Développement des filles de Marie

Développement des filles de Marie au travers des lettres de mère Adèle (1816 – 1828)

« Bâtir sur la croix »

Vendredi 25 juillet 1817

9 heures du soir ! Au « petit couvent », à Agen, les portes sont fermées. Mgr Jacoupy, l’évêque du lieu en a décidé ainsi par crainte des représailles possibles de la part d’un gouvernement ombrageux à l’égard de la vie religieuse.

Les portes sont fermées, pourtant, dans la chapelle, les sœurs sont à la joie. Que se passe-t-il ? Une à une, neuf femmes vont passer au confessionnal, et là, dans le secret, elles vont s’engager à jamais dans l’Institut des Filles de Marie. Entre les mains du Père Chaminade, Mère Adèle et huit de ses compagnes vont faire les cinq vœux de pauvreté, chasteté, obéissance, clôture et enseignement pour la conservation des mœurs chrétiennes et la foi catholique. Elles se trouvent ainsi unies pour toujours au « Céleste Epoux », comme elles aiment à dire. Joie tant attendue ! Joie intime au plus profond de l’être ! Joie silencieuse qui va demeurer le secret du Roi.

Mais qui sont ces femmes ?

Il y a, bien sûr : Adèle de Batz de Trenquelléon : Mère Marie de la Conception et avec elle

  • Clémentine Yannash : Mère Marie Thérèse
  • Marie-Madeleine Cornier de Labastide : Mère Saint Vincent
  • Jeanne Lion : Mère Saint Esprit
  • Pauline Yannash : Mère Saint Sacrement
  • Agathe Diché : Mère Marie du Sacré Cœur
  • Rosalie Lhuillier : Mère Marie Emmanuel
  • Catherine Isabelle Moncet : Sœur Anne
  • Françoise Arnaudel : Sœur Saint François

Enfin Marie Poitevin, Mère Louis de Gonzague, qui est novice et ne fait que des vœux temporaires.

Deux jours plus tard, le dimanche, le Père Chaminade revêt deux postulantes de l’habit religieux. Il s’agit de Rose Gatty, Mère Dosithée, et Virginie Maréchal, Mère Sainte Foy… Le « cher projet » se voit réalisé.

Comment s’organise cette première communauté

Pénétrons à l’intérieur du couvent de l’Immaculée Conception et observons la manière dont vit cette nouvelle communauté.

  • A 5 h, c’est le lever. En silence, dans le dortoir (n’avoir pas sa chambre personnelle est une façon de vivre la pauvreté) chacune se prépare, fait son lit. Suit le temps de la prière et de l’oraison.
  • A 6 h, les Pater du Scapulaire
  • A 7 h, le Petit Office du Sacré-Cœur de Marie précède la Messe. (La communion est de règle les dimanches et jours de fête. Elle est fréquente pour l’ensemble des sœurs – cf. lettre à Emilie de Rodat ; 3.12.1819 -. C’est le confesseur qui règle les communions pour chaque sœur.)
  • Après la messe,    d’h de lecture ou d’action de grâce pour celles qui ont communié.
  • De 9 h à 11 h 30, classes.
  • ¼ h d’examen suivi du repas et de la récréation jusqu’à 14 h.
  • De 14 h à 17 h : classes.
  • A 17 h 30, ½ heure de méditation.
  • A 18 h 45, le chapelet.
  • A 19 h 30 le souper et la récréation qui s’achève à 21 h 15.

Enfin, pour conclure la journée, ¼ h d’examen (exercice auquel Mère Adèle et le Père Chaminade attachent une grande importance) et la prière du soir et le point d’oraison pour le lendemain. (cf. lettre à Emilie de Rodat 29.9.1819)

Voilà pour le cadre de la journée. Mais peut-on connaître un peu l’esprit qui anime ces religieuses ?

Elles sont venues là pour vivre le radicalisme de leur consécration au Seigneur, au Divin Epoux, comma aime à dire Mère Adèle et cela en union profonde avec Marie. Mère Adèle exprime bien, me semble-t-il, cet esprit au travers de cette lettre qui se veut orientation pour vivre l’Avent, mais qui dépasse ce temps liturgique. Ecoutons-la :

« Nous allons entrer dans l’Avent. (…) Je vous propose de nous tenir en esprit avec notre divine Mère, d’imiter son recueillement et l’attention qu’Elle avait de s’entretenir avec son divin Fils qu’Elle portait dans ses chastes entrailles. Faisons mieux nos prières, nos méditations, gardons mieux la présence de Dieu, multiplions nos oraisons jaculatoires.

« Dans l’esprit de l’Eglise, faisons beaucoup d’actes de désir envers notre divin Libérateur, sentons le besoin que nous avons de Lui ; tenons-nous aussi souvent dans le sein de Marie avec le céleste Enfant ; admirons les exemples que son amour nous prodigue, d’humilité, d’obéissance, de charité, et tâchons de L’imiter en quelque chose.

« Jésus naissant, Jésus dans le sein de Marie est modèle de la vie religieuse. Il y pratique l’obéissance, la pauvreté, la chasteté, la clôture, l’enseignement, les cinq voeux que nous faisons. Oh ! Demandons-Lui bien la grâce de les accomplir fidèlement. » (Lettre à Mélanie Figarol 27.11.1818)

Pratiquer l’obéissance, la pauvreté, la chasteté, la clôture, tout cela peut fort bien se vivre à l’intérieur du couvent et ne différencie en rien ces religieuses des moniales ; par contre, l’enseignement pour la conservation des mœurs chrétiennes et de la foi catholique, tel est bien le vœu qui fait des Filles de Marie des religieuses apostoliques :

« Etant si dévouées au salut du prochain, il est difficile d’employer beaucoup de temps à la prière. (les Filles de Marie y consacrent malgré tout environ quatre heures et demie par jour, mais Mère Adèle, ne l’oublions pas, a d’abord pensé au Carmel) Au reste, nous avons toujours silence, hors la récréation et les instructions. Le travail manuel nous est commandé très rigoureusement, et plus impérativement que la prière. » (Lettre à Emilie de Rodat du 29.9.1819)

Cet esprit intérieur favorisé par le travail manuel et ranimé constamment par la retraite mensuelle le deuxième vendredi du mois et la retraite annuelle de huit jours, actuellement prêchée par le Père Chaminade (cf. Lettre à C. de Lachapelle – 7.5.1818), en été au moment du renouvellement des vœux, est le dynamisme d’où jaillissent les diverses activités apostoliques des Filles de Marie. L’amour du « Céleste Epoux » les rend inventives et leur fait découvrir les multiples manières de répondre aux besoins des femmes de leur temps depuis les plus jeunes jusqu’aux plus anciennes.

Les activités apostoliques des premières Filles de Marie

Fondées en vue de poursuivre l’œuvre de la Congrégation, il n’est pas surprenant de constater que celle-ci occupe une place privilégiée par mi les activités des Filles de Marie.

« Depuis l’âge de 16 ans, écrit Mère Adèle, le Bon Dieu m’a confié cette mission et la Sainte Vierge a bien voulu m’employer à lui composer une famille, ainsi mon grand attrait est-il la Congrégation. » (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 20.2.1821)

C’est pourquoi très vite la Congrégation s’organise. Trois groupes se mettent en place « elle est divisée ici (à Agen) en 3 fractions : les mères de familles appelées « Dames de la retraite », les jeunes personnes et les filles de service. » (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 29.9.1819)

C’est Mère Adèle qui s’occupe des jeunes personnes :

« Nos réunions sont très nombreuses. Je fais des conférences, avec la chère Amélie (qui fera partie du Tiers Ordre Séculier d’Agen), à nos jeunes personnes. Cela les intéresse (…) il y a un zèle admirable pour les réunions. » (Lettre à C. de Lachapelle – 6.9.1816)

En cela, elle est aidée par Mère Emmanuel qui devient rapidement son bras droit pour la Congrégation :

« Le dimanche matin, depuis 10 h 30 jusqu’à 11 h, je tiens, avec Sr Emmanuel, l’assemblée des jeunes personnes Congréganistes reçues, et le soir, est l’assemblée de zèle, ou générale. Nous tenons la première assemblée très familièrement et en espèce de conversation » (Lettre au Père Chaminade – 16.8.1817)

Mère Marie Thérèse, elle, s’occupe d’un groupe de jeunes filles qui se préparent à faire partie de la Congrégation :

« La sœur Thérèse réunit une petite fraction préparatoire et tous les dimanches, sous le figuier, des jeunes filles depuis 10 jusqu’à 15 (…). Ce sera une pépinière de Congréganistes toutes formées. Il se fait un bien incalculable par le moyen de cette Congrégation, jamais je ne l’aurais cru ! » (Lettre à C. de Lachapelle – 9.9.1816)

Quelle joie lorsque le 3 octobre, Mère Adèle peut dire à son amie Charlotte de Lachapelle :

« Nous avons reçu, hier, la permission de recevoir les enfants de la première communion. Nous sommes toutes contentes ! » (Lettre à C. de Lachapelle – 3.10.1816)

C’est la chère Madame Belloc (Jeanne Diché) qui suit plus spécialement les « Dames de la retraite », mais pour ce faire elle reste très en lien avec la communauté, partageant sa prière, parfois même la retraite.

Avant de continuer de passer en revue les différentes activités des sœurs qui composent la communauté, voyons ce qui se vit dans la Congrégation et comment elle fonctionne.
« Le véritable secret de la Congrégation est de former des âmes remplies du zèle du salut du salut du prochain et de la gloire de Dieu, qui, chacune, dans leur état, soit des petites missionnaires parmi leur famille, leurs amies, leurs voisines… » (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 20.2.18121)

Comment sont-elles missionnaires dans leur milieu, ces Congréganistes ? Les idées ne manquent pas : enseignement du catéchisme, accompagnement des enfants dans la foi après la première communion, instruction des pauvres chez eux, lectures aux malades, distractions pour les jeunes, attention aux personnes qui n’ont pas fait leur première communion, invitation à vivre des sacrements, prêt de livres… (cf. Lettre à Mère Marie-Thérèse – 22.1.1821 et Lettre à Mère Emilie de Rodat – 20.2.1821)

Le voilà bien, l’esprit des Fondateurs, du Père Chaminade en particulier, « multiplier les chrétiens ». Et cela s’opère par les chefs que les sœurs donnent aux Congréganistes. Ce sont eux qui permettent de multiplier l’action des religieuses :

« Il faut tâcher d’avoir de bonnes officières ; elles font une grande partie de notre travail et nous évitent une grande partie du soin. » (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 20.2.1821)

Quant à l’union entre les Congréganistes, elle est de première importance.

« Elle s’obtient peu à peu à force d’y exhorter, d’en faire voir la nécessité. Nous voyons ces jeunes personnes fort souvent. Elles viennent conter leurs petites peines… Nous sommes leurs mères ! Nous leur témoignons beaucoup d’amitié. » (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 29.9.1819)

Ainsi les Congréganistes trouvent-elles auprès des religieuses l’amitié, l’affection même, dont elles ont besoin pour vivre dans un monde où les valeurs de l’Evangile ne sont guère à l’honneur. Et pour que les rencontres soient plus agréables, nous avons vu que les assemblées se tiennent très « familièrement en espèce de conversation ».

De la sorte, en toute vérité, Mère Adèle peut constater :

« Notre principale œuvre est la formation et le soutien des Congrégations. Vous ne sauriez croire le bien que produisent ces Congrégations ! » (Lettre à Emilie de Rodat – 21.6.1819)

Mais revenons aux autres sœurs. Que font celles qui ne travaillent pas directement à la Congrégation ?

« C’est la sœur Saint Vincent qui tient (les classes) suivant les ordres du Père (Chaminade). Nous les avons commencé peu nombreuses et nous irons en augmentant… » (Lettre à C. de Lachapelle – 6.12.1816)

Il s’agit là des classes gratuites que les Filles de Marie ont prises en charge pour les petites filles pauvres d’Agen.

Il y a encore sœur Anne, c’est à elle que revient le soin de l’ouvroir. Il accueille des jeunes filles à leur sortie de l’école, leur procure une formation professionnelle, tout en les préservant de « la contagion du monde ».

Et puis il y a sœur Saint François, cette femme qui sait rejoindre les pauvres, leur parler. Elle fait même les instructions en patois pour se faire mieux comprendre.

« La soeur saint François réunit quatre fois la semaine les vieilles femmes ; elle en a à peu près une vingtaine très attentives, et des petites poulettes entre autres, de quinze à vingt ans, qui ne se sont pas confessées. Elle les catéchise, les moralise et les envoie aux pauvres confesseurs. Le bon Dieu bénit ses travaux. » (Lettre à C. de Lachapelle – 3.10.1816)

Dieu bénit en effet ses travaux puisque, non contente de cet apostolat, elle se donne bientôt à une nouvelle activité fort intéressante auprès des mendiantes :

« Tous les lundis, nous rassemblons les pauvres mendiantes qui sont si ignorantes. Une soeur (Sœur Saint François) leur fait une instruction en patois (…) Nous en avons une centaine. (…) Des pauvres femmes de quarante ou cinquante ans, qui n’ont pas fait encore la première communion, sont touchées, viennent se faire instruire, (…) Nous en avons une vingtaine qu’on prépare pour les envoyer à Monseigneur pour être confirmées. » (Lettre à Emilie de Rodat – 29.9.1819)

Toutefois, les sœurs ne prennent pas leur parti de la maladie, elles se tournent vers Celui à qui elles se sont consacrées, en qui elles mettent toute leur confiance :

« Voici le voeu que nous fîmes pour la soeur Emmanuel (c’est le nom de ma malade), de faire pendant un an, tous les mercredis, une communion et un jeûne en l’honneur de saint Joseph. Ainsi, chaque mercredi, un membre de la communauté jeûne et communie à cette intention. » (Lettre à Emilie de Rodat – 15.11.1819)

D’autre part, il s’agit de veiller sur les santés :

« Prenez garde que vos sujets ne fassent trop d’austérités ; ayez soin qu’elles mangent leur réfection ! (…) Nous devons tâcher de conserver et ménager nos sujets pour les faire travailler à la gloire de Dieu. » (Lettre à Emilie de Rodat – 15.11.1819 et 3.12.1819)

Autre sujet de préoccupation : les vocations qui se raréfient.

« Le Bon Dieu ne veut plus que nous ayons la satisfaction depuis quelque temps de pouvoir engager aucune postulante à l’habit ou à la profession » (Lettre au Père Chaminade – 11.3.18120)

Ce souci des vocations revient souvent dans ses lettres au long de l’année 1820 :

« Prions seulement le Maître de la Moisson d’envoyer des ouvriers car il y en a bien peu ! » (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 6.4.1820 et 27.4.1820)

Elle va jusqu’à inviter Monsieur Lacaussade à prier pour la communauté pour demander des vocations. (cf. Lettre à M. Lacaussade – 13.6.1820)

A tous ces soucis s’ajoute une gêne pécuniaire certaine :

« Votre argent, écrit-elle au Père Chaminade, n’étant pas arrivé et le billet de M. Fayet étant échu ce 1° janvier et l’ayant réclamé, nous venons d’être obligées d’emprunter 2000 francs. » (Lettre au Père Chaminade – 31.12.1819)

A l’époque, en effet, la communauté envisage l’achat d’une propriété « Les Augustins » à Agen et la fondation d’une seconde maison, à Tonneins. C’est lourd !

« On nous presse pour les paiements : 12 000 francs vont être exigibles, nous avons de l’inquiétude (…). Au reste, je ne me plains pas : on n’embrasse pas la pauvreté religieuse pour n’en ressentir jamais les effets ! » (Lettre au Père Chaminade – 27.4.1820)

Pour mettre un comble à ses épreuves de toutes sortes, une campagne de discrédit s’abat sur la jeune communauté et en particulier sur sa supérieure. Est-ce dû à cette gêne financière, est-ce l’opposition entre catholiques et protestants (la propriétaire de la maison de Tonneins est protestante), toujours est-il qu’au moment où, à Tonneins, on apprend pour qui Monsieur Lacaussade fait les démarches, la propriétaire ne veut plus vendre.

« Mon cœur est dans la tristesse et la douleur en voyant la mauvaise tournure de l’affaire de Tonneins. Je vous avoue que je n’y vois qu’une manigance de l’enfer. » (Lettre à M.Lacaussade – 9.7.1820)

Les médisances atteignent même le frère d’Adèle qui se voit obligé de lui écrire. Elle en avertit Monsieur Lacaussade en ces termes :

« J’ai demandé à mon frère (…) de vouloir bien, dans une lettre, reconnaître qu’il m’est redevable de ces sommes (72 000 francs) mais une intrigue, que je ne comprends pas, ayant jeté dans ma famille des inquiétudes en lui disant que cette affaire de Tonneins me ruinerait, il est certain que je ne puis demander à mon frère de me cautionner : son affection pour moi l’en empêcherait, pour ne pas contribuer à mon prétendu dérangement ». (Lettre à M.Lacaussade – 9.7.1820)

Tous ces soucis finissent par porter atteinte à sa propre santé et le Père Chaminade l’amène à diminuer ses activités, ce qui lui coûte énormément.

« J’obéis, mon Bon Père, mais avec un peu de peine… On m’a suspendu la réunion du dimanche matin des Congrégations et le catéchisme du jeudi, les lectures de table etc… J’espère cependant que ce ne sera pas pour longtemps. » (Lettre au P. Chaminade – 10.1.1820)

Le repos lui permet de se remettre mais elle a une rechute et, en mai, elle doit de nouveau s’arrêter. Avec l’été, sa santé se rétablit et elle a l’immense joie de voir le grain tombé en terre porter fruit.

« Notre Institut sera plus solide si, de bon cœur, nous savons le fonder sur la Croix. » (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 29.1.1820)

Ne faut-il pas le premier fruit de toutes ces épreuves dans la réponse accordée par Pie VII à la supplique que lui a présentée le Père Chaminade, le 18 janvier 1819 ? Dans cette supplique apostillée par Mgr Jacoupy, évêque d’Agen et Mgr d’Aviau, archevêque de Bordeaux, le Fondateur présente les Congrégations des deux sexes et ses deux récentes Fondations. En réponse, le 25.5.1819, pour le troisième anniversaire de la Fondation des Filles de Marie, le Pape accorde les quatre Indulgences plénières demandées :

  • pour l’émission des vœux,
  • pour le renouvellement annuel,
  • à l’occasion de la prière des Quarante Heures,
  • à l’article de la mort,

et il bénit les deux Instituts.

C’est de la part de l’Eglise une certaine reconnaissance du bien qui se fait et un encouragement à aller de l’avant : une source d’espérance sur la route.

Autre espérance : le transfert des religieuses aux « Augustins ». Le refuge est une propriété prise en location, où il est impossible de faire des agrandissements et entouré des deux côtés par le gourbaut, égout à ciel ouvert. Mère Adèle et ses sœurs aspirent à quitter cette maison pour les « Augustins » où « il y a un très beau jardin. (La maison est située dans un bon air, ce que n’est pas celle-ci) » – il s’agit du Refuge – (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 29.1.1820).

Le déménagement a lieu le 6 septembre 1820, à quatre heures et demie du matin.

Espérance encore quand, le lendemain, le Père Chaminade et Mère Adèle, accompagnés de six sœurs qui vont former la deuxième Maison de l’Ordre, se mettent en route pour Tonneins…

Le grain tombé en terre a porté fruit.

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« Aller jusqu’au bout du monde »

Dès le lendemain de la translation au couvent des « Augustins », Mère Adèle, avec six de ses sœurs, prend le chemin de Tonneins. Elles sont accompagnées du Père Chaminade, qui, depuis plusieurs mois, a mené les transactions pour l’acquisition de la maison. Ce ne fut pas chose facile, on l’a vu, mais enfin, Monsieur Faure Lacaussade a obtenu gain de cause : les Filles de Marie vont exercer leur influence dans cette petite ville à demi protestante.

Mais avant d’aller plus loin, demandons-nous à quoi répond la fondation de cette seconde maison de l’Ordre.

C’est tout simplement l’épanouissement du zèle apostolique qui dévore Mère Adèle.

Le zèle apostolique de Mère Adèle

Si elle fonde la « Petite Société », n’est-ce pas dans le but de faire connaître et aimer le Seigneur. Son cœur n’est-il pas tout à la joie quand elle constate que la « Petites Société » s’agrandit.

« Je pense que vous partagez la joie que nous avons que notre Société s’augmente. Je voudrais bien que la cousine dont vous ma parliez fut en état d’être admise. » (Lettre à A.Diché – 26.6.1806)

On sait comment, petit à petit, à la vue des immenses besoins des campagnes de l’Agenais, son zèle se fait inventif : catéchisme, visite des malades auxquels elle ne manque pas de parler de Dieu et de l’éternité, préparation aux sacrements, école où elle enseigne à lire et à écrire, mais aussi à connaître Celui à qui elle voue un amour passionné.

De même, elle ne laisse passer aucune occasion de stimuler ses associées : « Ranimons de plus en plus notre zèle puisque nous devons être des petits apôtres ». (Lettre à A. Diché -21.1.1813)

Lorsque le « Cher Projet » prend forme, on devine la joie profonde qui l’envahit. C’est ainsi qu’elle écrit à Agathe Diché :

« Mr Laumont vous aura, j’espère, fait voir une belle lettre que j’ai reçue de Mr Chaminade et qui nous marque le but de sa Congrégation : qui est d’être de petites Missionnaires, chacune dans notre état. Je vous avoue que ce terme m’exalte. Allons donc, ma chère amie, regardons-nous destinées à procurer par tous les moyens possibles, la gloire de Dieu et le salut du prochain. » (Lettre à A. Diché – 13.10.1814)

Dès lors on imagine sans peine l’écho que trouve, chez Adèle, ces lignes du Père Chaminade à Madame Belloc qui s’occupe de l’aménagement du couvent d’Agen, lui parlant de la mission des sœurs, il lui dit :

« Elles seront associées à l’œuvre de la Rédemption, participantes de l’esprit apostolique, brûlantes du zèle des missionnaires. » (Lettre du Père Chaminade n°63 – Février 1816)

Cela retentit dans son cœur et peu après, elle écrit à Charlotte de Lachapelle ces lignes qui seront un peu comme le refrain du dynamisme apostolique qui l’habitera toute sa vie :

« Que le Seigneur soit glorifié dans toutes nos œuvres ! Que la gloire de son Nom s’étende ! Que son aimable empire règne sur tous les cœurs ! » (Lettre à C.de Lachapelle – 29.2.1816)

Très vite, elle sent que son cœur est trop petit pour répondre à l’amour infini de Celui qui est tout Amour, alors elle trouve la solution :

« Oh ! Mon Dieu, on cœur est trop petit pour vous aimer, mais il vous fera aimer de tant de cœurs que l’amour de tous ces cœurs suppléera à la faiblesse du mien. » (Lettre à Mélanie Figarol – 4.5.1818)

Et lorsqu’en avril 1820, il est question de la fondation de Tonneins, elle se réjouit de pouvoir

« travailler à la gloire de notre bon Maître, de tâcher de Le faire connaître et de ramener à son bercail tant d’âmes que l’erreur et l’ignorance en éloignent. » (Lettre à M. Faure Lacaussade – 6.4.1820)

Elle sait ranimer le zèle au cœur de ses filles. Ainsi lorsque l’une d’entre elles, S. St François qui vient de participer à la fondation de Tonneins, regrette les pauvres femmes d’Agen qu’elle aimait et instruisait, Mère Adèle, avec affection, l’amène à voir large :

« Comment va votre cœur ? Allons, du courage ! A l’exemple de Xavier, brûlons de zèle pour le salut des âmes ! » (Lettre à Sr St François – 15.9.1820)

A Mère Thérèse, supérieure de Tonneins, elle envoie ce message enflammé :

« Allons, propageons-nous à la plus grande gloire de Dieu. Que le Nom du Seigneur soit béni, depuis l’Orient jusqu’à l’Occident ! Qu’il soit connu partout, aimé par tous les coeurs, servi par toutes les créatures ! » (Lettre à M. Thérèse – 23.8.1821)

Aucune trace d’étroitesse dans sa manière de voir. Elle est heureuse que l’Institut se développe, elle se réjouit de ce que les sœurs de la Sainte Famille, les sœurs d’Emilie de Rodat, élargissent leur champ d’action :

« J’ai vu avec consolation que vous vous étendiez pour procurer la gloire de notre commun Maître. Nous prions le Seigneur de bénir cette nouvelle ruche …

Oh! Ma chère sœur, n’ayons d’autre désir que celui-là : de nous consumer pour la gloire et l’honneur de notre Epoux! Que rien ne nous coûte pour Lui, Il a tant fait pour nous ! » (Lettre à Emilie de Rodat – 7.10.1822)

Et c’est bien pourquoi le vœu d’enseignement lui tient à cœur. Au sortir d’une retraite annuelle, elle écrit à Mère Marie du Sacré Cœur :

« Nous avons renouvelé notre voeu d’enseignement : brûlons maintenant de zèle pour faire connaître Jésus Christ. Soyons prêtes à aller partout pour Le faire aimer, à accepter tous les emplois, à sacrifier notre santé, nos goûts, nos répugnances, notre vie même pour accomplir cet aimable voeu. Soyons de vraies missionnaires. » (Lettre à M. M du Sacré Cœur – 18.10.1824)

A la même, elle écrit quelques mois plus tard :

« Dans notre Institut, il faut des âmes fortes et qui n’écoutent ni la chair, ni le sang. Nous devons avoir l’esprit apostolique, faire connaître et aimer notre céleste Epoux. Fût-ce aux extrémistes du monde et avec les sauvages, nous serions contentes de faire son œuvre ! » (Lettre à M. M du sacré Cœur – 21.3.1825)

La gloire de Dieu, le salut des âmes, tel est le but qu’elle poursuit et pour y parvenir, elle compte sur Marie à qui appartient l’Institut :

« Oh ! Faites germer et croître cette dévotion dans les coeurs de vos novices ! Marie est notre Mère, c’est en son secours que nous espérons pour le succès des fins de l’Institut ! Nous sommes à Elle. Il faut donc avoir pour Elle un coeur d’enfant, recourir souvent à Elle avec la confiance qu’inspire la plus tendre des Mères. (…) D’ailleurs, nous ne pouvons plaire à notre céleste Epoux qu’en aimant sa Mère qu’Il aime tant et qu’Il a rendue la Dispensatrice de ses grâces. » (Lettre à Mère Louis de Gonzague – 29.4.1825)

On comprend qu’animées par une supérieure si brûlant d’amour, les Filles de Marie se soient rapidement développées.

Fondations du vivant de Mère Adèle

Tonneins

C’est Tonneins, ville située sur la Garonne à quelque 40 km d’Agen, qui accueille la deuxième communauté des Filles de Marie. Voici en quels termes Mère Adèle écrit au Père Chaminade après que celui-ci lui ait fait part du projet de fondation :

« Quel sujet de bénir la Providence que ce champ ouvert au zèle de l’Institut ! Je mets ce grand projet sous l’intercession particulière de l’apôtre du Chablais, saint François de Sales. (…) Il me semble qu’il faut nous consumer pour parfaire cette oeuvre qui ouvre la porte de l’Eglise et du Ciel à tant d’âmes ! » Lettre au Père Chaminade – 6.4.1820)

Bien de son époque, Mère Adèle veut travailler à la conversion des nombreux protestants de Tonneins. Elle se tourne spontanément vers celui qui a été l’apôtre des protestants, Saint François de Sales. Qu’il accompagne de son intercession qui va exercer sa mission à Tonneins !

Deux mois plus tard, elle laisse entrevoir à Monsieur Faure Lacaussade sa hâte de voir les sœurs à l’œuvre :

« Il me tarde voir cet établissement en état de recevoir des sujets ! » (Lettre à M. F. Lacaussade – 10.6.1821)

Quelques semaines avant la fondation, on sent sa joie transpercer à travers les lignes qu’elle adresse à Mère Emilie de Rodat :

« Je vous apprendrai, ma chère amie, que nous sommes à la veille de faire partir un petit essaim de notre ruche pour en aller établir une autre (…) La maison est achetée, les réparations s’y font. (…) C’est à quatre lieues d’ici, dans une ville appelée Tonneins, qui est moitié protestante. Il y aura un bien immense à faire, si le Seigneur nous assiste, pour instruire le peuple, car le mélange avec les protestants doit nécessairement ébranler leur foi.

Les protestants ont des écoles pour les deux sexes, et où l’on instruit fort bien ; de sorte que c’était une tentation pour les mauvais catholiques d’y faire élever leurs enfants. Et jugez du danger que courait leur foi ! (…) Quel bonheur de travailler à y établir le règne de Jésus Christ ! Et si on pouvait ramener quelques brebis égarées dans le bercail, quel bonheur ! » (Lettre à Mère Emilie de Rodat – 3.8.1820)

Une fois la fondation effectuée, elle se félicite auprès de Mélanie Figarol, une Congréganiste, de ce que

« nos sœurs de Tonneins ont un grand champ de bataille (…) mais elles ont leur cœur brûlant d’amour pour Dieu et le désir de Le faire connaître et aimer. » (Lettre à Mélanie Figarol – 6.10.1820)

Les sœurs de Tonneins commencent à peine leurs activités apostoliques que déjà d’autres villes demandent des Filles de Marie (cf. Lettre à M. Figarol – 11.11.1820). Quelques mois plus tard, Mère Adèle rend grâce au Seigneur qui protège l’Institut et son développement :

« L’œuvre du Seigneur paraît vouloir s’étendre ; la bonté de Dieu protège l’Institut d’une manière toute particulière. Bénissons sa bonté ! » (Lettre à C. de Lachapelle – 27.8.1821)

Et à la fin de 1821, elle confie à Mélanie Figarol :

« Il paraît que le bon Dieu veut la propagation de notre Institut ; en divers endroits, on demande des maisons… Mais il faut encore du temps afin d’avoir des sujets assez préparés (Lettre à M. Figarol – 13.12.1821)

Et en 1827, à quelques mois de sa mort, c’est le même refrain :

« Il y a plusieurs établissement qui se présentent, s’il y avait des sujets. Hâtez-vous de former des chefs, c’est ce qui manque le plus. » (Lettre à M. Louis de Gonzague – 16.7.1827)

Projet de fondation en Alsace

Ces divers appels ne restent pas lettre morte. Ce serait mal connaître Mère Adèle que d’imaginer qu’elle pouvait ne pas faire tout son possible pour répondre à des demandes qui permettraient à ses Sœurs de faire connaître et aimer le Seigneur.

En juillet 1822, Mère Adèle fait part à Mère Emilie de Rodat d’un projet de fondation en Alsace :

« (Nos Frères) viennent de s’établir en Alsace. On y demande des Sœurs aussi ; je ne sais si cela pourra avoir lieu. Ce sera un grand adieu pour celles que l’obéissance y enverrait. Mais le Ciel nous réunira. » (lettre à Emilie de Rodat 3.7. 1822)

Un an après elle écrit encore à la même :

« On parle de la fondation en Alsace ; priez le bon Dieu que nous ne fassions rien que dans son esprit. » (lettre à Emilie de Rodat 12.11.1823)

Ces lignes sont suffisamment parlantes pour nous dévoiler la disponibilité, la foi et le zèle de Mère Adèle. Malgré ces dispositions, le projet n’aboutit pas et fin 1823, on parle d’une fondation plus proche.

Condom

Il s’agit de Condom, ville ou est née Charlotte de Lachapelle, Mère Marie de l’Incarnation. C’est au retour d’une cure à Bagnères de Luchon que Charlotte de Lachapelle, a faussé compagnie à celles qui l’accompagnaient pour rejoindre le couvent d’Agen. Ses parents, en effet, ne se sentaient pas le courage de lui donner la permission de devenir religieuse. Son père lui-même lui avait suggéré de prendre la fuite. C’est ce qu’elle avait fait. Ses parents ne voulant pas contrecarrer la vocation de leur fille mais souhaitant la voir plus proche proposèrent de financer l’achat d’une maison à Condom. Le Père Chaminade et Mère Adèle acceptèrent et le 16 juillet 1824, Mère Marie de l’Incarnation et ses compagnes prenaient possession de ce qui devenait la troisième maison de l’Ordre.

Condom, à 35 kilomètres au Sud-Ouest d’Agen regroupe déjà un certain nombre de Congréganistes actives qui se réjouissent de l’arrivée des Sœurs. Elles accueillent avec joie Mère Adèle et Père Chaminade venus installer la nouvelle communauté. Elles écoutent avec attention Mère Adèle qui les encourage à travailler de concert avec les Sœurs à la mission qui leur est confiée. Heureuse de ces contacts avec les Congréganistes, dont certaines ont appartenu à la « Petite Société », Mère Adèle regagne Agen et sa chère clôture. Dans quelques jours elle va partir ouvrir le noviciat de Bordeaux, nous y reviendrons plus loin.

Arbois

Tandis que l’Institut se développe dans le Sud-Ouest, la « branche masculine de l’Ordre », tout en s’implantant aussi dans le Sud-Ouest, répond à des appels venus de l’Est de la France. Et c’est ainsi que des jeunes filles, au contact des Frères, découvrent l’Institut et n’hésitent pas à quitter la Suisse, l’Alsace ou la Franche Comte pour venir se former à la vie religieuse auprès des Filles de Marie. Il n’était que juste, dès lors que, tôt ou tard, Mère Adèle et le Père Chaminade envisagent quelques fondations dans cette région. On l’a vu, la fondation d’Alsace à Eguisheim n’a pas abouti, mais voici, au début de l’année 1826, une nouvelle proposition : Monsieur Bardenet, missionnaire, qui a été curé d’Arbois plusieurs années, pense que l’ancien couvent des Capucins conviendrait parfaitement aux activités des Filles de Marie. Il en parle au Père Chaminade qui se rend sur les lieux et juge la fondation convenable, se concerte avec Mère Adèle.

Ensemble, ils arrêtent les sœurs qui partiront pour la lointaine fondation. Le moment venu, Mère Adèle se rend à Bordeaux, et c’est de là que la petite colonie de neuf sœurs et deux novices se met en route, le dimanche 28 octobre 1826, pour la lointaine Franche Comté. C’est un adieu éternel que la fondatrice adresse à ses filles. Depuis des mois, elle voit sa santé décliner, elle pressent qu’elle ne se rendra jamais aussi loin. C’est au Ciel que l’on se retrouvera. Voici les lignes qu’elle envoie à Mère Marie du Sacré Cœur, la veille du départ de la petite colonie d’Arbois :

« Nos chères partantes partent dimanche (…) Mon cœur est déchiré, mais on ne cesse de me dire de ne vivre que de la foi. (…) Ne nous plaignons pas, nos sœurs qui vont à 200 lieues font des adieux éternels sans doute. » (Lettre à M. M. du Sacré Cœur – 27.10.1826)

Dans la même lettre, elle demande à ses sœurs :

« Chaque jour une communion, un Sub Tuum et un Ave Saint Joseph et une prière à l’ange gardien pour les pauvres filles qui vont voyager si loin. » (Lettre à M. M. du Sacré Cœur – 27.10.1826)

Quelques jours plus tard, elle s’adresse à Mère Louis de Gonzague :

« Combien nos chères sœurs d’Arbois doivent-elles marcher dans le chemin royal ! Ne cessons de prier le Seigneur qu’Il les y soutienne et qu’Il les conduise par sa puissante protection. » (Lettre à M. Louis de Gonzague – 31.10.1826)

Certes, ce n’était pas rien que ce voyage et il fallut trois semaines aux voyageuses pour parvenir au but. Elles arrivèrent le 18 novembre, reçurent un accueil chaleureux de la ville et se mirent immédiatement à l’œuvre, une œuvre qui dépassait les prévisions. Ecoutons ce que Mère Adèle en dit à Mère Marie du Sacré Cœur :

« Enfin nos chères sœurs sont arrivées à Arbois bien portantes. On leur a fait l’accueil le plus flatteur, mais elles ont trouvé encore plus d’ouvrage qu’il n’y en avait d’annoncé. La supérieure est chargée en seul du pensionnat. Priez pour elle. (…) Elles sont écrasées par le travail : cinq classes ouvertes tout de suite sans s’être reposées. (Lettres à M. M. du Sacré Cœur – 9 et 12.12.1826)

Voilà donc les différentes fondations réalisées du vivant de Mère Adèle. A quelles activités se livrent les sœurs ?

Activités apostoliques des sœurs

Comme à Agen on retrouve la Congrégation avec ses réunions. Les sœurs sont à peine installées à Tonneins que Mère Adèle recommande :

« Il faudra vous faire une liste en règle des Officières, des Congréganistes, des inscrites etc… pour en faire faire l’appel par une Officière le dimanche. Il me tarde d’avoir des nouvelles de la réunion des Dames. » (Lettre à M. Thérèse – 15.9.1820)

Ce sont les classes gratuites avec l’enseignement mais aussi les catéchismes, la préparation aux sacrements.

C’est l’instruction des pauvres mendiantes, l’ouvroir. Mère Adèle suit le développement de toutes ces activités et donne des nouvelles de ce qui se vit à Agen :

« Nos classes vont bien et sont fort nombreuses ; les Congrégations se soutiennent bien. C’est l’ouvrage de Marie. (…)Tous les dimanches matins, la mère saint Vincent a une réunion de filles et femmes de Saint Hilaire – d’une lieue et demie – qui écoutent avec avidité la Parole de Dieu. Elle leur fait en gascon. Nous avons aussi à la couture plusieurs filles de la campagne qui réussissent bien. » (Lettre à S. M. Séraphine – 27.05.1825)

Ce sont, on s’en souvient, les besoins des campagnes qui ont modifié les projets de Mère Adèle, la conduisant à abandonner son idée du Carmel pour se lancer dans l’aventure d’une vie religieuse apostolique. La clôture et l’installation des premières communautés en ville ne lui font pas oublier ses chers villages. Et c’est pourquoi elle attache une grande importance au Tiers Ordre séculier. A Agen, il regroupe, autour de Madame Belloc, des Congréganistes ferventes « qui veulent marcher ensemble dans la voie des vertus chrétiennes et soutenir et accroître la Congrégation de leur sexe » (cf. Adèle de Trenquelléon par H. Rousseau – p 436). Les personnes qui en font partie font un noviciat puis émettent les vœux temporaires d’obéissance, de chasteté et de dévouement à l’Institut de Marie. Les mères de famille font les premiers et les derniers de ces vœux.

Dès 1821, à Tonneins, c’est Mère Dosithée qui en est chargée et Mère Adèle entretient une correspondance suivie avec cette sœur, insistant sur la mission de ces personnes qui prolongent et multiplient l’action des communautés :

« C’est une branche de l’Institut que le Tiers Ordre et l’Institut doit marcher sur les traces du divin Sauveur qui allait par les villes et les campagnes. » (Lettre à Mère Thérèse – 12.10.1821)

A toutes ces activités vient s’en ajouter une nouvelle à Condom : l’ouverture d’un pensionnat dont Mère Emmanuelle est chargée. De même dès leur arrivée à Arbois, les sœurs accueillent des pensionnaires.

Toutefois, ouvrir de nouvelles maisons, prendre en charge la Congrégation, les classes, l’instruction du peuple… suppose d’avoir des personnes formées et capables de répondre à la mission qui leur est confiée. C’est pourquoi, très tôt, on voit la jeune fondatrice se soucier de la formation des sujets. Elle y attache une grande importance, c’est dans ce but qu’elle souhaite ouvrir un noviciat à Bordeaux de façon à ce que les novices puissent se former « sous les yeux du Père Fondateur » (Lettre à M. Emilie de Rodat – 11.5.1824).

Pour la mission, une formation : le noviciat de Bordeaux

C’est dans ce but que quelques jours après la fondation de Condom, Mère Adèle et le Père Chaminade prennent la direction de Bordeaux pour y installer la nouvelle communauté. Le 26 juillet 1824, le noviciat débarque rue Mazarin. Mère Marie-Joseph, cousine de mère Adèle, est supérieure de la nouvelle communauté, tandis que Mère Louis de Gonzague prend ses fonctions de maîtresse des novices.

Que ce soit à la maîtresse des novices, que ce soit aux novices qu’elle s’adresse, c’est toujours la même insistance de Mère Adèle sur une formation solide qui tienne compte de l’apostolat de l’Institut. Qu’on en juge plutôt :

« Sentez (…) votre glorieuse destinée : former des épouses à l’Agneau de Dieu, des missionnaires destinées à aller un jour à la recherche des brebis du divin Pasteur. (…) Fatiguons-nous, à l’exemple de Jésus Christ à la recherche de la Samaritaine, ne craignons pas notre peine pour une si grande œuvre ! » (Lettre à M. Louis de Gonzague – 2.11.1824)

Et encore :

« Animez beaucoup vos novices au zèle de la gloire de Dieu ! Que cette pensée les excite à acquérir les vertus qui les rendront propres à la procurer et à s’adonner à l’étude, surtout de la religion. (…) Je vous recommande d’insister sur les catéchismes, sur les explications des vérités nécessaires au salut, sur l’explication des mystères, des commandements, des sacrements etc… »  (Lettre à M. Louis de Gonzague – 16.7.1827)

Quant aux novices et professes qui se trouvent à Bordeaux, elle leur écrit :

« Vous êtes la pépinière des petites missionnaires que le divin Maître doit ensuite répandre en divers lieux pour y faire son œuvre. (…) Vous êtes destinées à répandre la doctrine de Jésus Christ, associées aux fonctions apostoliques entrant dans le grand ouvrage de la Rédemption ! Mais combien faut-il que vous travailliez à devenir des saintes, car les apôtres qui ont converti l’univers ont tous été des saints ! » (Lettre à M. Marie-Joseph – 20.10.1824)

Enfin, aux novices qui se préparent à la profession, elle rappelle :

« Nouvel essaim d’apôtres de l’agneau, allez au sortir de votre retraite, à la conquête des cœurs pour en ravir au démon, au monde et les donner à Jésus. » (Lettre aux futures professes – 4.11.1825 et cf. lettre aux novices 4.3.1826)

A travers toute cette activité missionnaire, on perçoit bien les dispositions fondamentales qui animent Mère Adèle.

Dispositions de Mère Adèle

Foi et confiance dans la prière

Toutes les fondations sont accompagnées par la prière des Sœurs :

« Nous disons tous les jours un ‘Veni Sancte’ et une prière à Saint Joseph… » (pour Tonneins) (lettre à M. Emilie de Rodat 24.5. 1820)

Quand des difficultés semblent vouloir contrecarrer l’établissement de Tonneins :

« Je suis déterminée à continuer l’œuvre si bien commencé, espérant que la Providence soutiendra mon droit. C’est la gloire de Dieu que je veux chercher uniquement : Il sera mon protecteur. » (lettre à M. Faure Lacaussade 9.7. 1820)

Quelques années plus tard quand il lui faut se séparer de Sœur Nativité qui dirigeait la Congrégation à Agen :

« J’ai remis la Congrégation entre les mains de Marie (…) J’espère en Dieu et en Marie : c’est pour leur gloire. » (lettre à M. Louis de Gonzague 5.2. 1825)

De même lorsqu’un peu après l’arrivée à Arbois elle apprend que Mère Marie Joseph, atteinte de la fièvre typhoïde, est à toute extrémité, c’est en Dieu seul qu’elle cherche refuge, invitant toutes les Sœurs à faire violence au Ciel. (cf. lettre à M. Louis de Gonzague 26. 12. 1826)

Affection pour ses Sœurs

Elle aime et compte sur le Seigneur, Marie, elle aime chacune de ses Sœurs avec une tendresse toute maternelle qui s’intéresse aussi bien à leur croissance spirituelle qu’à leur santé physique.

« Tout m’intéresse venant de mes chères filles » (lettre à M.M. du Sacré Cœur 15.5. 1825), écrit-elle à Mère Marie du Sacré Cœur, son amie des premiers jours. Et elle recommanda à Sœur St. François, économe à Tonneins :

« Faites un examen particulier sur ce vœu de pauvreté. Il faut le nécessaire, mais ne rien accorder à la sensualité. Soignez cependant les santés : du laitage sucré ce Carême. » (lettre à S. St François 10. 3. 1821)

Mère Adèle stimule Mère Dosithée dans son activité auprès du Tiers Ordre séculier de Tonneins, tout en lui rappelant qu’elle doit marcher par les voies de l’humilité :

« Ma chère Dosithée, comme el faut que vous posiez un grand fondement d’humilité ! Car le moindre orgueil porterait un coup bien terrible en mettant obstacle aux grâces du bon Dieu. » (lettre à M. Dosithée 8.9. 1821)

Lors de la fondation de Tonneins, elle suggère à Monsieur Faure Lacaussade de proposer aux sœurs de Mère Louis de Gonzague, Congréganistes de la ville, de venir participer à l’aménagement des locaux. (cf. lettre à M.F. Lacaussade 25.8. 1820)

Intérêt pour les œuvres de l’Institut

Non seulement elle s’intéresse à chacune de ses Sœurs, mais encore elle voit les œuvres :

« Pressez l’achèvement de l’Ecole du peuple : c’est urgent !… Il me tarde d’avoir des nouvelles de la réunion des Dames. » (lettre à M. Thérèse 15. 9. 1820)

Trois semaines plus tard, elle demande à Mère Thérèse, à Tonneins depuis un mois :

« Avez-vous commencé les classes ? Comment va la réunion de bienfaisance ? (lettre à M. Thérèse 5.10.1820)

Et Mère saint Foy a droit à ce message :

« Mon cœur vous dit de bien faire aimer le bon Dieu par toutes vos élèves. » (lettre à M. Ste Foy 16.11.1820)

Le Tiers Ordre occupe une place privilégiée dans son cœur :

« Comment va le Tiers Ordre ? » (lettre à M. Dosithée 21.2.1821) « Je voudrais bien que le Père Larribeau dirigeât les Sœurs du Tiers Ordre (…) Le Tiers Ordre peut faire tant de bien s’il est bien dirigé ! (…) Je tiens à ce que ce petit noyau produise un arbre précieux pour étendre son ombre sur les campagnes. » (lettre à M. Thérèse 12.10. 1821)

Sens pratique

Enfin ce qui est frappant c’est le sens pratique dont Mère Adèle fait preuve lors de chaque fondation. Sa correspondance nous livre davantage de détails lors de la fondation de Tonneins, mais ce que l’on trouve à l’occasion des diverses maisons laisse bien entrevoir ce même réalisme.

Rien n’échappe à son souci maternel. Voici, par exemple, ce que nous lisons sous sa plume un mois avant l’installation des Sœurs à Tonneins :

« Comme nous voulons, à l’exemple de la fourmi, penser à l’entretien de nos sœurs pour cet hiver, je désirerais savoir le prix du bois à Tonneins. (…) Suivant le prix que vous nous marquerez, nous achèterons là-bas ou ici car, comme c’est la descente, le prix de port ne saurait être très considérable et nous calculerions. Nous vous demandons également le prix du vin, pour la même raison. » (Lettre à M. F. Lacaussade – 10.8.1820)

Quelques jours après elle adresse ces lignes à Monsieur Faure Lacaussade :

« Nous nous trouvons pour le moment bien embarrassées, aussi ne pourrons-nous acheter que l’indispensable nécessaire. Nous n’avons point d’échelle double ici ; nous comptons en demander une à nos ouvriers par-dessus le marché de nos ouvrages. Faites-en autant à ceux de Tonneins. Nous vous enverrons (…) un chauffe-lit, un réchaud, un panier à égout, une paire de chenets (…) Pour les carafes, nous ne nous en servons pas (…) Nous enverrons pour la chapelle : une custode, une pierre sacrée, deux aubes, deux ornements (…) Nous emballons le linge ; nous en envoyons peu, mais c’est ce que nous pouvons » (…) (lettre à M. F. Lacaussade 25.8.1820 et cf. 16.8.1820)

Telle est l’œuvre accomplie par Mère Adèle : en dix ans ses religieuses sont passées de cinq à cinquante. Il y a cinq communautés : un vaste champ d’action s’ouvre devant les Filles de Marie. A elles de mettre en œuvre le talent confié par le Père.

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« Tout pour la gloire de Dieu »

A travers la correspondance de Mère Adèle, nous avons pu suivre le développement des Filles de Marie à Agen et dans les communautés où elles ont essaimé du vivant de la Fondatrice. Dans cet article nous nous proposons de voir le souci que Mère Adèle a toujours porté de l’apostolat des campagnes et le partage spirituel qu’elle a vécu à travers les lettres adressées à Mère Emilie de Rodat, fondatrice des Sœurs de la Sainte Famille de Villefranche de Rouergue.

Le souci des campagnes

Adèle, jeune adolescente d’à peine treize ans, avait été très profondément marquée par le spectacle désolant qu’offraient les campagnes lors de son retour d’exil en France. La traversée des villages de Saint Sébastien à Feugarolles avait laissé dans le cœur de la jeune fille le désir de remédier de toutes ses forces à ce spectacle de désolation.

L’amour rend inventif. Adèle sut trouver des moyens variés pour subvenir aux misères matérielles, morales, intellectuelles et spirituelles qui l’environnaient : visite des pauvres, assistance aux démunis, école « à toute heure » pour les enfants des villages qui venaient au château pour apprendre à lire, écrire… Adèle mettait à profit ces multiples contacts pour parler du Christ et de sa Mère. Elle enseignait les rudiments de la foi, apprenait à prier et dans le même temps elle engageait avec force et conviction les associées à faire de même.

Comment dès lors imaginer qu’une fois religieuse elle ait pu oublier les besoins des campagnes ?

Oui, mais elle et ses compagnes avaient souhaité être de vraies religieuses et la clôture les retenait à l’intérieur du couvent. Certes, les Supérieurs, pour un besoin apostolique, pouvaient en dispenser momentanément mais en attendant la communauté se trouvait à Agen, en ville, éloignée des villages. Adèle n’était pas d’un tempérament à se tenir pour battue.

Elle avait formé les associées à être missionnaires là où elles vivaient ; de son côté, le Père Chaminade, à Bordeaux avait proposé aux Congréganistes les plus ferventes un « Etat » religieux dans le monde. Pourquoi dès lors ne pas engager des Congréganistes zélées dans un Tiers-Ordre, Madame Belloc, jeanne Diché, co-fondatrice de la « Petite Société » n’était-elle pas tout indiquée pour cela ? Mariée en 1805, mère de quatre enfants, elle avait perdu son mari en novembre 1812. Tout en s’adonnant avec amour à l’éducation de ses fils elle avait alors consacré son temps libre aux œuvres de bienfaisance et particulièrement à la création, à l’organisation et au développement de la Congrégation dans maints villages, ce qu’elle avait déjà commencé de faire du vivant de son Mari. En outre elle se sentait appelée à la consécration religieuse et elle percevait parfaitement ce que cela représentait. N’était-ce pas à elle que le Père Chaminade avait confié le soin de ranimer le courage des futures fondatrices en février 1816, peu avant la fondation :

« Soutenez, animez toutes nos Enfants par l’espoir de voir prochainement leurs vœux accomplis. Ayez avec elles de fréquents entretiens, soit de vive voix, soit par écrit. Tantôt vous leur porterez envie de pouvoir consacrer au céleste Epoux des cœurs et des corps vierges. Tantôt vous leur peindrez l’excellence de l’état qu’elles embrassent : elles seront associées à l’œuvre de Rédemption, participantes de l’esprit apostolique, brûlantes du zèle des missionnaires. D’autres fois, vous pourrez leur parler des avantages de la vie commune et régulière. » (Lettre du Père Chaminade à Madame Belloc – n°63)

En juillet 1817, elle se consacre à Dieu dans le monde par les vœux de chasteté, pauvreté, obéissance, promettant de travailler sous l’autorité des supérieures à la conservation des mœurs chrétiennes et de la foi catholique. (cf. en illustration le texte de sa profession).

Et c’est ainsi que, dès 1817, Madame Belloc se retrouve responsable du Tiers-Ordre séculier d’Agen. De longue date, car elle habite Agen depuis l’enfance, elle connaît les Congréganistes qui s’engagent dans le Tiers-Ordre.

Animatrice ardente, d’heureux tempérament, elle ne ménage pas sa peine comme en témoignent plusieurs lettres de Mère Adèle :

« Madame Belloc est à Villeneuve, priez qu’elle y fasse du bien ! » (à M.M. du Sacre Cœur – 5.2.1824)

« C’est la chère sœur Clotilde qui ira accompagner sœur Nativité, la sœur de Jésus (madame Belloc) étant à Villeneuve. Cette bonne sœur fait toujours notre consolation par sa ferveur et sa gaieté. » (à M.M du Sacré Cœur – 31.1.1825)

Lorsque la communauté d’Agen essaime à Tonneins, Mère Adèle cherche immédiatement à instaurer le Tiers-Ordre. Le Père Chaminade lui donne sa structure lors de la retraite qu’il vient prêcher à la communauté durant l’été 1821. C’est sœur Dosithée qui est chargée du Tiers-Ordre et tout particulièrement de la formation des jeunes Congréganistes qui y entrent. Mère Adèle va suivre de près cette nouvelle œuvre et aider sœur Dosithée dans sa maison. Par ses lettres nous pouvons découvrir ce qu’est le Tiers-Ordre et quel est son but.

C’est ainsi qu’elle écrit à Mère Thérèse de Jésus, supérieure de Tonneins :

« C’est une branche de l’Institut (l’Institut comportant les religieuses et les religieux) que le Tiers Ordre. Et l’Institut doit marcher sur les traces du divin Sauveur qui allait par les villes et les campagnes. » (Lettre à Mère Thérèse de Jésus – 12.10.1821)

On reconnaît là l’intuition première de Mère Adèle. A l’exemple du Christ, il s’agit d’évangéliser villes et villages. Les sœurs sont en ville, les tertiaires à la campagne. En effet :

« Ce sont des âmes appelées à faire dans le dehors ce que nous ne pouvons pas faire, vu notre clôture ; ce sont de vraies filles de l’Institut qui nous serviront d’appât pour accrocher des âmes à Jésus Christ et à Marie. » (Lettre à S. Dosithée – 8.9.1821)

C’est à cause de la mission même du Tiers Ordre qu’elle tient à ce que ces jeunes filles aient une bonne direction. Elle souhaite les confier au Père Larribeau :

« Je voudrais bien que le Père Larribeau dirigeât les sœurs du Tiers-Ordre ; cela me paraît être selon le bien de la chose : je connais (elle parle par expérience) tout le bien de sa direction.

Le Tiers-Ordre peut faire tant de bien s’il est bien dirigé !… (…) Je tiens tant que ce petit noyau produise un arbre précieux pour étendre son ombre sur les campagnes ! Je le crois destiné à faire l’œuvre de l’Institut dans les chers villages. » (Lettre à M. Thérèse de Jésus – 12.10.1820)

C’est bien un but apostolique que les tertiaires ont à remplir comme en témoigne cette lettre à Sœur Dosithée et qui s’adresse au Tiers Ordre :

« Représentez-vous être chez les infidèles avec les Missionnaires qui travaillent infatigablement à gagner des cœurs à Jésus Christ, à Le faire connaître et à Le faire aimer. Oh ! Quel bonheur si vous rameniez quelques protestants au giron de l’Eglise ! » (Lettre à S. Dosithée – 2.11.1825)

En effet, la ville de Tonneins est à moitié protestante, il s’agit de convertir les protestants pour les ramener à l’Eglise. Au-delà de cet aspect, arrêtons-nous à l’essentiel qui est de faire connaître et aimer Jésus Christ. Les tertiaires,

« Ce sont des vierges consacrées à Dieu qu’il faut mener dans le sentier de la vie parfaite. (…) Peuple de vierges qui, au milieu de la corruption générale, (est appelé) à s’offrir au Seigneur, dans toute sa pureté ». (Lettre à S. Dosithée – 8.9.1821)

« Puissent ces jeunes vierges quoiqu’exposées au milieu du monde, conserver leur cœur pur et par un miracle semblable à celui des trois enfants dans la fournaise, ne pas brûler au milieu des flammes. » (Lettre à M. M. du Sacré Cœur – 20.1.1826)

Pour pouvoir mener une vie consacrée en plein monde, ces jeunes filles ont besoin d’une solide formation. Sœur Dosithée s’en occupe à Tonneins. A Agen, c’est Mère Sainte Foy avec Madame Belloc qui, elle, rayonne aux alentours et vient régulièrement au couvent pour prier avec les sœurs, participer à la retraite annuelle. Mère Adèle, pour sa part, veille avec un soin jaloux sur ce troupeau de prédilection qu’elle sent appelé à accomplir « les grandes vues du Seigneur ». Elle en parle souvent dans sa correspondance.

« Comment va le cher Tiers Ordre ? Celui d’ici va doucement. Je n’ai pas le temps de m’en occuper comme il faudrait pour les soutenir. » (Lettre à S. Dosithée – 21.2.1821)

Quelques années plus tard, elle écrit :

« Nous faisons la retraite du Tiers Ordre, la Mère Sainte Foy et moi. » (Lettre à M M du Sacré Cœur – 20.1.1826)

Et quelque temps après,

« Dites à Mère Sainte Foy que le Tiers Ordre va assez bien. Il y a de l’exactitude. » (Lettre à M. M. Incarnation – 24.11.1826)

Les tertiaires, de leur côté, sont très proches des sœurs, c’est vraiment une même famille, et c’est ainsi qu’au moment de la mort de Sœur Thérèse de Saint Augustin à Agen, plusieurs d’entre elles vont passer la nuit pour veiller le corps, les sœurs, harassées de fatigue, ne le pouvant pas. » (cf. lettre à M. Louis de Gonzague – 5.2.1825)

Et lorsque le bon Père Chaminade demande un signalement des postulantes tourières de Tonneins, Mère Adèle invite Sœur Dosithée par les tertiaires qui auront toute possibilité de prendre des renseignements sur les personnes et leurs familles. (cf. lettre à Sr Dosithée – 2.10.1823)

Le Tiers Ordre séculier, c’est bien, et l’on devine toute l’espérance qu’il représente pour la fondatrice dans ces lignes :

« Oh ! Soignez bien cette pépinière précieuse d’où sortiront, j’espère, des plants précieux qui porteront des fruits dans le jardin de l’Eglise. » (Lettre à S. Dosithée – 12.8.1822)

Toutefois, cela ne répond pas pleinement à l’attente de Mère Adèle. Ces jeunes filles restent dans leur famille, dans leur milieu. Isolées, elles ne peuvent assurer une certaine continuité de la mission. Mère Adèle voudrait faire plus. Dès la fin 1819, elle écrivait au Père Chaminade :

« Et « l’Œuvre des campagnes» ? J’y tiens bien, mon bon Père, ayant été nos premiers projets ; je serais au comble de mes désirs de la voir réussir ! Oh ! Si vous connaissiez le besoin de la plupart ! (…) O mon divin Maître, inspirez, je vous en conjure, quelques moyens pour Vous faire connaître à tant d’âmes qui ont coûté tout votre Sang. » (Lettre au P. Chaminade – 16.12.1819)

Du vivant même de Mère Adèle, plusieurs propositions seront faites au Père Chaminade en vue de l’établissement d’une Tiers Ordre régulier. Celle qui retiendra le plus l’attention est celle du Père Mertian, supérieur des sœurs de la Providence de Ribeauvillé mais les pourparlers entre le Père Chaminade et ce dernier n’aboutirent pas. Mère Adèle n’en continua pas moins de cultiver cette branche de l’Institut qu’était le Tiers Ordre séculier et d’espérer voir un jour, la réalisation du dessein de Dieu sur les campagnes. C’est en 1836, huit ans après sa mort, que le Tiers Ordre régulier vit le jour à Auch.

Correspondance entre deux fondatrices

C’est en 1809, à Figeac, chez sa grand’mère maternelle, qu’Adèle entendit parler d’Emilie de Rodat, comme elle le dit elle-même dans une lettre de 1821 :

« J’ai conçu un grand désir de vous engager dans notre Société, mais je n’en trouvais pas l’occasion ».

On reconnaît là le zèle d’Adèle qui ne manquait aucune occasion d’enrôler dans la Petite Société. Quand elle quittait Trenquelléon pour Figeac ou Condom, c’était toujours avec l’espoir de faire quelque conquête.

Et voilà qu’en 1819, devenue fondatrice, elle apprend, par sa mère, qu’Emilie, à son tour, a contribué à fonder un Etablissement. Cette fois, elle n’hésite plus, elle écrit à Mère Emilie.

« Maman m’a parlé du pieux établissement que vous avez fondé à Villefranche. J’en ai ressenti une grande joie, car tout ce qui peut procurer la gloire de Dieu pourrait-il être étranger à une épouse de Jésus Christ. (…) Je désirerais, Madame, nous unir de prières, afin que ce mutuel secours nous aidât à obtenir de plus en plus le secours du Seigneur. » (Lettre à Emilie de Rodat – 21.6.1819)

Et c’est ainsi qu’une correspondance suivie va s’établir entre les deux fondatrices. Du 21 juin 1819 au 12 janvier 1826, nous avons 32 lettres de Mère Adèle.

Le but de cette correspondance est clair. Il s’agit de s’aider spirituellement.

Dès sa première lettre, la fondatrice des Filles de Marie engage Mère Emilie à établir la Congrégation à Villefranche. Elle le fait avec un tel enthousiasme que, bientôt, dans cette ville, avec l’aide de Monsieur Marty, supérieur ecclésiastique des sœurs, la Congrégation prend corps pour les jeunes filles et les jeunes gens. Je ne m’arrêterai pas les nombreuses indications concernant la Congrégation que Mère Adèle donne dans ses lettres à Mère Emilie, j’en ai parlé dans le premier article de cette série.

Ce qui fait l’essentiel de cette correspondance peut se regrouper autour de trois grands thèmes : la perspective d’une union entre les deux fondations, le partage des peines, joies, soucis financiers…, des conseils spirituels relatifs à la vie personnelle et à la conduite à tenir à l’égard des sœurs.

Un projet d’union

Les deux fondatrices correspondent depuis moins de deux mois et déjà l’union se profile :

« Peut-être, un jour, ne formerons-nous que le même Institut. » (10.8.1819)

Quelques mois plus tard, on peut lire ces lignes :

« J’ai un grand désir que votre Institut et le nôtre ne fassent qu’un ! (…) L’union au nom de Jésus Christ a toujours plus de force, nos sujets nous deviennent communs, les Maisons, par là, peuvent se soutenir mutuellement. (…) » (4.1.1820)

Toutefois ce projet, si beau soit-il, doit correspondre aux vues de Dieu :

« J’abandonne ce désir de mon cœur à la volonté de Dieu. Ses desseins ne sont pas toujours les nôtres ! » (4.1.1820)

Et c’est l’envoi d’une poupée habillée en Fille de Marie car les sœurs de Villefranche n’ont pas encore revêtu l’habit religieux. Le Père Chaminade, pour les Filles de Marie, Monsieur Marty pour les sœurs de Villefranche, suivent de près ce projet et il est finalement décidé que des Filles de Marie se rendront à Villefranche, mais au dernier moment, Mgr Jacoupy, évêque d’Agen, refuse de donner la permission de quitter la clôture. C’est Mère Emilie qui doit venir la première. Le temps passe. Les sœurs de la Sainte Famille font leurs vœux, m7re Adèle pense devoir abandonner le projet :

« J’ai de la peine dans la pensée que maintenant que vous avez fait vos vœux, vous avez renoncé à notre union que je désirais tant ! (…) Soit faite en tout la très aimable volonté de Dieu à jamais ». (22.9.1820)

Et voici que du côté de Villefranche, on reparle d’union :

« Que votre lettre m’a fait plaisir, ma très chère sœur. Malgré qu’il parût qu’il n’y avait plus espoir de réunion, je ne pouvais y renoncer. Mon cœur et mon esprit se portent toujours à Villefranche. Jugez combien j’ai été contente en voyant, par votre lettre, mon espoir se renouveler et, précisément, je la reçois au moment où nous attendons la visite de notre Père. » (3.7.1822)

Et à la mi-juillet, le Père Chaminade accueille à Agen Monsieur Marty tandis que Mère Adèle et ses sœurs reçoivent Mère Emilie et Sœur Agathe. Elles font ensemble la retraite que prêche le Père Chaminade, retraite qui prépare au renouvellement des vœux. Le supérieur ecclésiastique de leur côté, les sœurs du leur, échangent les points de vue. L’union semble décidée mais de retour à Villefranche, Mère Emilie se heurte au refus de ses sœurs. Il faut donc cette fois abandonner définitivement le projet :

« Et l’union projetée, il faut donc y renoncer !… Je mentirais si je disais que c’est sans peine ! (…) J’en fais le sacrifice à mon Dieu ; je ne veux que sa plus grande gloire ! » (7.10.1822)

Le projet d’union est abandonné, mais la correspondance entre les deux fondatrices ne va pas moins se poursuivre, plus espacée toutefois.

Partage de peines, joies…

A Villefranche comme à Agen, les santés sont éprouvées et près de la moitié des lettres de mère Adèle parle des malades. Les deux fondatrices partagent mutuellement leurs préoccupations :

« Je prends bien part à la douleur qu’éprouve votre cœur pour la maladie de vos chères filles !… J’éprouve dans ce moment, les mêmes sollicitudes pour une de mes filles. » (10.8.1819)

« Je suis encore sur la Croix : deux autres de nos sœurs sont tombées malades (…) Et vos chères malades, comment vont-elles ? (29.1.1820)

Elle ne se contente pas de parler des malades, de part et d’autre on prie pour les malades, on jeûne :

« Nos malades vont un peu mieux ; il me tarde d’avoir des nouvelles des vôtres ! Une de nos sœurs m’a demandé un jeûne par mois pour vos malades car toutes nos sœurs vous aiment bien ». (4.1.1820)

Elles se font part de la mort des sœurs :

« Il y a quelques jours que je voulais vous écrire lorsque j’ai reçu votre lettre où vous m’appreniez la mort de votre chère fille, qui nous a bien édifiées ! (…) J’ai une de nos novices qui est très malade. » (13.5.1822)

Un an plus tard, c’est Mère Adèle qui fera part de la mort de Mère Thérèse de Jésus (12.11.1823)

Elles ne se limitent pas à parler des malades des communautés, elles se tiennent au courant de leur propre santé. Mère Adèle a dû s’arrêter quelque temps, elle écrit :

« Ma santé va beaucoup mieux ; le grand repos m’a fait le plus grand bien ». (3.8.1820)

L’année suivante, c’est elle qui engage Mère Emilie, malade à son tour, à se reposer :

« J’ai su que le Seigneur vous visitait par la croix et c’est de bon cœur que j’ai demandé à ce bon Maître de vous rendre la santé – si c’est du moins pour sa gloire. (…) Ménagez-vous, suspendez autant que possible vos travaux. » (13.7.1821)

Quelques mois plus tard, Mère Adèle s’inquiète de la santé de Mère Emilie :

« L’opération qu’on vous a faite, ma chère sœur, qu’a-t-elle produit ? Etes-vous mieux ? Etes-vous plus souffrante ? Tout ce qui vous touche m’intéresse ! » (29.10.1821)

En 1824, c’est au tour de Mère Adèle d’être malade et d’écrire :

« Je ne fais rien depuis plus de deux mois (…) Je suis malade. Depuis huit mois, ma santé s’altérait et, ce carême, je m’alitai. Je ne suis pas entièrement remise mais je suis en convalescence. » (11.5.1824)

On perçoit à travers tout cet échange une profonde communion entre les deux familles religieuses et leurs supérieures respectives. Non contentes de parler des santés, elles partagent les soucis financiers :

« Le temporel m’occupe aussi un peu. Nos réparations (dans la maison des Augustins à Agen) nous ont mises bien à la gêne et nous n’avons pas tout payé… Mais il faut bien se ressentir de la pauvreté que nous avons embrassée. » (9.12.1820)

Si elles partagent leurs peines, elles savent aussi faire part de leurs joies, joie à l’occasion de l’anniversaire de la Fondation d’Agen :

« Quel beau jour pour nous que celui de demain : il y aura quatre ans que nous quittâmes l’Egypte pour venir habiter cet aimable désert ! » (24.5.1820)

Joie de la fondation de Tonneins :

« Nous sommes à la veille de faire partir un petit essaim de notre ruche pour en établir une autre (…) C’est à quatre lieues d’ici, dans une ville appelée Tonneins qui à moitié protestante. Il y a aura un bien immense à faire. (…) Quel bonheur de travailler à y établir le règne de Jésus Christ ! » (3.8.1820)

Joie aussi de constater que, du côté de Villefranche, on se développe :

« J’ai vu avec consolation que vous vous étendiez pour procurer la gloire de notre commun maître. Nous prions le Seigneur de bénir cette nouvelle ruche. » (7.10.1822)

Partage de leur zèle à faire connaître le Bien-Aimé :

« Oh ! Que ne pouvons-nous Le faire aimer de tous les cœurs ! Que ne pouvons-nous Le rendre possesseur de tous les cœurs ! Oh ! Travaillons à sa gloire, faisons-le connaître par les jeunes enfants dont la Providence nous rend les mères Spirituelles ! Faisons-le aimer par cette jeunesse dont Il est si jaloux des cœurs ! » (11.5.1824)

On devine aisément quel soutien cette correspondance pleine d’affection et d’intérêt pouvait apporter aux deux fondatrices dont la mission n’était certes pas tous les jours facile.

Echange de conseils

C’est bien dans ce domaine que les lettres que nous avons de la fondatrice des Filles de Marie nous apportent le plus de renseignements, nous laissant voir la façon dont elle-même vivait sa responsabilité, ce qui l’aidait à aller de l’avant, le ressort de sa vie spirituelle. Ce qui lui tient à cœur par-dessus tout, c’est de suivre le Christ et le suivre jusqu’à la Croix :

« Allons, rappelons-nous que nous ne sommes venues en religion que pour suivre notre divin Epoux jusqu’au calvaire ; que nous devons trouver notre joie dans les contradictions et les épreuves ! » (29.1.1820)

Et encore :

« Portons avec un nouveau courage la croix de notre charge. C’est Dieu qui nous l’a imposée, sa bonté nous donnera la grâce d’en faire notre profit spirituel ». (21.1.1821)

La croix, elle en a fait l’expérience, est bien le roc solide sur lequel seul on peut fonder quelque chose de durable :

« Notre Institut sera solide si, de bon cœur, nous savons le fonder sur la Croix ». (29.1.1820)

Et là, à la Croix, elle invite Mère Emilie à rejoindre Marie :

«  Mon cœur maternel sent bien vivement le glaive dont doit être percé le vôtre ! Entrez, ma chère sœur, dans celui de Marie au pied de la Croix ; voyez de quelle amertume il est submergé et offrez vos sacrifices avec le sien. (…) Courage, épouse de Jésus crucifié ! Montez sur la Croix avec Lui : c’est le lit nuptial où nous contractons avec Lui la plus sainte alliance. » (15.11.1819)

Fondatrices, elles ont l’une et l’autre à suivre le Christ dans la mission qui leur est confiée à l’égard de leurs sœurs.

« Soyons pénétrées de la grandeur de nos obligations. Nous devons être la lumière de notre communauté par le bon exemple ; que nos filles trouvent toujours notre cœur ouvert à tous leurs besoins, prêt à supporter leurs faiblesses, nous faisant tout à toutes pour que toutes soient à Jésus Christ. » (3.12.1819)

Se faire toute à toutes, idée qui lui est chère et sur laquelle elle revient deux mois plus tard :

« A l’exemple de Saint Paul, faisons-nous toute à toutes ; c’est là le grand devoir d’une supérieure. Soyons faible avec les faibles, infirme avec les infirmes. » (29.1.1820)

Etre à l’écoute de ses sœurs, disponible pour les accueillir, se faire leur servante, telle est son attitude fondamentale comme elle en témoigne dans plusieurs de ses lettres :

« Ne soyons plus à nous, chère sœur, regardons-nous comme les servantes de nos sœurs, qui doivent les servir en toute charité dans leurs nécessités spirituelles. Rendons-leur intérieurement une espèce d’obéissance cachée : étant toujours prête à les recevoir, à les accueillir avec un air de charité, malgré nos occupations. Une supérieure ne doit plus être à elle-même. » (1°.3.1820°

A certains jours toutefois, le fardeau est lourd et elle éprouve le besoin de l’écrire à Mère Emilie :

« Oui, chère sœur, abandonnons-nous avec notre pesante charge entre les bras de notre si bon Maître. C’est Lui qui nous a imposé le fardeau, nous devons espérer de sa bonté la force de le porter. Je vous avoue que dans certaines occasions, mon cœur se plaint de cette charge. Je suis quelquefois découragée par mon peu de capacité, et surtout mon peu de vertu. » (20.11.1820)

Ce serait mal connaître Mère Adèle de penser qu’elle se laisse abattre par un tel constat. Bien au contraire et elle invite souvent son amie à travailler à sa sanctification :

« Travaillons à notre sanctification, ma chère amie, une supérieure sainte fera beaucoup de choses tandis qu’une imparfaite arrêtera les grâces de Dieu, y mettra obstacle. » (9.12.1820°

« Allons, ma chère sœur, relevons notre courage parmi tous les embarras de notre charge. Surtout ne nous oublions pas nous-mêmes ; travaillons à devenir des saintes. (…) Notre place, ma chère sœur, nous donnera mille occasions de mourir à nous-mêmes et, par là, de travailler à devenir des saintes si nous voulons en profiter. » (11.12.1821)

Esprit de foi, abandon à Dieu, vie surnaturelle dans l’amour à l’égard de toutes ses sœurs, c’est ce que Mère Adèle cherche à vivre jour après jour. Consciente de ses limites et de ses faiblesses, elle compte beaucoup sur la prière, la sienne, celle des autres, de Mère Emilie en particulier.

« Prions les unes pour les autres afin que nous parvenions à cette fin sublime de notre saint état. » (2.9.1823°

« Priez le bon Dieu pour moi car je suis bien pauvre en vertu : un rien m’impatiente, ma vivacité me faire faire cent fautes dans ma gouverne ! Oh mon Dieu, suppléez par votre grâce âmes défauts et à mes négligences. » (13.5.1822)

Souvent dans ses lettres, elle revient à la charge, demandant prières et conseils :

« Je m’ingère à vous donner des conseils, moi qui ai tant besoin qu’on m’en donne ! Veuillez me rendre la pareille ! J’ai besoin d’être prêchée sur l’article de la patience et de la mortification intérieure. » (13.7.1821)

Déjà, en 1820, elle avait écrit :

« Oh ! Ma bonne sœur, veuillez bien m’aider de vos conseils pour le gouvernement des sujets ! C’est ce que je trouve de bien pénible dans ma charge : des caractères souvent opposés qu’il faut savoir contenter et accorder ; des vues toutes pour le bien, mais cependant différentes. Et j’ai pourtant de saintes filles ! » (29.1.1820)

* * *

On le voit, c’est un échange très riche qui s’est opéré entre les deux fondatrices. En toute simplicité, avec une confiance profonde, Mère Adèle livre ce qui l’habite : le meilleur d’elle-même. Ces lettres nous permettent ainsi de mieux la connaître dans la manière même dont elle a perçu sa mission et cherché à la vivre.

Le développement des Filles de Marie à Agen et dans les premières communautés, leurs activités apostoliques, la mission du Tiers Ordres séculier, ce qui animait Mère Adèle, c’est tout cela que sa correspondance nous a permis de découvrir et de suivre pas à pas.

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