ne peut s’imaginer qu’entre deux personnes dont l’une au moins a une initiative d’amour, initiative qui provoque en retour une réponse d’amour. Et les dons successifs qui s’inscriront à l’intérieur de cette relation « amoureuse », si je puis employer ce qualificatif ici, ne feront que transformer et enrichir cette relation amoureuse entre le donateur et le récipiendaire.

Dieu devait donc trouver dans le cœur des hommes un récipiendaire capable d’accueillir le don suprême qu’il voulait lui faire: poser son Fils bien aimé au sein de notre humanité.

Comment trouver un amour sans division ?

Un cadeau, même reçu, peut l’être avec des nuances et des degrés.

Prenons un exemple. Supposons que j’aie deux filleuls, Timothée et Maylis. J’offre à chacun la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorack. Ils me remercient tous les deux. Huit jours après, je rencontre la mère de Timothée: « Votre CD est toujours dans son emballage sur un coin d’armoire. Pour Timothée, tout ce qui compte, c’est son ballon ». Et dans la rue, je croise Maylis: « Oh, parrain, ton disque est merveilleux. Je l’ai déjà écouté quatre fois. Et chaque fois, je le trouve plus beau »…Et vous voyez cette fille en grandissant s’intéresser à la musique, apprendre un instrument, se créer une belle collection de disques. Et en vous annonçant son mariage, de vous dire encore: « Tu sais, le disque que tu m’as donné pour ma profession de foi, je l’ai toujours et je l’écoute avec un plaisir toujours nouveau en pensant à toi. » Vous avez fait le même cadeau à chacun. Et pourtant, combien les fruits en sont différents. Au fond, Timothée n’a reçu que le « geste » et il vous a dit merci pour cela, mais il n’a pas profité réellement du cadeau. Le cadeau fait à Maylis est une semence qui ne cesse de croître et de donner du fruit.

Plus le cadeau est riche et noble, plus le récipiendaire doit être « capable » de le recevoir.

Si le Père voulait donner le Fils à la Terre, il ne pouvait prendre le risque qu’il ne soit reçu qu’à moitié, ni même aux trois quarts. Pour la plénitude de l’Incarnation, il fallait que rien du Fils ne soit « étranger » à l’humanité. Jésus ne pouvait être un enfant « non voulu », aussi partiel que soit ce « non voulu ».[3]

Or, autant que nous sommes, nous sommes des êtres divisés. Nos amours ne sont jamais totales. Et, partant, nos libertés sont toujours tronquées. Car la liberté est un attribut de l’amour.

Notre liberté, Dieu sait si nous la revendiquons. Mais nos libertés ne sont que des liberté de choix entre deux désirs et deux biens entre lesquels on balance. Dans la mesure où aucun bien fini n’épuise notre soif d’un bonheur infini, il se trouve en nous des désirs contradictoires.

Nous pensons presque tous que nous n’avons de liberté que si nous avons un choix devant lequel il nous faut trancher. Et pourtant, nous affirmons que Dieu est souverainement libre, sans imaginer pour lui un autre choix que celui que lui dicte son amour. Il est souverainement libre parce qu’il n’est pas, comme nous, divisé entre amours divers, voire exclusifs les uns des autres.

Car la liberté est en toute réalité un attribut de l’amour. Sans amour, il n’y a pas de liberté.

Mais notre cœur n’est souvent qu’un champ de bataille entre des amours contradictoires dont le vainqueur n’est pas toujours le meilleur ou le plus noble.

Plus notre amour pour un être est grand, plus est grande notre liberté à son égard. Si un homme aime profondément une femme, la grandeur de son amour pour cette femme lui évitera les regrets de n’en avoir pas choisi une autre. Si son amour est faible, il sera comme l’âne de Buridan, papillonnant de l’une à l’autre, sans jamais trouver ni paix ni joie.

Ma sœur, de deux ans ma cadette, avait la coqueluche. Quand elle commençait à tousser, maman la prenait dans ses bras, pour l’empêcher d’étouffer, de jour comme de nuit. Elle aurait sûrement préférer se reposer et dormir, mais c’était sa fille, son amour, surtout après trois garçons. Une baby-sitter – ni le mot, ni la chose n’existait en mon temps dans une famille modeste – serait venue une fois…. Pour les fois suivantes, elle aurait hésité… car elle n’est pas la maman et son amour n’a pas la même plénitude inconditionnelle pour une fille qui exige tant de soins.

Pour qu’une liberté s’engage le plus totalement possible, il lui faut l’élan d’un amour le plus fort qui soit.

Dieu se prépare une partenaire pour accueillir son Fils

Or depuis le drame du péché, aucun être humain n’est désormais capable d’un amour total et d’une liberté totale. Comment Dieu alors, pouvait-il faire cadeau à la terre, de son Fils?

La solution ne pouvait venir que de lui, et non de l’homme.

Dieu a travaillé l’homme par une longue préparation: une promesse à la chute, pour qu’au cœur de tout membre de notre humanité, germe une espérance toujours renouvelée ; le choix d’un homme, Abraham et d’un peuple ; une longue histoire avec son tribut de pesanteurs et d’élans ; une lignée, une famille…

Et finalement une petite fille « plus jeune que le péché » [4], restituée, dès sa conception, dans la grâce d’origine, « toute graciée » [5] et partant capable d’accueillir en plénitude toute grâce qui descendrait sur notre terre. Pour que rien n’échappe du don de Dieu, pour que rien n’en soit refusé, incompris, gaspillé.

Vatican II a trouvé une perle pour le dire : « Marie, toute pétrie de l’Esprit Saint » [6] . Aucun grumeau de la terre ne subsiste en elle qui ne soit capable de « mouiller à la grâce »[7], condition pour que – si l’on me permet l’expression – « aucun grumeau du Fils de Dieu ne puisse mouiller à l’humain ».

Oui, je pense que cette expression « Marie, toute pétrie de l’Esprit Saint » est une définition parfaite de dogme de l’Immaculée Conception. Dans sa formulation même elle dit qu’il s’agit bien de Marie dès son origine, dès sa conception. Il n’y a pas en elle une reprise, une « correction postérieure »: depuis toujours l’Esprit la travaille, et rien en elle ne sera étranger à cette action de l’Esprit saint.

Et cette plénitude de grâce unifie Marie dans un amour unique auquel seront subordonnés – et enrichis – tous les autres amours. Unifiée dans l’amour, Marie pourra, à l’intérieur de cet amour, poser des actes parfaitement libres, sans partage ni regrets.

A cause de l’  « Immaculée Conception », puisque telle est l’expression accueillie par l’Eglise dans une tradition au moins millénaire, Jésus Christ sera totalement de chez nous, sans rien qui y soit étranger. Il sera accueilli dans la totalité de son être, sans aucune réticence, sans aucun refus.

L’Immaculée Conception n’est pas qu’un « privilège » accordé à une femme pour que son enfant ait une mère belle et digne. L’Immaculée Conception est cette grâce accordée à Marie pour assurer l’intégralité de l’Incarnation dans toute son amplitude. Sans Immaculée Conception, le Fiat de l’Incarnation n’aurait pu être total. Et ce n’est pas sans signification que Luc, en rapportant l’évènement – dont le récit ne pouvait venir que de Marie elle-même, seul témoin – met dans la bouche de l’ange ce mot « xeXartithomene » qui à la fois nous révèle ce mystère de l’Immaculée Conception et touche le cœur de Marie au point crucial qui lui permet de dire un « oui » sans restriction, avec une liberté sans aucune ombre.

L’Immaculée Conception assure l’ancrage de l’Incarnation à notre terre

Jésus est le « médiateur » entre Dieu et l’humanité. Le médiateur est un « pont », et un pont n’est solide que s’il est ancré sans rupture possible aux deux rives.

L’ancrage trinitaire est de toujours. « Il était en Dieu, il était Dieu »[8]. De ce côté du pont, la sécurité était totale.

L’ancrage sur la terre ne pouvait lui non plus être aléatoire, fissurable : grâce à l’amour plénier reçu dès sa conception, amour générateur d’une liberté totale, Marie a pu accueillir son Fils sans que rien de Lui ne soit étranger à la terre. Jésus est ancré à notre terre en Marie sans rupture possible. Le « pont » tient solidement aux deux rives, la divine et l’humaine, et rien ne saura le faire s’effondrer.

Et plus, dans la communion des Saints, nous nous tiendrons à proximité de cet ancrage, plus nous serons proches de Jésus Christ.

La maternité ne se clôt pas à l’accouchement qui met fin à la grossesse. A sa naissance, l’homme est inachevé. L’œuvre de maternité se poursuit durant des années : prise de conscience de son corps, reconnaissance de deux visages qui se penchent sur lui, apprivoisement au regard des autres, à leur présence, à leur existence.

Nous sommes séduits dans l’Evangile par le regard de Jésus sur les hommes et les femmes croisés sur son chemin : il fallait des éducateurs pour aimanter ce regard. Jésus a eu besoin de la plénitude de grâce de Marie pour s’éveiller à sa vie de relation, au don de la parole, à la tendresse des gestes, aux mouvements du cœur, à la miséricorde.

Marie, épouse de Joseph, et la grâce de Marie passera en Joseph, où Jésus découvrira son « Abba », l’image de tendresse qui le renvoie à son Père du ciel.

Jésus, homme accompli, va parcourir les routes de Palestine pour y prêcher le Règne de Dieu par ses paroles et ses actes. Paroles et actes qui sont « grâces », dons de Dieu. Homme parmi les hommes, Jésus entre en contact avec tous ceux qui seront sur son chemin. Mais ces hommes ne recueilleront ces grâces que dans la limite de leur accueil. Faut-il que ces semences de grâces soient perdues.

Non, car l’une de nous, toute réceptive en son être, accompagne le Fils jusqu’à la fin de sa vie et de son œuvre. Bonne terre sans caillou ni épines, sans sécheresse ni végétation parasite gourmande, elle recueillera toute semence qui pourra germer en notre terre.

Nombre de saints ont affirmé que « Jésus a associé Marie à tous ses mystères ». C’est l’expression du Bienheureux Chaminade, Fondateur des Marianistes dans la première règle qu’il leur a donnée. Qu’est-ce à dire ?

Jésus est un homme parfait qui se suffit à lui seul pour assurer le salut de l’humanité. Marie ne peut donc être « associée à ses mystères » en tant qu’actrice.

Mais à quoi cela servirait-il que le Christ vive pleinement sa vie d’homme en Fils de Dieu, s’il n’y avait pas un accueil de cette vie ?

Tout au long de la vie de son Fils, Marie sera terre d’accueil, en plénitude à cause de sa plénitude de grâce dès sa conception.

Marie est une femme de chez nous, tout comme son Fils Jésus est un homme de chez nous. L’un et l’autre, tout comme chacun de nous, vont grandir dans leur vie physique, psychique, relationnelle, depuis la cellule initiale jusqu’au moment de leur mort.

Marie, fille de Dieu, va grandir chaque jour dans son être de Fille de Dieu. Autrement dit, la grâce reçue en plénitude à la conception, va grandir à la mesure du grandissement de sa capacité de réception. Toujours plénitude, mais plénitude qui ne cesse de s’amplifier.

Peut-être que nous sommes souvent victimes de la limite de nos mots. Nous parlons de « grâce » de « grâces reçues ou accordées », et ces expressions peuvent nous induire à penser la grâce comme un objet.

Non, la grâce n’est pas un objet qui pourrait avoir son indépendance. Elle est un « attribut ». La grâce en soi n’existe pas ; il n’existe que des êtres graciés. « Xecharithoménè » est un adjectif qui n’ de substance que dans un être, en l’occurrence la Vierge Marie. Pas plus que la beauté n’existe en soi, mais toujours comme attribut d’un être ou d’un objet, la grâce n’existe que comme attribut d’une personne. Une personne, toute belle dès sa naissance, peut continuer à croître en beauté. De même Marie, toute « pleine de grâce » dès sa conception, ne va cesser de croître en grâce.

L’œuvre salvifique de Jésus n’est salvifique que dans la mesure où elle change les hommes. S’il était une seule parole, un seul acte, une seule pensée de Jésus qui n’ait pas eu de résultat dans une personne humaine, cette parole, cet acte, cette pensée serait perdue pour la terre ; elle lui resterait étrangère.

Pour que l’œuvre rédemptrice du Fils de Dieu fait homme aboutisse, il fallait qu’une créature de chez nous puisse l’accueillir en totalité, tout au long de sa vie. Marie ne pouvait échapper à la condition terrestre avant son Fils, car il n’y aurait plus de réceptacle parfait pour accueillir – c’est à dire pour rendre « terrestre » donc accessible par chacun de nous – son œuvre rédemptrice.

Car la fin ultime de la Rédemption c’est bien l’Eglise, la constitution du Corps du Christ. La encore, il faut éviter le piège du vocabulaire. On parle couramment des « trésors de grâce », de « grâce inemployée » si nous n’y répondons pas », et autres expression similaires. Non, la rédemption ne s’opère pas sous forme « distributive » mais sous forme de communion. (cf. Durwell).

C’est dans la mesure de sa communion étroite avec son Fils que Marie est comblée de grâces.
Ce sera sous forme de communion à ce couple – donneur et récepteur – que se construira l’Eglise. Le dernier cadeau que Jésus fait à Jean sur la Croix, c’est justement de l’ancrer dans une communion parfaite avec sa mère, la réceptrice parfaite de la grâce. Et lorsque nous avons été baptisés, nous n’avons pas au sens strict « reçu » la vie divine ; nous avons été branchés, « greffés » dira St Paul, sur cette communion qu’est l’Eglise.

Encore une fois, au risque de se répéter, « l’humanité » n’existe pas. Il n’existe que des hommes. Et pour exister en humanité sauvée, il ne peuvent le faire qu’en communion.

Et cette communion est riche de la vie de Dieu dans la mesure où elle a été reçue… en plénitude par un membre de cette humanité.
En résumé « le privilège de l’Immaculée Conception » est la restitution d’une personne de chez nous dans la plénitude d’une humanité capable d’un amour total, d’une liberté sans faille, pour que le Verbe puisse être incarné sur notre terre avec la plénitude qui n’ait de limite que celle de l’abîme entre la créature et le créé.

Note complémentaire : nos frères protestants ne cessent de nous rappeler que tout vient de Dieu et rien de la créature, et ils sont réticents à accorder un rôle  positif à Marie dans l’œuvre de la rédemption. Le groupe des Dombes a déjà esquissé un horizon d’accord sur ce point, avec la problématique du don.

La grâce éveille la nature. Marie toute graciée a pu répondre « fiat » à l’annonce de l’Ange. Ce « fiat » est œuvre de grâce et œuvre aussi de Marie. Là encore, une histoire vraie pourra servir de parabole pour mieux comprendre qu’il n’y a ni contradiction ni exclusivité entre l’action de Dieu et celle de l’homme. Un religieux octogénaire était hospitalisé dans une ville de l’Est pour une fracture du péroné. Il semblait ne plus vouloir vivre et refusait toute nourriture. Quand une infirmière, la plus douce et la plus dévouée qui soit, voulait lui donner la becquée pour avaler un yaourt, il recrachait aussitôt. Dans la même ville habitait une jeune femme qui avait été avant son mariage professeur dans l’établissement où enseignait alors ce vieux religieux, et une belle complicité s’était instaurée entre eux. Quand elle apprit que ce vieux religieux était hospitalisé, elle vint le voir. Constatant sont état, ayant appris son refus de se nourrir, elle lui dit : « Mais, Monsieur Louis, il faut manger… » Et aussitôt elle prit une petite cuillère et lui entrepris de lui faire avaler le yaourt sur la table…Et Monsieur Louis mangea le yaourt… Elle revint tous les jours, et Monsieur Louis reprit l’habitude et l’envie de se nourrir… Il vécut encore plusieurs années, avant de mourir presque nonagénaire .

Le refus de manger était bien de lui. La décision de manger était-elle de lui ? Oui, bien sûr. Mais pourquoi cette décision positive ? A cause du lien d’amour entre Monsieur Louis et cette jeune femme. C’est cet amour réciproque qui a déclenché l’ouverture de la bouche pour accepter la nourriture.

L’humanité, bloquée par le péché ne pouvait ouvrir la bouche pour recevoir le Sauveur. Parce qu’existait une relation d’amour pleinement réciproque – grâce à l’Immaculée conception – entre Dieu et la jeune Marie, que celle-ci, au nom de toute la terre, a pu accueillir sans restriction le Verbe pour s’incarner.

NOTES

[1] § 219. Le cas de Marie est un exemple de ce qui arrive à tous les sauvés. Le salut est un rapport: il n’y a pas de salut si celui-ci n’est pas reçu, s’il ne rencontre une réponse dans l’action de grâces. La passivité devant la grâce, le «se laisser faire » de la foi devant elle, fonde une activité nouvelle: la disponibilité se fait obéissance -. La docilité au Saint-Esprit devient active. La passivité n’est jamais totale: la réceptivité elle-même devient active dans un temps second. Mais toute réponse est à la fois l’œuvre de la grâce de Dieu et de la liberté de l’homme suscitée par la grâce. Le fait exclusif de l’homme, c’est le refus de la grâce.

220. Mais ici une distinction s’impose: l’accueil n’est pas une oeuvre. Celui qui reçoit un cadeau n’est pour rien dans l’initiative du cadeau. Mais le cadeau n’est pleinement cadeau que s’il est reçu. En rigueur de terme, il n’y a pas de cadeau si le destinataire ne l’accueille pas. Il n’y a plus alors qu’une offre de cadeau. Le donateur a en quelque sorte besoin du donataire pour qu’il y ait cadeau. Un cadeau est une sorte d’invocation que le donateur fait au donataire. La réponse au cadeau fait partie du cadeau. Le don de Dieu qui est le Christ en personne se soumet à cette loi du libre accueil: « Que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes et vous n’avez pas voulu ! » (Mt 23, 37). Augustin dira plus tard: « Celui qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi. » (Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints, Groupe des Dombes, Bayard Editions pp 116-117)

[2] Mt 18.23-35

[3] Un fait vécu. Une jeune femme, aînée de 21 enfants, accouche de son premier garçon (elle en aura 6). Elle partage la chambre de la maternité avec une fille de 16 ans qui a refusé de voir l’enfant qu’elle avait enfanté. Son seul commentaire est celui-ci : « Et avec ça, ces petites crevures, ça vous fait encore mal en arrivant ». Cas extrême de l’enfant non voulu ni accueilli. L’enfant Dieu ne pouvait être accueilli avec la moindre ombre de réticence.

[4] Bernanos : Journal d’un curé de campagne.

[5] Lc 1, 28

[6] « … celle qui est façonnée et formée comme une nouvelle créature par l’Esprit-Saint » (…quasi a Spiritu Sancto plasmatam novamque creaturam formatam.) LG §56, qui reprend une citation de St Germain de Constantinople.

[7] Péguy

[8] Jn 1,1

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