Ce qu’Adèle encourage les membres de la Petite Société à vivre

Le contexte

Adèle est née le 10 juin 1789, elle rentre en France, après l’exil, elle a 11 ans.

Elle est frappée par le contraste entre l’Espagne, fervente et où les chrétiens sont heureux de l’être et la pauvreté des campagnes. Les saccages causés par les bandes révolutionnaires aux églises de campagne, le manque de prêtres… C’est dans ce contexte qu’Adèle va vouloir vivre sa relation à Jésus Christ.

Sa rencontre avec Jésus dans l’Eucharistie, préparée entre Noël et l’Epiphanie a laissé une empreinte forte. N’a-t-elle pas exprimé à ses parents le désir de rester en Espagne pour pouvoir devenir carmélite, c’est-à-dire se donner totalement à Celui qu’elle a reçu lors de sa première communion ?

Deux ans à peine après son retour en France, elle va recevoir la Confirmation. Elle s’est préparée à ce grand moment par six semaines chez les carmélites d’Agen qui vivent dans la clandestinité. Elle y prendra le goût de l’oraison et le rendez-vous de 3 heures au Calvaire.

La confirmation va lui insuffler la grâce missionnaire, la grâce apostolique. Elle va avoir le désir de faire connaître, aimer et servir Jésus Christ partout et par tous.

Elle accompagne sa maman qui va faire le catéchisme, visiter les malades pour leur porter le réconfort et la paix que donnent la foi et l’espérance.

C’est en partageant ce souffle missionnaire avec Jeanne, son amie de confirmation et M. Ducourneau, chargé de l’éducation de son frère (ancien séminariste qui reprendra le séminaire un peu plus tard), que naît la fondation de la « Petite Société ».

Qu’est-ce qu’Adèle conseille ?

Vivre des sacrements

Le baptême et la confirmation

Ainsi pour se préparer à l’anniversaire de son baptême, elle va avoir 25 ans, elle exhorte son amie, Amélie à faire « un meilleur usage des années que le bon Dieu nous accorde (…) Tant de solennités que nous célébrons sont bien faites pour ranimer notre zèle, le purifier et l’enflammer à la vue de celui des Apôtres. Vous savez que nous devons être de’ petits apôtres’. » 230.6-7-8

Ranimer le zèle, le purifier, l’enflammer à la vue de celui des apôtres

Une fois religieuse, elle expliquera à Mère Emilie de Rodat ce que les Sœurs cherchent à inculquer à travers la formation qu’elles donnent aux jeunes congréganistes (membres des fraternités) :

« Nous voulons faire de nos Congréganistes de petites Missionnaires, si j’ose dire, qui répandent dans leurs familles et dans la ville, la semence que nous répandons dans leurs cœurs. (…) les unes dans leurs campagnes rassemblent les enfants pour les instruire ; d’autres vont faire le catéchisme aux prisonniers etc. » 414.11

Elle invite les associées à célébrer l’anniversaire de leur baptême et à se renouveler dans le sacrement de la confirmation à l’occasion de chaque fête de Pentecôte.

« L’avons-nous reçu cet Esprit de flamme et d’amour ? Ce sont nos œuvres qui doivent nous le prouver. Car, vous savez que les Apôtres au sortir du Cénacle furent des hommes tout changés : de lâches, de timides qu’ils étaient auparavant, ils devinrent tout ardents et prêts à soutenir la foi en Jésus-Christ au péril même de leur vie. Sommes-nous aussi changées, ma bonne Agathe ? … Soyons donc ferventes dans les bonnes œuvres. » 82.4.5.6 cf.81.2 – 125.3 – 304.5

Et dans une autre lettre elle écrit : Transformés, « les Apôtres furent prêcher et convertir toutes les nations ; » alors continue-t-elle, pour nous, « tâchons par nos exemples, nos conseils donnés à propos, de contribuer au salut des âmes. C’est un des buts de notre Société… Que nous serions heureuses si nous pouvions coopérer au salut d’une âme rachetée par le sang d’un Dieu ! » 82.6

Elle sait qu’il n’est pas toujours facile de témoigner : « le respect humain ne (doit plus nous rendre) muettes. Quand il s’agit de témoigner notre religion, moquons-nous des discours et de l’attention du monde ; ne cherchons à plaire qu’à Dieu. » 125.4

à un encouragement fort à vivre de la grâce du baptême et de la confirmation. Nous pouvons puiser là la force du témoignage dans le milieu où nous vivons : famille, travail, loisirs etc…

L’Eucharistie (la communion)

Elle éprouve elle-même un grande joie à communier et ne peut qu’inviter ses amies à faire de même : « Allons avec confiance trouver un Dieu si bon, qui nous aime tant, qui a tant de joie de nous voir à sa Table ! » 86.6

Elle est heureuse d’aller communier car elle sait qu’en faisant ainsi elle répond à l’attente de son Seigneur qui « met ses délices à fréquenter les enfants des hommes. » (cf. Prov. 8,31) Communier, c’est une joie pour elle car c’est aussi une joie pour Celui à qui elle veut appartenir totalement.

Et c’est ainsi qu’elle avance de communion en communion, vivant de cette union intime avec son Seigneur.

« Allons, aimons Dieu autant que le demande un tel amour de sa part. Vivons de la vie de Dieu puisque nous vivons de la Chair d’un Dieu. 183.3 « Prenons les qualités de la nourriture dont nous nous nourrissons. » 203.4

Vivre de la vie de Dieu c’est adopter les mœurs de notre Dieu, c’est devenir peu à peu semblable à Jésus, doux et humble de cœur. C’est ainsi qu’elle écrit : « ornons (notre cœur) des vertus qui lui sont les plus chères surtout la douceur et l’humilité ; (…) appliquons-nous y avec une attention toute particulière puisqu’il les appelle Lui-même les vertus de son Cœur. » 97.7

Elle invite à aller « puiser à la source de la divine Eucharistie » 313.4 la grâce qui nous est nécessaire pour accomplir notre mission, cette mission qui nous dépasse toujours et devant laquelle nous avons tendance à nous décourager. Mais avec le secours de la grâce, nous parviendrons à vaincre tous les obstacles.

Il faut trouver sa force « dans le recueillement et la sainte communion » 684.9 En nous en remettant à Lui, nous lui permettons de réaliser son œuvre en nous et à travers nous.

La rencontre avec Jésus dans l’Eucharistie peut se prolonger à travers tout ce que nous vivons : c’est une communion de tous les instants, si nous l’acceptons, le Seigneur ne nous quittant que si nous le quittons.

Le sacrement de la réconciliation ou la confession, comme elle dit

Pour situer ce sacrement, je commence avec cette belle citation :

« Et pourriez-vous, mon adorable Père,
ne pas recevoir vos enfants
quand ils viennent se jeter comme l’enfant prodigue
entre les bras du plus miséricordieux
et du plus tendre des pères ?
Nous revenons donc à vous, ô Père infiniment aimable,
avec toute la confiance que nous inspire votre infinie bonté. » 5.2

Au moment où vit Adèle il est impossible de vouloir communier sans s’être confessé la veille. (Une fois religieuse, le confesseur viendra régulièrement toutes les semaines, permettant une participation régulière à l’Eucharistie). Elle parle donc fréquemment de ce sacrement en lien avec la communion.

« Songeons que la participation aux sacrements est l’affaire la plus importante de notre vie. Préparons-nous y donc avec le plus grand soin. Evitons le péché ; tenons-nous dans une grande pureté de conscience ; détachons-nous des créatures pour nous attacher uniquement au Créateur car Il doit se donner tout à nous. N’est-il pas juste que nous ne lui refusions rien. » 110.7

Adèle a une grande conscience du don que Dieu lui fait à travers les sacrements : se préparer, éviter le péché, se tenir dans une grande pureté de conscience, se détacher des créatures et tout cela pour s’attacher totalement à Celui qui se donne totalement.

Voici la description qu’elle donne à Agathe Diché et donc à ses amies du Sacrement du pardon (elle a alors 16 ans)

« Que Dieu est bon de nous pardonner toujours malgré nos continuelles offenses. Il a établi un Sacrement où chaque fois que nous le recevons en bonnes dispositions il nous pardonne et nous remet de nouveau dans l’innocence que nous avions perdue. Nous avions défiguré en nous l’image du Créateur ; il se plaît dans ce sacrement de paix et de réconciliation de nous en retracer l’empreinte. Que nous serions donc coupables si nous négligions un si puissant remède à nos maux.

Les biens qu’il nous procure, cette paix intérieure qu’il nous rend, ne valent-ils pas bien la peine de supporter les désagréments et la honte qu’on ressent d’en user ? Regardons le ministre dans le Sacré tribunal comme tenant la place de Jésus Christ. Pensons que c’est à ce Dieu bon et miséricordieux et qui sait tout ce que nous faisons, que nous allons nous accuser. Ne regardons plus l’homme mais celui dont il tient la place. Recevons avec respect et obéissance ses ordres et ses conseils : Dieu parle par sa bouche. C’est par lui qu’il nous fait connaître ses volontés.

Apportons-y désormais un grand regret du passé et de fermes résolutions pour l’avenir, et nous verrons que nous en sortirons bien plus fortes pour résister aux attaques du démon. Il nous tente, il rôde autour de nous, mais avec la force de Jésus Christ nous le vaincrons. Nous ne pouvons rien, « mais nous pouvons tout en Celui qui nous fortifie ! » 18.1,2,3

Adèle se situe d’emblée dans une démarche de foi : foi car il s’agit bien de croire que Dieu est toujours prêt à pardonner.

Combien de fois notre imagination ne cherche-t-elle pas à nous faire croire que ce que nous avons fait est impardonnable ?

Foi pour voir au-delà du prêtre le Père lui-même qui nous accueille et nous parle, nous faisant connaître sa volonté, foi encore dans la grâce qui est donnée et qui permettra de résister aux tentations et de vaincre le mal, foi en Celui qui nous fortifie et avec qui nous pouvons tout.

Dieu accorde toujours son pardon, Adèle en est profondément convaincue.

« Je veux espérer tout de la bonté de Dieu qui est toujours prêt à pardonner à un vrai repentir. O mon Dieu ! ce repentir est encore un don de votre grâce : daignez me l’accorder. » 141.6

« En effet, la miséricorde de Dieu est bien grande. Ah ! comme elle doit nous le faire aimer ! Il nous pardonne quand nous revenons sincèrement à lui quelque grand crime que nous ayons commis. 5.2,3

« Mais je ne veux regarder que la bonté, la miséricorde de mon Dieu qui m’invite avec une bonté toute paternelle, et qui, comme le père de l’enfant prodigue, veut faire un festin de réjouissances pour mon retour. » 206.4

Oui, voilà bien la miséricorde de notre Dieu qui, loin de nous reprocher notre péché, veut nous offrir un grand banquet, veut faire la fête.

Un peu comme la petite Thérèse, Adèle a une grande idée de l’amour paternel de Dieu.

Tout en ayant une conscience forte de la gravité du péché, elle ne s’y complaît pas, elle court vers son Père, certaine de sa tendresse qui l’a conduit à livrer son Fils Bien Aimé aux mains des pécheurs, dévoilant par là le prix que chacun/chacune a pour lui.

Mais Dieu attend patiemment notre retour. Il ne nous contraint pas, il nous laisse libres de revenir à la maison…

Demander pardon c’est bien mais cela nous engage au moins à faire ce qui est en notre pouvoir pour chercher à ne plus offenser Celui qui nous aime tant.

« en lui demandant le pardon de nos offenses, protestons-lui que nous ne voulons plus l’offenser. Evitons le péché, les occasions du péché, tâchons de lui plaire en tout, de faire en tout sa très adorable volonté.

Aimons-le enfin, et avec cet amour tout nous sera facile. Voudrions-nous faire de la peine à quelqu’un que nous aimerions bien tendrement ? » 34. 1 à 5

Adèle nous présente les deux faces de notre retour vers le Père : chercher à ne plus le peiner en évitant le péché, les occasions qui nous mettent en danger et dans le même temps elle nous invite à tout miser sur l’amour.

Plaire à Dieu, chercher à faire sa volonté, cela nous dynamise. Adèle prend un exemple de la vie quotidienne : qui voudrait faire de la peine à un être aimé tendrement ? Il doit donc en être de même pour notre relation avec le Seigneur.

Adèle aime à renvoyer à l’exemple de Madeleine à qui le Seigneur a remis ses nombreux péchés parce qu’elle a beaucoup aimé.

Prier et accueillir la Parole de Dieu

Adèle, très jeune, accorde une grande place à la prière. Quand M. Ducourneau lui prépare un règlement de vie spirituelle, il lui propose deux fois une demi-heure d’oraison par jour, plus la lecture, la prière du chapelet…C’est vrai que c’est en vue de sa vocation au carmel.

Cependant elle invite les membres de la petite société à la prière. Elle se confie à la prière de ses amies : « Priez pour moi et pour une personne à qui je m’intéresse beaucoup et qui a besoin de prières dans ce moment-ci. » 11.5

Elle compte sur la prière : « Recourons à la prière, demandons le secours de Dieu et nous vaincrons. » 25.4

Elle propose des intentions :

« Je recommande à vos prières et à celles de la Société, mon frère et mon cousin, vendredi en huit, qui doivent recevoir l’absolution pour être confirmés le lendemain. »

« Priez Dieu pour notre petite jeunesse. »226.6

« Le pauvre papa est de plus en plus dans un triste état. (…) Priez pour lui, je vous en conjure. » 264.5

« Prion s pour les pécheurs (deux mariages catholiques avec des protestants)(…) il y a aussi un jeune homme que menace le même malheur. » 283.7

« Malgré nos craintes, le pauvre Mr Dousset s’est efforcé, quoiqu’en souffrant beaucoup, de faire toutes ses fonctions le jour de Noël. Priez pour lui. Je crains qu’une infirmité ne le menace. Le curé d’Aiguillon, est, m’a-t-on dit, tombé de paralysie mais va un peu mieux. Le Père Bareau s’en va tous les jours. Ah ! chère amie, prions pour cette moisson si abondante et qui va se trouver presque sans ouvriers. Redoublons de ferveur. » 287.5.6

« Tout peut, et tout devrait être prière pour un chrétien. Faisons tout pour Dieu et alors tout nous sera prière. (…) Ne faisons aucune action que nous ne puissions lui offrir. » 277.4

C’est la Parole de Dieu qui va nourrir et la prière et l’action

Reçue dans la foi, à la façon de Marie (cf. Lc 8,21 ; 12,27), la Parole va s’incarner : » Hâtons-nous donc de mettre à profit la parole que nous avons le bonheur d’entendre » 70.5

Il s’agit bien en effet de chercher à voir ce que la Parole signifie pour nous, afin de lui donner corps dans notre vie.

Adèle nous dit par exemple : « Je vous donne rendez-vous, dimanche, avec les apôtres à qui Jésus-Christ apparut en leur disant :la paix soit avec vous ! ‘ Nous nous représenterons y être et entendre cette douce parole et nous prendrons la ferme résolution de vivre en paix avec tout le monde. » 37.5

Jésus nous souhaite la Paix, à nous de la bâtir là où nous sommes. Adèle prend vraiment au sérieux la Parole car c’est alors Jésus qui parle et lui dit ce qu’il attend. Elle va chercher à vivre dans cette lumière mettant en harmonie sa vie et ce qu’elle a perçu de l’appel du Christ.

La Parole est vie, lumière, force, défi. Cette Parole de Dieu qu’elle médite chaque jour avec amour Adèle cherche non seulement à l’incarner dans ses actions quotidiennes mais encore à la partager à ses amies, les invitant à faire de même.

C’est, pour elle, le meilleur moyen de porter remède à la situation dans laquelle se trouve le monde.

Elle la propose à partir d’une parole tirée des psaumes, d’un verset de l’Evangile, à répéter au cours de la journée de façon à en féconder les moindres actions.

Elle la propose encore à partir de la méditation de la liturgie, des fêtes de la Vierge. A l’Annonciation, elle médite les attitudes de la Vierge pour que ses correspondantes s’en inspirent dans leur vie.

Elle part de la Parole pour aider ses amies à se préparer aux Sacrements en particulier l’Eucharistie et la Réconciliation.

Le meilleur moyen de se préparer à recevoir le pardon du Seigneur, assure-t-elle, c’est de chercher à vivre en se rappelant au nom de qui l’on agit. Si la Parole de Dieu semble lui être con-naturelle, c’est parce qu’elle en vit.

Conseils pour vivre de la Parole

Par rapport à notre attitude vis-à-vis de la Parole de Dieu elle nous donne quelques conseils. Elle nous invite

  • à nous en nourrir, « Demandons à Jésus-Christ qu’Il nous nourrisse de sa Parole. » 83.7
  • à nous en rappeler au fil de la journée (et pourquoi pas « quand l’horloge sonne » ?) pour qu’elle puisse vivifier ce que nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous disons.
  • à l’écouter et à la proclamer avec respect
  • à prier à l’aide de cette Parole « prions pour les hommes et ne cessons de demander grâce pour eux par les paroles consacrées par notre divin Sauveur : Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » 64.4

Elle rappelle souvent que seul un cœur humble peut accueillir la Parole. « Notre impuissance sera le siège de sa toute-puissance, et notre faiblesse, celui de sa force, notre misère, celui de sa miséricorde. » 617.3

Servir le prochain

Elle donne l’exemple et invite ses amies à faire de même

Son premier prochain ce sont ses parents. Dans le règlement de vie spirituelle qu’il lui propose M. Ducourneau, insiste sur l’obéissance à ses parents. Et Adèle y sera très fidèle. Elle accompagne sa maman dans les visites aux malades, aux familles démunies.

Avec elle, elle fait le catéchisme aux enfants. Lorsque son papa tombe malade et se retrouve paralysé, elle le soigne avec un dévouement fait d’affection, de délicatesse, de grande attention au malade. Elle prend son ouvrage et s’installe auprès de lui pour le faire soit dans la maison soit dans la prairie attenante à la propriété.

Jeune fille, elle ouvre une petite école au château pour les enfants des hameaux voisins. Elle les sollicite pour leur apprendre non seulement à lire, écrire, compter mais encore à connaître, aimer Jésus et Marie.

Elle leur apprend à prier. Ses petits élèves arrivent à n’importe quelle heure, elle se rend disponible pour les accueillir. Elle encourage ses amies à faire de même. Elle s’intéresse aux enfants dont s’occupe Charlotte de la Chapelle.

« Priez pour plusieurs de mes écoliers et écolières qui vont faire la première communion pour la Fête Dieu (…) Et vos enfants d’Aurens ? » 304.6.7

Servir le prochain c’est encore avoir le souci des pauvres. Et ils sont nombreux à cette époque. Il y a ceux qui passent au château et qu’elle tient à servir elle-même.

Il y a ceux des familles voisines auxquelles elle vient en aide avec la caisse des pauvres (caisse qu’elle alimente par de l’élevage de volailles, de porcs, par de la couture, de la broderie). Elle stimule ses amies à faire de même et ensemble elles répondent à de situations particulièrement importantes telle la prise en charge de Dubrana pour qu’il puisse aller au petit séminaire et répondre à sa vocation.

Elles vont toutes apporter leur pierre pour cela. De 1813 à 1825, elles vont s’occuper de lui. Il sera ordonné prêtre à Agen le 28 mai 1825.

« Julie vous aura porté une robe d’Elisa (sa cousine) pour donner à la petite Montesquiou. Nous lui avons envoyé un sac de pommes de terre. » 250.8

Servir le prochain ce sera encore inviter les personnes gravement malades à recourir au sacrement des malades. (l’Extrême Onction)

« L’état d’illusion sur son état, où est votre pauvre cousine (d’Agathe) m’affecte. Il me semble, sauf meilleur avis, qu’en conscience on serait obligé de lui insinuer son état. Et puis, c’est mal de différer l’Extrême Onction jusqu’à ce qu’on n’ait plus de connaissance, et, par conséquent, qu’on ne puisse retirer de ce sacrement tout le fruit qu’il peut produire. Il peut rendre la santé, s’il est plus expédient pour le salut. Comment vouloir attendre à l’extrémité, où ce serait une espèce de miracle.

Ce sacrement fortifie contre les tentations à l’heure de la mort ; pourquoi donc différer de le donner, une fois qu’on est dans un danger pressant de mort ? Et puis, quel regret, si elle vous échappait avant d’avoir reçu un sacrement si salutaire, et qui efface bien des péchés véniels et des restes de satisfaction, par conséquent, qui délivre de quelque temps de Purgatoire! Quelle peine aurait une âme, de se voir retenue longtemps en Purgatoire faute d’avoir reçu l’Extrême Onction ! » Lettre 210.4.5

Servir le prochain c’est ce qu’Adèle fait elle-même à travers ses lettres : encourager à vivre le plus pleinement possible sa vie chrétienne.

Enfin Adèle encourage constamment ses amies. Elle engage à avancer dans la confiance, dans l’espérance car elle se ait aimée infiniment par le Seigneur. Elle invite chacune à avancer sans peur car chacune/chacun est l’objet d’un amour de prédilection de la part du Seigneur.

Valoriser le travail

Elle attache de l’importance aux soins de la maison. M. Ducourneau le lui avait recommandé. Elle le fait et cela la prépare à sa future mission de fondatrice : elle saura parler avec les ouvriers chargés de travaux, s’intéresser à l’achat du bois, du vin…

Elle n’a pas peur de s’adonner à l’élevage. On se souvient de l’épisode du porcelet mort à peine acheté parce qu’il y avait du poison pour les rats dans l’auge qu’on lui avait donné.

Adèle avait vidé la caisse des pauvres pour acheter ce porcelet qui, une fois engraissé et vendu aurait rapporté une belle somme en faveur des pauvres. Son père voyant toute sa peine a alors racheté un autre porcelet.

Elle consacre de nombreuses heures à la broderie, à la couture. Ses lettres s’achèvent souvent par des commissions pour Agathe qui se trouve à Agen :

« Je vous enverrai mercredi une livre de laine pour que vous ayez la bonté de me la faire filer de suite pour des bas. » 190.10

« Dites-lui de m’envoyer la laine quand elle sera filée. »  285.8

« La doume est grise et achetée chez Paillassis, sous les Cornières. Elle coûte, je crois, 3fr15 ou 4fr5. Je n’en suis pas bien sûre. Mais c’est la canne (1,60 m à Toulouse ou 1,98m à Paris), je n’en voudrais qu’une aulne (1,18m).

Coupez-moi, je vous prie, les chemises pour Dubrana, et envoyez-les moi. Mais je suis pressée pour celle de Jean Sen. » 276.13

« J’envoie à nos chères sœurs Falagret une chemise de Dubrana à faire. Je ne veux pas les priver du mérite de travailler pour nos protégés, n’ayant pas pu faire celle de Jean Sen. » 277.7

« Je vous prie de tâcher d’acheter de quoi faire une lévite à Dubrana. Avez-vous fait teindre les bas qu’avait faits Alexandrine ? Mme Falagret a-t-elle fait la chemise ? » 280.8

« Chère amie, Mr Laumont me prend le petit Tricoulet, jugez de ma joie. Envoyez-moi, samedi sans faute, autant de la même étoffe que vous m’en avez envoyé, c’est-à-dire une canne et demie ; j’en suis très pressée, c’est pour ce cher petit. » 282.8.9

On pourrait multiplier les exemples. Elle ne ménage pas sans peine pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin et elle engage fortement ses associées dans cette attention aux autres.

Vivre avec Marie

Dès le début, la « Petite Société » fondée avec son amie Jeanne est mise sous la protection de Marie. L’article 3 du Règlement précisait : « chaque membre se mettra sous la protection spéciale de la sainte Vierge par une communion faite à ce dessein. » (Lettres Vol. I p.422)

C’est ainsi qu’elle écrit, avant sa rencontre avec le père Chaminade, « Ayons souvent recours à la protectrice de la Société. Oh ! Qu’Elle est puissante auprès de son Fils ! Mettons-nous bien sous sa sauvegarde. Nous sommes ses enfants particulières, » 88.11

Par l’appartenance à la Société et par l’habit du scapulaire, pratique qu’Adèle a rapportée de son séjour au carmel pour y préparer sa confirmation et signe de la protection de Marie.

Cette conscience d’être enfant de Marie la conduira à avoir une confiance inébranlable dans l’intercession de sa Mère, à faire souvent appel à sa protection pour ses amies, les siens, l’Institut, le noviciat, les vocations : elle confie tout à Celle qui est « la plus tendre des Mères » et que son Fils a instituée « dispensatrice de ses grâces ».

Lorsque Adèle découvre la consécration à Marie que le Père Chaminade propose aux membres de la Congrégation, elle se réjouit et engage ses correspondantes à se donner à Marie « par la consécration qui est dans le Manuel du Serviteur de Marie ».91.6

Elle a même cette formule : « je priai notre divine Mère, le jour de sa Présentation, d’offrir à son divin Fils, toute sa petite famille conjointement avec Elle. » 256.2

Ainsi Marie prend-Elle ceux qui se donnent à Elle pour les donner à son Fils. Situant bien Marie dans le plan de Dieu et consciente que Marie ne garde rien pour Elle mais fait tout remonter vers le Père. Il n’est de véritable consécration qu’à Dieu, Adèle semble l’avoir compris puisqu’elle s’unit à Marie pour se livrer totalement à son Fils.

Lorsque, encouragée par Adèle, Mélanie, une associée, établit la Congrégation à Pau, celle-ci lui explique que, par la consécration, Marie « devient réellement notre Mère et nous devenons ses enfants. » 469.3

Elle se réjouit « de préserver des jeunes cœurs des griffes du démon en les mettant dans le giron de Marie. » 467.7 Le giron de Marie, c’est son cœur où Elle accueille tous ceux qui ont recours à Elle, qui s’en remettent à Elle, qui L’invoquent.

C’est, pour nos Fondateurs, dans le sein de sa tendresse maternelle que Marie forme ses enfants à la ressemblance de son Fils premier-né. Alors, pour « procurer la gloire de Dieu et la sanctification des âmes, (Adèle) invite à les placer dans le sein de Marie ». cf.480.2

Sur la Croix, Jésus, en regardant Jean, nous a confiés à sa Mère. Il nous a dévoilé sa maternité et depuis lors « Marie ne cesse d’apporter la coopération de son amour maternel à la naissance et à l’éducation des croyants ». (cf. Lumen Gentium 63)

En conclusion : En route vers la sainteté

Adèle est habitée par cette conviction que les saints ne sont pas faits d’avance, qu’ils le sont devenus à force de correspondre aux appels du Seigneur, à force aussi de se relever et de se remettre en route dans la confiance : « jamais de découragement, fissions-nous mille fautes par jour, relevons-nous avec confiance (…) Le juste tombe, mais il se relève voilà la différence avec le pécheur. » 419.4

La sainteté est un chemin, un chemin à la suite du Christ qui nous appelle à prendre notre croix de chaque jour et à marcher derrière lui (cf. Mc 8,34).

Il n’est pas surprenant, dès lors, que la voie de la sainteté passe par les ténèbres, par la mort avant de déboucher sur la lumière, sur la vie. La voie de la sainteté emprunte le chemin que le Christ a suivi dans sa Pâque. « Nous sommes dans la carrière des saints, n’abandonnons pas les sacrés étendards de la Croix ! L’enseigne est déployée, les saints nous ont précédées, la route est tracée. » 439.4

Pour avancer sur le chemin de la sainteté voici ce qu’Adèle nous propose que nous soyons laïcs, religieux, religieuses : Tout pour Dieu, Tout avec Marie, Tout par amour.

Article Attachments

Est-ce que cet article vous a aidé ?

Articles similaires