A la suite du Christ, pauvre, chaste et obéissant

«  Nous pratiquerons ce que nous pouvons
de notre sainte vocation en ce monde :
pratiquons une obéissance ponctuelle à nos parents ;
ayons une grande circonspection sur la sainte chasteté,
et pratiquons, en ce que nous pourrons,
la pauvreté que St François d’Assise appelait « sa Dame »,
et cela en mémoire de nos futurs vœux. » 241.7

Ce texte écrit quelques jours (en juillet 1814) seulement après la retraite décisive de Lompian où le « cher projet » a pris corps nous montre le désir profond qui habite le cœur d’Adèle.

Elle n’a pas attendu la fondation de l’Institut pour vivre explicitement les vœux. Elle vit, avant l’heure, sa consécration à Celui auquel elle s’est donnée avec tant d’amour lors de sa première communion.

Quand Adèle parle des vœux, elle a tendance à commencer par l’obéissance. L’obéissance, la fidélité sont deux traits qui caractérisent les militaires. Elle est fille de militaire et admire beaucoup son Papa. Mais elle admire aussi beaucoup l’obéissance de Marie : « L’obéissance a aussi paru dans Marie d’une manière admirable. Elle part pour visiter Elisabeth – quoique ce fût un voyage pénible – dès qu’elle en eut reçu l’inspiration du Seigneur. Elle va, pour obéir à l’empereur, à Bethléem pour aller se faire enregistrer malgré la rigueur de la saison et sa grossesse avancée. Imitons cette obéissance dans les inspirations que Dieu nous donne de faire le bien, et en obéissant ponctuellement et sans raisonner aux ordres de nos supérieurs. » 17.5

Sans raisonner aux ordres de nos supérieurs pourrait nous laisser penser qu’Adèle était pour une obéissance passive qui s’en remettait aux autres pour les décisions à prendre. Il n’en est rien, il n’est que de voir comment elle insistera auprès du P. Chaminade pour parvenir à la mise en œuvre de l’intuition de l’Institut. Le P. Chaminade lui propose l’Etat religieux dans le monde, elle saura se faire pressante pour qu’il évolue dans sa façon de voir et ensemble, à l’écoute de l’Esprit Saint, ils parviendront à la fondation de l’Institut de Marie et donc à une vie communautaire.

Elle contemple également l’obéissance de Jésus : «  Jésus naissant, Jésus dans le sein de Marie est modèle de la vie religieuse. Il y pratique l’obéissance, la pauvreté, la chasteté, la clôture, l’enseignement, les cinq vœux que nous faisons. Oh ! demandons-Lui bien la grâce de les accomplir fidèlement. » 329.5

Ce passage, à première lecture, a de quoi nous faire sourire mais demandons à Marie de lever , pour nous, un peu le voile du mystère de l’Incarnation, du mystère de l’abaissement de son Fils. « Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une croix. » Phil. 2,6-8

Oui, Jésus s’est fait pour nous obéissant. Il s’est fait pauvre aussi pour nous comme l’écrit Paul aux Corinthiens : « Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. » 2Cor.8,9. Il n’a eu d’autre volonté que de faire celle de son Père. Lui, le Créateur, il s’enferme dans le sein d’une femme de chez nous. Enfin Il nous enseigne non seulement par sa Parole mais par toute sa vie et cela dès le premier instant de sa conception en Marie.

Prenons le temps de contempler le mystère de Celui qui nous appelle et qui s’est fait obéissant, pauvre et chaste pour nous manifester l’amour qui est en Dieu Trinité.

Les vœux sont, un moyen, proposé par l’Eglise, que nous choisissons pour répondre à l’appel du Christ à le suivre en nous « donnant à Lui totalement et en L’aimant plus que tout » (cf. LG. 44) Ecoutons ce qu’elle écrit à la communauté de Tonneins qui vient de terminer la retraite annuelle : « Nous avons de nouveau promis au bon Dieu d’être obéissantes : nous lui avons offert l’holocauste de notre volonté ; n’agissons donc jamais plus par notre volonté propre ; que toutes nos actions, même les plus communes, soient sanctifiées par l’obéissance ; c’est le moyen de faire de grands progrès dans la vertu parce que rien alors n’est perdu ! »

Nous avons renouvelé notre vœu de pauvreté : soyons maintenant de vraies pauvres évangéliques/ Aimons à nous ressentir de la pauvreté, à en porter les livrées : qu’elle paraisse sur nos habits, au réfectoire, dans nos cellules. Chérissons-la comme notre Mère et Maîtresse et surtout ayons le cœur bien pauvre, bien détaché de tout : ne murmurons jamais de ce qui pourrait nous manquer, de ce qu’on nous refuserait. N’usons de rien en cachette, ne possédons rien en propre, toutes nues, suivons Jésus Christ nu sur la Croix. Travaillons comme des pauvres : ne perdons pas un instant ; aimons les travaux communs et les plus pauvres. »  « Nous avons renouvelé notre vœu de chasteté : que notre cœur n’aime plus que Dieu, ne veuille plus que Dieu, ne cherche à plaire qu’à cet unique Epoux de nos âmes. » 534.3,4,5

Arrêtons-nous à chacun des vœux.

L’obéissance

L’obéissance nous unit au Christ qui « n’a eu d’autre nourriture que de faire la volonté du Père » cf. Jn 4,34 Voilà bien pourquoi Adèle insiste si souvent sur la fait que nous devons renoncer à notre volonté propre, non pour perdre notre jugement mais pour entrer, à l’exemple du Christ, dans les vues de Dieu. En accomplissant en tout la volonté du Père nous donnerons alors du prix à tout ce que nous ferons, même si cela nous paraît bien peu de chose.

« Un mot à ma chère Xavier, pour elle : qu’elle meure tous les jours à sa propre volonté ; qu’elle tâche, dans les moindres choses, d’agir avec permission, dans un esprit d’obéissance. C’est le moyen que toutes ses actions soient méritoires. » 477.10 Adèle a percé les secrets de la nature humaine, elle sait que nous rêvons toujours plus ou moins d’accomplir de grandes choses pour Dieu et que, dans la réalité, notre vie est faite essentiellement de petites choses cachées, répétitives que personne ne remarque et c’est pourquoi elle ajoutera : « Nous ne sommes pas capables de faire de grandes choses pour Dieu, sachons du moins obéir ! » 534.3

Et voilà son souhait pour elle, ses Sœurs d’hier et d’aujourd’hui : « Oh ! puissions-nous toutes pratiquer cette obéissance parfaite qui est si agréable à Dieu et qui est la marque des vraies religieuses et la pierre de touche de la véritable vertu. » 470.2

La pauvreté

« Soyons de vraies pauvres évangéliques » a-t-elle écrit à ses sœurs de Tonneins. Et elle explique ce qu’elle entend par là. La pauvreté doit se traduire dans les choses les plus ordinaires comme le vêtement, la nourriture… Elle invite à aimer la pauvreté au sens où Jésus en parle dans les Béatitudes. Il s’agit d’avoir un cœur de pauvre qui sait qu’il reçoit tout de son Seigneur, un cœur qui sait aussi tout partager. Mais lorsque la pauvreté est réellement là et qu’elle se fait sentir il y a le danger de se plaindre, et Adèle a fait très vite l’expérience du manque pour elle et pour ses communautés. Que fait-elle ? Elle tourne notre regard vers le Christ, nu sur la Croix, dépouillé de tout et nous aurions encore le courage de nous lamenter ? La pauvreté c’est encore ne pas gaspiller le temps qui est don de Dieu, c’est aimer vivre en accomplissant les tâches les plus ordinaires, les plus communes. « Nous en avons fait le vœu et nous ne voudrions pas la ressentir en rien ! Nous voudrions que notre Epoux seul la ressentît et ne l’imiter en rien ! » 497.4

Adèle nous invite à la cohérence : si nous avons voué la pauvreté cela doit se manifester. Et s’il nous est donné de souffrir de la pauvreté alors mettons toute notre confiance dans la Providence :  «  Confiance dans la sainte Providence ; aimons à ressentir les effets de la pauvreté que nous avons vouée ; regardons comme l’effet d’une grâce, d’être trouvées dignes de souffrir quelque chose pour Jésus Christ. C’est dans ces occasions que nous pouvons lui témoigner notre amour. » 657.2 Nous retrouvons toujours le même mouvement chez elle, le regard sur Jésus Christ aimé par-dessus tout. Elle-même reconnaîtra qu’elle souffre de cette pauvreté qui l’empêche d’aider ses communautés comme elle le voudrait : « Je ne ressens la pauvreté que pour la peine de ne pas soulager nos chères maisons. » 695.2 – 487.4

Ce qui la réconforte c’est de relire l’histoire des fondations religieuses du passé : « Aimez la sainte pauvreté. J’ai la pensée que le bon Dieu veut nous éprouver là-dessus grandement, mais nous avons été précédées dans cette noble carrière par les Thérèse – elle s’endettait beaucoup – par les Chantal : elles en souffraient et leurs communautés aussi. Grande confiance en Dieu, abandon en sa Providence : elle nourrit les oiseaux du ciel et vêt les lys des champs. Faites une neuvaine des litanies de saint Joseph pour que le bon Dieu vienne à notre secours, c’est la pratique de l’Institut dans les besoins du temporel. » 541.5 Dieu connaît nos besoins, il s’agit d’entrer toujours plus avant dans une démarche de confiance : « Puissent toutes nos filles l’aimer (la pauvreté) réellement et la pratiquer. C’est une vertu fondamentale de la vie religieuse ; (…) Nous avons tout quitté pour suivre Jésus Christ pauvre : soyons pauvres avec Lui. Il nourrit les oiseaux du ciel, Il vêt les lys des champs, laissera-t-il périr ses épouses ? » 718.4

Cette pauvreté que l’Institut connaît ne l’empêche pas de penser aux pauvres et au partage : « Mais cependant il faut toujours donner quelque chose aux pauvres : beaucoup si on a beaucoup, peu si on a peu.» 696.2

Notre vraie et unique richesse : la grâce de Dieu : « Donnez-nous votre grâce et nous serons assez riches ! » 707.4

La chasteté

L’amour qu’elle porte au Bien-Aimé, à l’Epoux la conduit à écrire, comme nous l’avons entendu tout à l’heure à n’aimer que Dieu, à ne vouloir que Lui et à ne chercher à plaire qu’à Lui. Il ne s’agit nullement d’un amour qui se replie sur lui-même mais d’un amour qui s’ouvre aux intérêts du Bien-Aimé, un amour qui, dès son adolescence, l’a rendue créative pour subvenir aux besoins que l’Aimé lui faisait découvrir autour d’elle et toujours plus loin. Elle n’avait de cesse de soulager la misère et de faire connaître et aimer Celui qui s’était révélé à elle. Nous savons tout ce qu’elle a inventé pour subvenir aux nécessités de ceux qui l’entouraient.

Mais cet amour, elle a conscience qu’il est fragile. « Sachons que nous portons la précieuse vertu de chasteté dans des vases fragiles et que le moindre faux pas peut faire casser. Méfiance entière de nous-mêmes, confiance entière en Dieu. L’humilité est la plus sûre gardienne de la chasteté. » 229.5

Elle se défie donc d’elle-même et dans le même temps place toute sa confiance en Dieu, prenant Marie pour modèle «je veux à son exemple être humble, douce, patiente, chaste. » 53.4 et c’est de l’Esprit Saint qu’elle attend d’être fortifiée dans son union avec l’Epoux. « Unissons-nous à Jésus dans cette grande fête (Pentecôte), et le Saint Esprit, auteur de toutes les saintes et chastes unions, nous unira indissolublement avec le divin Epoux de nos âmes. » 81.5

Entier, entièrement, un adjectif et un adverbe qu’elle utilise fréquemment pour dire le don total d’elle-même qu’elle a fait à son Seigneur et qu’elle invite ses sœurs à faire : « Soyons au bon Dieu entièrement et pour toujours. » 513.14 cf. 583.4  « Soyons à Dieu entièrement et mourons à nous-mêmes pour ne plus vivre que pour le céleste Epoux. » 706.6

Voilà des expressions fortes qui nous interpellent sur l’amour que nous portons au Christ Seigneur. Et voici pour finir ce qu’elle écrivait aux futures professes à Bordeaux en novembre 1825 :

« Que j’éprouve de bonheur en pensant à la sainte alliance que vous allez contracter, mes chères enfants ! que votre consécration soit entière, montez comme des victimes sur l’autel du sacrifice et là, immolez, brûlez, consumez toute la victime en holocauste dans le feu de la plus ardente charité. C’est ici le jour que le Seigneur a fait, le jour du Seigneur, le jour de ses miséricordes !

Que votre cœur se vide de tout amour de la créature, qu’il n’aime plus que son Dieu, qu’il soit tout à son Dieu ! Faites-lui un sacrifice de vos corps, regardez-les comme destinés à la pénitence et, par là, capables de glorifier Dieu. Offrez-lui vos volontés pour ne plus avoir que la sienne. Qu’aucune attache à la créature et aux biens terrestres auxquels vous allez renoncer n’occupe plus vos cœurs.

Et puis, nouvel essaim d’apôtres de l’Agneau, allez, au sortir de votre retraite, à la conquête des cœurs, pour en ravir au démon, au monde et les donner à Jésus. Sortez-en avec le zèle et le courage de saint Pierre ; allez jeter vos filets de l’amour divin dans les lieux où la Providence vous enverra ; ne formez aucun choix que celui d’être là où le bon Dieu vous voudra. »  618.3,4,5

Jésus, tu nous appelles à nous livrer à toi avec tout ce que nous sommes,
corps, cœur, esprit, intelligence,
nous connaissons notre faiblesse, attire-nous à toi,
fais-nous goûter la joie de t’appartenir entièrement.
Ouvre-nous ton coeur,
c’est là que nous trouverons comment répondre à tes sollicitations,
c’est là que tu nous donneras de t’aimer plus que tout.
Nous avons soif de toi. Et tu as encore plus soif de nous,
mais tu attends patiemment notre réponse.
Merci, Seigneur, de nous aimer ainsi.

Textes pour la méditation

Obéissance : Jn 4, 34-38 ; Jn 5,30 ; Jn 6, 38-40 ; Mc 3,35

Pauvreté     : Mc 10,23-31 (danger des richesses) ; Lc 12, 22-31 et Mt 6,25-33 (abandon à la Providence)

Chasteté     : I Cor. 7,34 ;  Jn 15,1-9 ; Ct 2,10,16 ; Mt 19,10-12

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