Adèle et l’Eglise

Nos fondateurs sont différents par la formation. Guillaume Joseph Chaminade était prêtre, il avait donc fait des études de théologie. De lui, nous pouvons trouver de nombreux écrits sur l’Eglise. Adèle était une jeune fille qui avait reçu sa formation humaine et chrétienne de sa mère puis de monsieur Ducourneau, ancien séminariste, engagé au château comme précepteur de son frère, et à qui elle demanda un ‘Règlement de vie ». Elle n’a pas écrit de traité de théologie.

Si nous voulons savoir quel regard Adèle porte sur l’Eglise, ce qu’elle en reçoit et comment elle vit dans l’Eglise, il faut ouvrir sa correspondance.

Celle-ci couvre presque 25 années de sa courte vie. La première lettre que nous avons est datée du 2 février 1805, Adèle va sur ses seize ans. La dernière lettre est écrite le 28 novembre 1827, six semaines avant la mort de la fondatrice. Sa correspondance comprend 737 lettres : avant la fondation, 304 lettres, 403 après la fondation des Filles de Marie.

Je vous emmène donc dans une promenade guidée à travers sa correspondance, j’y ai fait des découvertes que je suis heureuse de vous partager.

Adèle est enracinée dans l’Eglise par le baptême et la confirmation

La première lettre est adressée à Agathe Diché. C’est au jour de sa confirmation, le 6 février 1803, qu’Adèle a rencontré pour la première fois Jeanne et Agathe Diché, qui habitent Agen. Adèle et Jeanne se sont liées d’amitié et à l’instigation de M Ducourneau, elles ont fondé en août 1805 une « petite société » qui est une association de prières pour se préparer à la bonne mort. Le but est de se soutenir par la prière, de s’encourager à vivre les vertus chrétiennes et d’être apôtres en attirant d’autres membres.

Jeanne Diché se marie au printemps 1805. Adèle craint pour l’avenir de sa petite société, mais déjà elle s’est tournée vers Agathe, la sœur de son amie, qui intègre la petite société.Relisons la première lettre adressée à Agathe Diché, le 2 février 1805, elle fait référence au sacrement de la confirmation qu’elles ont reçu le même jour : « Ce qu’il ne faut cesser de nous inculquer, c’est l’amour de Dieu.Le jour où vous recevrez ma lettre est le jour où cet amour du Père et du Fils qui est le St Esprit est descendu sur nous.Conservons la mémoire d’un jour si heureux pour nous.Tâchons de rallumer, si nous avions eu le malheur de l’éteindre, le flambeau de l’amour divin que le Saint Esprit vint en ce jour allumer dans nos cœurs…»

Cette jeune fille qui n’a pas encore seize ans est habitée par un véritable dynamisme apostolique enraciné dans sa confirmation. En 1811, elle écrit encore à la même correspondante : «  Relevons notre courage. Cette vie est une guerre continuelle : il faut vaincre ou périr ! Ne laissons pas lâchement les armes, mais combattons comme de vaillants soldats. Nous avons été revêtues de sa force à la confirmation dont nous allons bientôt célébrer l’anniversaire, le 6 février. Demandons en ce jour le don de Force ainsi que tous les autres et n’oublions pas de réfléchir sur ce sacrement et sur tous les devoirs qu’il nous impose de mépriser tout respect humain et remercions le Seigneur de nous l’avoir fait recevoir. » ( lettre 147)

Adèle fait aussi mémoire de son baptême, reçu le jour de sa naissance, le 10 juin 1789. « Le jour où vous recevrez ma lettre, très chère amie, est le jour anniversaire de mon baptême.Quel beau jour pour moi, que celui où j’ai acquis en cette qualité, un droit à l’héritage céleste. […] Oh ! l’heureux engagement que nous avons pris dans notre baptême.Renouvelons-le de tout notre cœur ; engageons-nous tout de nouveau dans l’amour et le service du Bon Dieu ; marchons sous l’étendard de la Croix. » (lettre 104 à Agathe Diché, le 8 juin 1809)

Adèle a une vive conscience de la grâce qu’est le baptême, lui qui nous fait enfant de Dieu et de l’Eglise : « Quelle grâce que celle du baptême! Pourrons-nous jamais assez la reconnaître ! Elle nous rend enfants de Dieu et de l’Eglise, héritiers du paradis, frères de Jésus Christ. » ( Lettre 270, A Agathe Diché 8 juin 1815)

Les sacrements de l‘Eglise ont véritablement nourri l’existence d’Adèle. Non seulement le Baptême et la confirmation auxquels elle se réfère souvent mais aussi le sacrement de l’Eucharistie qu’elle aspire à recevoir. Il est source de force : « Trouvez votre force dans l’oraison et la sainte communion.Votre impuissance sera le siège de la Toute Puissance du Seigneur.Il regardera votre bassesse et fera son oeuvre en vous et par vous » écrit-elle à une sœur, le 24 décembre 1824.

Adèle aime l’Eglise dans une époque troublée

Adèle aime l’Eglise. Elle exprime à plusieurs reprises le ‘bonheur d’y être née’. En novembre 1806, Jeanne Diché, devenue Madame Belloc a rejoint Adèle à Trenquelléon et elles ont fait une courte retraite sous la direction du Père Larribeau, curé de Lompian, devenu le responsable de la petite société. Adèle donne ses impressions à Agathe : « Il nous fit la méditation sur l’Eglise, sur le bonheur incomparable d’y être nées ».

« Que cette fête (l’Epiphanie) nous remplisse d’une sainte joie puisque c’est le jour où les Gentils, dont nous sommes descendues, ont été appelés dans le giron de l’Eglise.Témoignons à Dieu notre reconnaissance de ce qu’il nous a choisies parmi tant d’autres qui n’ont pas le même bonheur, pour nous faire naître dans la véritable Eglise, hors de laquelle il n’y a point de salut. » (A Agathe Diché, 5 janvier 1813)

Adèle fait peu d’allusions à la situation de l’Eglise qui se relève avec peine de la tourmente révolutionnaire et passe avec la société qui l’entoure par des soubresauts, des alternances de paix et de guerre. En 1815, au moment où Napoléon, quittant son exil de l’Ile d’Elbe, rentre en France, l’oppression religieuse reprend, le Père Chaminade est assigné à résidence et doit cesser toute correspondance avec Adèle. Elle note simplement : « Prions, prions pour la religion surtout : elle se trouve dans un moment bien critique, mais la promesse de Jésus Christ à son Eglise ne se démentira pas. » (Lettre 265). Les événements politiques obligent Adèle à suspendre ses projets. Elle écrit : « Oh ! oui chère amie, qu’Il nous la donne cette paix si désirable, cette paix qui ne dépend ni des évènements ni de rien dans le monde, cette paix intérieure qui vient d‘une âme parfaitement soumise à la volonté de Dieu et qui reçoit tout de sa main. Il sait tirer le bien du mal ; il ne tombe pas un seul cheveu de notre tête sans sa permission ; il sait mieux que nous ce qui nous convient. Il ne borne pas sa pensée au temps ; c’est pour l’éternité. Au lieu que nous, aveugles, ne pensons qu’au temps présent… J’ai besoin de ces réflexions chère amie, car mon cœur est plongé dans l’amertume sur différents sujets. » (Lettre 264. 6 avril 1815)

A travers ses fondations le but d’Adèle est de servir l’Eglise.

Adèle travaille pour l’Eglise en développant la Congrégation* (ce mot désigne toujours à l’époque d’Adèle et dans cette intervention les groupes de jeunes filles ou de femmes qui ont pris la suite de la petite société. On dirait aujourd’hui : fraternités ou CLM).

Extension géographique de la Petite Société

Depuis 1805, date de la fondation de la Petite société, celle-ci n’a cessé de se développer et lorsqu’en 1808, Adèle et le Père Chaminade entrent en relation, la petite société s’étend dans toute l’Aquitaine, de la Charente aux Pyrénées. De 7 membres en 1805, la congrégation en compte 60 en 18O8, date à laquelle Adèle entre en relation avec le Père Chaminade.

Mélanie Figarol, une des premières associées a dû suivre ses parents à Tarbes, elle va y implanter la congrégation.Adèle lui écrit pour l’encourager : « Nous faisons des voeux au Bon Dieu afin qu’il bénisse vos désirs et vos travaux, […] que vous parveniez à planter les étendard de l’auguste Marie dans la ville de Tarbes et de Marciac ; qu’un grand nombre de jeunes personnes viennent se ranger sous ses bannières sacrées et renouvellent par leur ferveur les beaux jours de l’Eglise naissante […] Nous ne faisons qu’une famille. Ne formons qu’un coeur et qu’une âme qui soit à Dieu seul, occupé sans cesse à l’aimer et à le faire aimer. » (Lettre 325 A Mélanie Figarol, 4 mai 1818)

Accueil de prêtres, initiatives auprès d’une autre fondatrice

Très vite la petite Société accueille des prêtres comme associés. En mai 1818, le Père Chaminade séjourne à Agen et reçoit plusieurs congréganistes. Adèle écrit : « Nous eûmes le samedi auparavant une belle réception de congréganistes.Trois prêtres furent reçus dont Mr Passenaud… »

Adèle a pour les prêtres un grand respect et son attitude est guidée par la foi ; souvent ses lettres traduisent son estime pour leur ministère, spécialement la célébration de l’Eucharistie, le sacrement du pardon ; elle prie pour eux et donne beaucoup d’importance à la messe qu’ils célèbrent pour la petite société. A propos de l’homélie, elle invite ses correspondantes à « faire abstraction de l’homme pour ne voir que Dieu dans ses ministres ; […] ouvrons les yeux de la foi et écoutons la Parole de Dieu comme Parole de Dieu et non de l’homme et alors l’instruction la plus ordinaire profitera à notre âme. » lettre 613

En 1819, Adèle prend l’initiative d’écrire à Mère Emilie de Rodat, fondatrice des sœurs de la Sainte Famille et  l’invite à créer la congrégation à Villefranche de Rouergue. « Notre principale œuvre est la formation et le soutien des Congrégations.Vous ne sauriez croire le bien que produisent ces congrégations ! Nous les divisons en plusieurs réunions : les mères de famille et les demoiselles âgées forment une classe ; les jeunes personnes une seconde ; les filles de service une troisième.Tout cela est bien la même congrégation mais nous les réunissons séparément parce que les instructions doivent être un peu différentes quelquefois…Ces congréganistes ont pour nous une grande confiance..elles nous font part de leurs petites peines.Nous sommes obligées de les voir souvent, car nous les dirigeons pour ainsi dire. C’est sous la protection de la sainte Vierge. …Je suis entrée dans ces détails dans le désir bien vif que j’ai qu’on pût établir cette chère congrégation à Villefranche ! » lettre 334

Deux ans plus tard, dans une autre lettre à Mère Emile de Rodat, elle écrit : « Donnez-moi des nouvelles de la Congrégation, de vos réunions ; vous ne devez pas douter combien je m’y intéresse. Depuis l’âge de seize ans, le bon Dieu m’a confié cette mission et la Sainte Vierge a bien voulu m’employer à lui composer une famille ; aussi mon grand attrait est-il la Congrégation ! Le véritable secret de la congrégation est de former des âmes remplies du zèle du salut du prochain et de la gloire de Dieu qui, chacune dans son état, soient de petites missionnaires parmi leur famille leurs amies, leurs voisines. Nos Congréganistes ont bien pris cet esprit. » lettre n° 425

La Congrégation : Une famille unie par l’amour du Seigneur et pour sa gloire

Dans ses lettres, Adèle revient sans cesse sur la nécessité d’être unies, de ne former qu’un coeur et qu’une âme. En 1807, dans une lettre à Agathe Diché –mais nous savons que les lettres passent d’une associée à l’autre- on trouve cette invitation : « Je voudrais que nous fussions toutes unies dans un même cœur et un même esprit pour travailler à la gloire de notre bon Maître Jésus […] Il est sûr que cette société ne s’est pas formée d’elle-même, une main invisible nous a réunies pour des desseins qui nous sont encore cachés. Le Seigneur en attendant répand abondamment ses bénédictions sur l’humble troupeau en permettant qu’il grandisse si visiblement. » (lettre 85)

A une nouvelle associée, Joséphine Abeilhe, elle écrit en 1814: « Oui, ma chère sœur, nous ne formons plus qu’un coeur et qu’une âme : qu’ils soient à Dieu seul. […] Que ce ne soit plus nous qui vivions mais Jésus Christ en nous. » (lettre 235)

« Il y a un talisman dans la congrégation, qui unit les coeurs et ce talisman c’est l’amour de Jésus et de Marie, le zèle de leur gloire. » (lettre 324)

Communion des saints

Adèle va se mettre au service de l’Eglise en fondant l’institut religieux des Filles de Marie

Amélie de Rissan est une des premières associées.Elle est habitée le désir d’entrer dans l’institut dont Adèle prépare la fondation, celle-ci lui en indique le but : « Vous savez, chère amie, que nous devons être comme de ‘petits apôtres’, établis comme de ‘petits essaims’ ? Rendons-nous dignes de cette glorieuse vocation où le Seigneur nous appelle malgré notre indignité. » A Amélie de Rissan le 1er juin 1814

C’est pour en faire des apôtres qu’elle prendra soin de la formation des novices. Une lettre du 4 mars 1826 se termine par ces mots pleins de tendresse et d’ardeur apostolique: « Adieu, chères enfants de mon coeur, il me tarde de pouvoir vous envoyer comme de petits apôtres, à la conquête des âmes dans tous les lieux où la Providence voudra bien nous appeler.» Et nous connaissons bien sa prière : « O mon Dieu, mon cœur est trop petit pour vous aimer mais il vous fera aimer de tant de coeurs que l’amour de tous ces coeurs suppléera à la faiblesse du mien »

Dès 1817, une nouvelle branche, le Tiers ordre, se structure, « il est formé des congréganistes les plus ferventes qui tout en demeurant dans leur milieu poursuivent les mêmes fins que l’institut et se consacrent à l’apostolat en suivant les directives reçues de l’institut. » (L’héritage d’Adèle de Batz de trenquelleon. page 175). Adèle les présente comme des « vierges consacrées à Dieu qu’il faut mener sur le sentier de la vie parfaite, ce sont des âmes appelées à faire dans le dehors ce que nous ne pouvons pas faire vu notre clôture. » (lettre n° 453 du 8 septembre 1821) . C’est pour le bien de l’Eglise que Sr Dosithée prépare des jeunes filles à entrer dans le Tiers Ordre séculier: « Soignez bien cette pépinière précieuse d’où sortiront, j’espère, des plants précieux qui porteront des fruits dans le jardin de l’Eglise. » n° 474.

Devenue fondatrice, elle parlera de la prière des religieux comme d’une dette envers l’Eglise : Sa communauté va adopter l’Office de la sainte Vierge ; « Je m’en réjouis, écrit-elle, car j’aime bien la psalmodie et puis c’est une dette de l’état religieux envers l’Eglise. » N°606

En conclusion

L’exemple d’Adèle nous stimule à faire mémoire de notre propre baptême, de notre confirmation, à prendre conscience du don qui nous a été fait. Cette source vive veut continuer à irriguer notre vie. Mais il faut parfois la désensabler, ôter les pierres qui obstruent le puits. A l’école d‘Adèle laissons jaillir en nos vies la source de notre baptême et de notre confirmation, puisons notre force dans les sacrements de l’Eucharistie et du pardon. C’est de l’Eglise et en Eglise que nous les recevons.

Adèle expérimente que la vie chrétienne est un combat, qu’il n’est pas toujours facile de témoigner du Christ et que parfois la peur peut nous fermer la bouche. Tous nous en faisons l’expérience. Adèle nous dit où puiser pour être des témoins joyeux dans le contexte qui est le nôtre. Elle nous dit de ne pas craindre le combat !

Elle nous invite à être inventifs, à trouver de nouveaux moyens pour dire la bonne nouvelle à ceux que le Seigneur met sur notre chemin, à ne pas rester seuls pour vivre notre foi. Elle invite nos fraternités à grandir, à être de véritables cellules d’Eglise où la foi se partage, se nourrit, et d’où elle rayonne. Elle nous dit d’oser aller aux frontières, aux périphéries, comme le dit notre pape François.

« L’évangélisation obéit au mandat missionnaire de Jésus : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 19-20a). Dans ces versets, on présente le moment où le Ressuscité envoie les siens prêcher l’Évangile en tout temps et en tout lieu, pour que la foi en lui se répande en tout point de la terre. N°19

Aujourd’hui, dans cet “ allez ” de Jésus, sont présents les scénarios et les défis toujours nouveaux de la mission évangélisatrice de l’Église, et nous sommes tous appelés à cette nouvelle “sortie” missionnaire. Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile ». 20.

« Dieu, par pure grâce, nous attire pour nous unir à lui.[ Il envoie son Esprit dans nos cœurs pour faire de nous ses fils, pour nous transformer et pour nous rendre capables de répondre par notre vie à son amour. » La joie de l’Evangile n°112

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