Les grands moments de la vie d’Adèle

La naissance – l’exil – le retour en France

Adèle de Batz de Trenquelléon est née le 10 juin 1789 au château de Trenquelléon, proche de Feugarolles, dans le Néracais.

Son père, le Baron Charles de Batz, commandait les gardes françaises. Quant à sa mère, d’une vieille famille du Rouergue, noble, elle aussi, elle était de la lignée de Saint Louis. Femme de foi, généreuse en aumônes, elle faisait le catéchisme aux enfants. Sa famille la surnommait  « la femme forte », son mari disait d’elle « c’est une sainte ».

Ils fréquentent Paris, Versailles, mais le licenciement des gardes françaises le 31 août 1789 les ramène en Province où ils sont aimés et estimés.

Fin 1791, le Baron doit émigrer. Adèle reste au château avec sa mère et deux tantes, anciennes religieuses dominicaines. En septembre 1797, c’est l’exil en Espagne puis au Portugal. Durant l’été 1798, le baron les rejoint. Il a alors la joie de faire connaissance avec son fils Charles, né au début de l’année 1792. Une petite Désirée arrive au foyer en 1799.

L’exil au Portugal s’achève, la famille se rapproche de la France et s’installe à Saint Sébastien, en l’église Sainte Marie, Adèle fait sa première communion le 6 janvier 1801. Au moment où la famille va quitter l’Espagne, Adèle veut rester à Saint Sébastien afin d’entrer au Carmel. Sa mère lui promet alors de la laisser revenir en Espagne, lorsqu’elle aura l’âge, si le Carmel n’est pas rétabli en France. On note déjà en elle un appel précis à la vie religieuse, appel auquel elle répond par un effort pour lutter contre sa vivacité, effort qu’elle poursuivra jusqu’à la rencontre définitive avec le Bien-Aimé. Elle n’a que 12 ans et l’intérieur occupe une place essentielle dans sa vie.

Le 14 novembre 1801, toute la famille réintègre le château mais sur le chemin, que de ruines, que de désolations ! Adèle en restera marquée.

Arrivée de Monsieur Ducourneau

En 1802, Monsieur Ducourneau, homme proche de la quarantaine et se destinant à la prêtrise, entre au château comme précepteur de Charles, alors âgé de 10 ans. Il encourage Adèle dans sa vocation religieuse, lui conseille la pratique de l’humilité, de la modestie, de l’égalité d’humeur. A la demande d’Adèle et avec l’accord de la baronne, il lui rédige un règlement de vie spirituelle. Orienté vers le Carmel, ce règlement fait place à l’oraison mentale, insiste sur la vie intérieure, l’attention constante à se perfectionner et le renoncement au monde.

La confirmation

Pour se préparer à recevoir le sacrement de Confirmation, Adèle demande à passer six semaines dans une maison où se sont regroupées d’anciennes carmélites.

Son désir d’être toute à Jésus Christ en ressort approfondi. Elle décide de travailler plus intensément à sa sanctification.

Ce jour-là, le 6 février 1803, l’évêque d’Agen, Mgr Jacoupy, ayant convié les confirmands à sa table, elle fait connaissance avec Jeanne Diché, de quatre ans son aînée.

De cette rencontre naît une correspondance hebdomadaire entre les deux nouvelles amies, correspondance destinée à se stimuler sur le chemin de la vie spirituelle.

Naissance de la « Petite Société »

Durant l’été 1804, Jeanne étant en vacances au château, Monsieur Ducourneau propose aux deux amies de créer une association de prières.

Il s’agit d’une association destinée à regrouper toutes les personnes désireuses de conserver, de pratiquer, propager la religion alors bien en péril au lendemain des dommages causés par la Révolution. Cette association qui vise à la rechristianisation des campagnes a également en vue la bonne mort, c’est-à-dire la réussite de la vie selon Dieu.

L’association se développe. Chaque semaine, des lettres partent de Trenquelléon. Jeanne et Adèle sont les deux animatrices privilégiées. Agathe, une des sœurs de Jeanne, se joint bientôt à la « Petite Société » et lorsqu’en avril 1805, Jeanne épouse Monsieur Belloc, c’est Adèle qui devient la tête et le cœur de l’Association qui continue à faire de nouvelles recrues parmi les sœurs, connaissances et amies. De sept membres en 1805, elles sont 24 au début de l’année 1807 et 60 à la fin de 1808. Parmi les associés se trouvent des prêtres dont Monsieur Larribeau, curé de Lompian.

La « Petite Société » est placée sous la protection de la Vierge Immaculée. Le moyen d’animation essentiel est l’exhortation mutuelle à laquelle s’ajoutent quelques pratiques très simples :

  • Un rendez-vous spirituel au Calvaire, chaque jour à trois heures
  • Le vendredi, un moment de méditation pour se mettre dans les dispositions de qui veut mourir et ressusciter avec le Christ,
  • La mise en commun des mérites de chaque membre,
  • Un mot d’ordre « Mon Dieu » complété par un « acte » destiné à stimuler les personnes dans la voie de la ferveur.

Les thèmes privilégiés qu’Adèle aborde dans ses lettres se trouvent être : l’amour de Dieu, le détachement du monde et des créatures, la mise à profit du temps car le Seigneur vient comme un voleur, la préparation aux sacrements, spécialement à la communion (à l’époque, c’est le confesseur qui donne la permission de communier), le zèle pour gagner beaucoup de cœurs au Bien-Aimé, au Céleste Epoux, la pratique de l’humilité, de la pureté de Marie…

Ces lettres sont toues marquées d’affection, d’intérêt pour chacune. Sans se lasser, Adèle encourage, interpelle, secoue, invite à la confiance. Quand l’Association débute, notons qu’Adèle n’a que 15 ans ½.

La « Petite Société », née de l’inspiration de Monsieur Ducourneau, passe bientôt sous l’influence de Monsieur Larribeau, curé de Lompian. A partir de 1807, il offre la messe le premier vendredi du mois pour la « Petite Société ». Ses lettres, comme celles d’Adèle, circulent de groupe en groupe. De temps à autre, il vient au château, ses passages sont l’occasion de récollections non seulement pour Adèle mais pour les membres associés qui peuvent venir. Chaque année, Adèle se rend à Lompian pour faire une retraite plus personnelle sous la direction de ce prêtre en qui elle voit « un saint homme ».

Rencontre du Père Chaminade

Durant l’été 1808, Madame de Trenquelléon rencontre à Figeac l’abbé Hyacinthe Lafon, un Congréganiste. Saisi par la similitude entre la « Petite Société » d’Adèle et la Congrégation de Bordeaux fondée par le Père Chaminade, l’abbé Lafon s’offre à parler d’Adèle au Père Chaminade. Celui-ci fait alors parvenir à Trenquelléon quelques notes sur ses Congrégations.

Non à un projet de mariage

Quelques mois plus tard, le 20 novembre 1808 Adèle, après des semaines de lutte intérieure, renonce à un projet de mariage.

« C’est précisément la veille de la (Présentation), il y aura sept ans, que je dis positivement non à une établissement qu’on me proposait. » (282.3)

Le cœur tout à Dieu, Adèle va entreprendre des relations suivies avec la Congrégation de Bordeaux : échanges de conseils, demandes de prières… Adèle s’enthousiasme lorsqu’elle découvre la consécration à Marie, les prières, cantiques proposés par le Manuel du Serviteur de Marie. Avec ses associées, elle accepte avec joie la dévotion de « l’amour actuel de Marie » que vivent les jeunes filles de Bordeaux. Bientôt la « Petite Société » d’Adèle devient la troisième division de la Congrégation, la première et la deuxième étant celle des jeunes gens et jeunes filles.

Entre 1809 et 1814, tandis que la Congrégation de Bordeaux est supprimée du fait de la situation politique, la division d’Adèle continue puisque les associées ne se retrouvent pas. Toute fois pendant cette période, les lettres ne sont plus confiées à la poste mais à des messagers de confiance.

Avant la rencontre avec le Père Chaminade, Marie est à l’honneur dans la « Petite Société ». Les associées célèbrent ses fêtes, s’y préparent, cherchent à imiter les vertus de Marie, en particulier l’humilité et la pureté… Marie est la protectrice de la Société. C’est ainsi que le 16 juillet 1807 (peut avant la rencontre avec le Père Chaminade), Adèle écrit à Agathe :

« Ayons souvent recours à la protectrice de la Société, la Très Sainte Vierge, oh ! Qu’Elle est puissante auprès de son Fils ! Mettons-nous bien sous sa sauvegarde. Nous sommes ses enfants particulières, soit par notre Société, soit par l’habit du Scapulaire dont nous avons le bonheur d’être revêtues. »

A travers ces lignes, nous découvrons comment l’Esprit Saint est à l’œuvre, préparant la rencontre avec le Père Chaminade. Adèle est prête à accueillir la consécration à Marie que présente le Manuel du Serviteur de Marie. Et c’est pourquoi, le 26 janvier 1809, elle peut écrire :

« Faisons-lui (à Marie) le don de nous-mêmes par la consécration qui est dans le Manuel du Serviteur de Marie ; exhortez toutes nos sœurs à la faire souvent, mais surtout jeudi prochain, fête de la Purification de cette Vierge incomparable. »

Maladie d’Adèle – Activités diverses – Maladie du baron

En 1809, Adèle tombe gravement malade. Elle frôle la mort, mais elle se remet. Néanmoins le sentiment de la précarité de la vie se fait plus vif en elle. L’idée du Carmel revient. Elle reprend sa correspondance et en même temps se donne sans compter au service des pauvres.

Les pauvres sont ses enfants. Toutes ses richesses leur sont réservées. Elle les reçoit au château, tient à les servir elle-même. Quand elle hérite d’une de ses tantes, elle utilise la rente que lui verse régulièrement son père pour subvenir aux besoins de ses enfants, les pauvres. Elle travaille, fait de la broderie, et même de l’élevage, et grâce au produit de ces travaux, elle subvient aux besoins qui se présentent.

Elle visite les malades des environs de la propriété. Quand un chiffonnier voisin, père de famille, tombe malade, avec sa mère, elles le font hospitaliser, vont le voir ; Adèle se soucie de sa vie spirituelle, il meurt en paix avec Dieu et plein de confiance. Adèle ne lui a-t-elle pas promis de s’occuper des deux orphelines qu’il laisse ?

Elle fait aussi la classe, le catéchisme. Souvent Adèle interrompt ses lettres car elle entend ses écoliers qui arrivent. En effet, ceux-ci, isolés les uns des autres, dans des fermes éloignées de Trenquelléon, viennent un peu à toutes les heures. Dès qu’ils se présentent, elle laisse tout : « Je vous quitte pour faire mon école ». (147) – « Il faut que je vous quitte ; priez Dieu pour les élèves et la maîtresse ». (176)

En 1812, le père d’Adèle est atteint de paralysie progressive. Elle devient son infirmière, sa « fidèle Antigone » comme aime à dire le baron. Celle-ci, en effet, le soigne avec un dévouement et une patience de tous les instants et ce jusqu’à sa mort en juin 1815.

Le « cher projet »

Petit à petit, l’idée d’un « cher projet » se fait jour. De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’un projet de communauté religieuse entre Adèle et quelques unes des associées les plus ferventes. Communauté qui aurait pour but la sanctification de ses membres par la prière et la pratique des trois vœux de chasteté, pauvreté, obéissance ainsi que les œuvres susceptibles de remédier à la misère morale et physique des gens de la campagne. Les activités autour du château la conduisent à abandonner l’idée du Carmel. Bien entendu, le Père Chaminade est mis au courant du « cher projet ». Il invite Adèle à venir le voir à Bordeaux où il a entrepris quelque chose d’analogue avec certains Congréganistes, hommes et femmes. Bien qu’Adèle, malgré son grand désir, ne puisse se rendre à l’invitation, le « cher projet » mûrit dans les cœurs.

Les 13 et 14 juin 1814, Adèle, Madame Belloc, Agathe et quelques amies se retrouvent à Lompian. C’est un moment décisif. En effet, avec l’abbé Larribeau, elles parlent longuement du « cher projet » et, signe qu’un pas en avant est réalisé, les associées reçoivent des noms de religion. (cf. 239 : 1° fois Sr Marie de la Conception ; 233-234)

Le 20 juillet, elle écrit à Agathe :

« Faisons notre noviciat, afin d’être toutes polies pour être mises en œuvre quand l’édifice se commencera. » (241,6-7)

Mais qui va rédiger les Constitutions ? Sollicité, l’abbé Larribeau ne s’en sent pas capable, l’abbé Laumont, curé de Sainte Radegonde, accepte d’élaborer un projet. Lorsque le Père Chaminade le reçoit, il le trouve trop imparfait et le reprend lui-même, non sans consulter d’autres textes de constitutions.

« … Je désirerais qu’à la fête de la Conception de la Sainte Vierge ou pendant l’octave, vous et vos chères compagnes, vous vous borniez à faire le seul voeu de chasteté pour six mois ; dans cet intervalle, et même d’ici la Purification, j’espère vous fixer assez pour que vous puissiez commencer un noviciat en règle. Patience et courage !… » (Lettre de M. Chaminade du 1.12.1814)

Pour la fête de la Conception de Marie, Adèle et ses amies émettent en privé le vœu de chasteté. Adèle propose de porter un anneau d’argent comme symbole de leur don total au Christ. (cf.259)

L’année suivante est une année de maturation. Le Père Chaminade consolide les Congrégations mariales dans le diocèse d’Agen où l’évêque, Mgr Jacoupy, les approuve et les encourage. (263 à Mme Belloc)

Dans le courant du mois de mars, l’oppression religieuse reprend. Le Père Chaminade est arrêté puis relâché. Le 18 juin 1815, le baron de Trenquelléon meurt dans la paix et la sérénité après de longs mois de souffrance.

Le Père Chaminade poursuit son travail sur les constitutions, il précise le but du futur Institut :

« Vous serez réellement religieuses. Marie, l’auguste Mère de Jésus, doit être votre modèle comme elle est votre patronne…

Quant à ce qui doit vous distinguer des autres ordres, c’est le zèle pour le salut des âmes… Votre communauté sera toute composée de religieuses missionnaires. » (3.10.1815)

Au mois de décembre, les Constitutions sont prêtes. En février suivant, le bail, concernant la location à Agen d’une partie de l’ancien couvent du « Refuge », est signé.

La fondation – Développement de l’Institut

Et le 25 mai 1816, avec trois amies, Adèle quitte le château pour le refuge à Agen où les attendent Madame Belloc et deux autres futures religieuses. Mademoiselle de Lamourous, fondatrice de la Miséricorde à Bordeaux, arrive peu après, envoyée par le Père Chaminade, pour initier les futures religieuses à leur nouvelle vie.

Le 8 juin, le Père Chaminade apporte le texte des Constitutions.Il reste avec la petite communauté jusqu’au début du mois de juillet, expliquant les Constitutions et initiant à la pratique de la vie religieuse. Avant de repartir pour Bordeaux, il nomme Adèle supérieure du couvent.

Le jour de Noël, les sœurs sont autorisées à revêtir l’habit religieux.

Enfin le 25 juillet 1817, dans le secret du confessionnal, Adèle et ses huit premières compagnes font profession perpétuelle. Une novice fait des vœux temporaires. Et peu à peu la vie s’organise au couvent de l’Immaculée Conception, c’est ainsi que s’appelle la maison d’Agen.

Les activités se multiplient. C’est tout d’abord la Congrégation qui occupe les sœurs (nous y reviendrons plus loin). C’est l’école gratuite pour les enfants pauvres d’Agen les catéchismes, la préparation à la première communion, ce sont les retraites personnelles ou en groupe, c’est l’ouvroir qui permet de donner à des jeunes filles modestes, à leur sortie de l’école, une certaine formation. C’est enfin l’œuvre des pauvres mendiantes (une centaine de femmes que Sr Saint François réunit une fois par semaine. Elle leur parle, souvent en patois pour qu’elles comprennent mieux, leur donne une aumône, mais surtout se préoccupe de leur vie spirituelle. Elle en prépare de quarante à soixante ans à leur première communion, d’autres à la confirmation.)

Et puis il y a la vie de communauté, stimulée par la récollection mensuelle et la retraite annuelle habituellement prêchée par le Père Chaminade.

En 1820, les sœurs quittent le refuge où elles tombent malades les unes après les autres, pour le couvent des Augustins, mieux exposé et entouré d’un grand jardin. Le lendemain du déménagement, une petite colonie de six sœurs prend le chemin de Tonneins qui devient la deuxième maison de l’ordre.

En 1824, nouvelle fondation à Condom et transfert du noviciat à Bordeaux. La même année, Mgr Jacoupy approuve par écrit l’Institut des Filles de Marie.

En 1826, c’est le départ pour une fondation lointaine : Arbois dans le Jura, les sœurs mettent 20 jours pour parvenir en Franche-Comté !

Déjà la santé de Mère Adèle l’a obligée à ralentir ses activités à plusieurs reprises. L’année 1827 voit son état se détériorer de plus en plus.Finalement, le 10 janvier 1828, après s’être écriée : « Hosanna Filio David ! » elle fait le passage vers le Bien-Aimé. Elle est désormais toute au divin Epoux. Elle n’a pas 39 ans !

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