Bicentenaire d’Adèle de Batz de Trenquelléon

Homélie en l’honneur de la vénérable servante de Dieu, Marie de la Conception Adèle de Batz de Trenquelléon

L’Eglise, notre mère, notre éducatrice, se plaît à accueillir dans son jardin les fleurs que l’Esprit Saint y fait éclore pour les proposer à notre admiration, notre action de grâce, notre imitation.

Ce soir, par elle invités, nos regards de croyants se tournent vers une de ces fleurs, la Vénérable Marie de la Conception, une fille de chez nous, de l’Aquitaine. Après avoir attentivement relu sa vie, en la déclarant vénérable, l’Eglise la propose dès maintenant à notre admiration et nous invite à prendre appui sur elle comme sur une sœur aînée pour vivre notre aventure de baptisés.

J’ai lu dans un article qui lui est consacré : « Baptisée quelques heures après sa naissance, elle ne voulut jamais connaître d’autre noblesse que celle de son baptême et ce fut le secret de sa sainteté. »

C’est aussi le nôtre, et je viens d’écrire mon message de carême sur l’appel universel à la sainteté.

Le baptême est une semence de sainteté. Nous sommes tous invités à devenir des saints. Et c’est pour nous stimuler dans cette marche vers la sainteté que l’Eglise nous invite à mettre nos pas dans le sillage de ceux et celles qui, dès cette terre, ont laissé davantage transparaître la puissance et la fécondité de l’amour de Dieu.

* * *

Il nous arrive de trouver difficile et aride le temps que nous vivons. Aussi est-il important de nous rappeler l’époque dans laquelle se situe la brève vie terrestre de Mère Marie de la Conception : 10 juin 1789 – 10 janvier 1828.

Toute l’enfance et l’adolescence de notre sœur se sont déroulées dans l’insécurité et les dangers de cette période tourmentée de la Révolution française, de l’Empire, et, à cause d’elle, elle a connu la séparation de ses parents, l’exil en Espagne et au Portugal.

Sa vie témoigne, comme d’ailleurs celle du Père Chamade, de Mère Thérèse de Lamourette, du Père Bienvenu Noailles, de Monseigneur d’Aviau, que l’Esprit Saint n’était pas inactif en cette période de transformation profonde des structures sociales.

Il ne l’est pas non plus aujourd’hui, en ce changement d’époque et de monde que nous vivons. Et nous sommes conviés ce soir par Mère Marie de la Conception à une attention plus grande à toues les pousses printanières que faut surgir l’Esprit Saint aujourd’hui comme hier pour éclairer la route du peuple de Dieu.

Il est une parole de l’apôtre Paul qui donne la clef de l’aventure de sainteté que nous contemplons aujourd’hui : « Tout cela, nous a-t-il dit pour rendre compte de sa vie apostolique, je le fais à cause de l’Evangile » (1 Co 9, 23).

Je ne me trompe pas en pensant que Mère Marie de la Conception, aujourd’hui, la prend à son compte pour nous livrer le secret de sa vie et nous entraîner à sa suite.

A cause de l’Evangile, oui :
A cause de l’Evangile reçu
A cause de l’Evangile vécu
A cause de l’Evangile à partager ?

A cause de l’Evangile reçu !

L’Evangile, précisons-le, ce n’est pas d’abord un livre, c’est une Parole, c’est la Parole qui nous dit l’amour du Père, c’est Jésus Christ.

Au point de départ de la sainteté, de toute sainteté, il y a toujours la foi que nous accordons à cette révélation de l’amour de Dieu par Jésus Christ : une foi personnelle qui se nourrit de la foi de toute l’Eglise.

De fait, c’est d’abord par ses parents et surtout par sa mère qu’Adèle a reçu cette révélation. Elle avait d’ailleurs de qui tenir puisque sa généalogie rattachait sa famille au roi Saint Louis.

Et dès son enfance, les signes de l’amour du Christ ont beaucoup parlé dans son cœur. Je veux parler du sacrement de réconciliation, de l’Eucharistie à tel point que, dès l’âge de neuf ans, elle pensait à la vie religieuse c’est-à-dire à une vie tout entière donnée pour l’amour du Christ.

Elle nous rappelle aujourd’hui que Dieu parle beaucoup dans le cœur des enfants. Y sommes-nous assez attentifs ? Ce fut la grâce de Sœur Marie de rencontrer sur sa route des prêtres qui la rendront attentive à l’amour du Seigneur et notamment, le Père Chaminade qui, dès 1808, alors qu’elle avait 19 ans, devint son conseiller spirituel.

A cause de l’Evangile vécu !

La sainteté ne se réduit pas à une réflexion sur une parole et surtout à une discussion à son sujet, la discussion, a dit Bernanos, ce visage que prend la mort lorsqu’elle veut voyager incognito.

La sainteté, c ‘est une vie transformée par l’amour du Christ. « Ce n’est plus moi qui vit est allé jusqu’à dire Saint Paul, c’est le Christ qui vit en moi. »

Ce qui m’a frappée dans les paroles que vous avez glanées dans la correspondance pour mieux comprendre la Parole de Dieu de cette liturgie, c’est la place centrale que Mère Marie de la Conception accorde à la Croix comme chemin de vie, de sainteté.

Qu’il me suffise de citer ces quelques phrases.

« N’écoutons point, ne suivons point notre nature corrompue, suivons Jésus ; et pour le suivre, renonçons-nous nous-mêmes, car Il dit lui-même : ‘Si quelqu’un ne renonce pas à lui-même et ne porte pas sa croix, il n’est pas digne de moi’. »

Allons, ma bien chère amie, cheminons avec la croix à la suite de notre divin Maître. Reconnaissons ce principe de foi qu’il faut porter sa croix pour aller au ciel ! »

Il ne saurait s’agir d’une attitude morbide ! Il s’agit, dans le Christ et par le Christ, de la découverte d’un chemin d’amour et de vie.

Il n’y a de liberté pour l’homme que dans la mesure où il apprend, jour après jour, à ne plus vivre pour lui, mais pour Dieu et pour les autres.

C’est parce que le Christ a frayé par sa croix un chemin d’amour à travers tous les refus de l’homme qu’Il a ouvert à l’homme un chemin de résurrection.

Marie de la Conception a goûté très tôt avec son cœur d’enfant et de jeune à cette joie de la résurrection, d’une vie nouvelle à cause de l’Evangile.

Et sa vie a chanté l’Evangile à la manière dont le pensait François de Sales : « La sainteté est à l’Evangile ce qu’est une musique chantée à une musique notée. »

Mère Saint Vincent, qui lui a succédé à la tête de la Congrégation qu’elle a fondée, a dit d’elle : « Marie, notre auguste Mère, en a fait en peu de temps une règle vivante. Son exemple nous animait, nous fortifiait dans le chemin de la régularité, de la générosité. C’est bien elle qui réalisait dans sa conduite les belles paroles de notre digne fondateur : « si la règle venait à se perdre, il faudrait pouvoir la retrouver en suivant une Fille de Marie dans le détail de sa vie. »

A cause de l’Evangile à partager !

Comment goûter à la joie de la vie nouvelle dans le Christ sans éprouver comme Saint Paul le brûlant désir de se faire tout à tous pour en gagner le plus grand nombre !

Ce fut le cas de Sœur Marie.

Dès l’âge de 15 ans, elle fait preuve dans le cadre de sa vie familiale et de toutes ses relations d’un esprit apostolique qui est le fruit de son union au Christ nourrie par la prière et l’Eucharistie

Par elle les enfants reçoivent la bonne nouvelle du Christ, les malades et tous ceux qui souffrent un signe de la miséricorde de Dieu.

Elle entraîne les jeunes de son âge dans cette voie d’une vie donnée par amour pour Dieu et pour les autres, et c’est avec un groupe d’amies qu’avec l’aide du Père Chaminade, elle jette les bases de l’Institut de s Filles de Marie Immaculée.

Leur présence dans dix pays de quatre continents témoigne aujourd’hui d’un rayonnement de son cœur d’apôtre.

Ecoutons-la s’exprimer à travers ces quelques orientations données à la Congrégation naissante : « Oh ! Mon Dieu, mon cœur est trop petit pour vous aimer, mais il vous fera aimer de tant de cœurs que l’amour de tous ces cœurs suppléera à la faiblesse du mien. » – « A l’exemple de St Paul, faisons-nous toutes à toutes, c’est le grand devoir d’une supérieure. Soyons faibles avec les faibles, infirmes avec les infirmes… ».

C’est dans ce souci d’être transparente de l’amour du Christ qu’elle trouve un levier très fort pour sa progression dans la conformité à son Seigneur : « Soyons toutes douces et charitables pour notre prochain, faisons-nous tout à tous pour les gagner tous à Jésus Christ. L’idée et l’espoir de gagner une âme est bien propre à nous exciter à vaincre notre humeur et notre caractère et à la plier. Notre prochain et nous s’en trouveront bien ».

A cause de l’Evangile

Oui, telle est bien la clef du dynamisme de Sœur Marie de la Conception, mais en ajoutant à cause de l’Evangile reçu, Vécu, partagé à la manière de Marie et avec son aide.

La démarche de Sœur Marie de la Conception dans sa vie d’union au Christ et son œuvre apostolique est une démarche mariale, dans le sillage de celle du Père Chaminade.

Elle écrit en 1825 : « Nous ne pouvons plaire à notre céleste Epoux qu’en aimant sa Mère qu’Il aime tant et qu’Il a rendue dispensatrice de ses grâces ».

J’ai trouvé ces jours-ci, sur les lèvres de St Bernard, cette expression très parlante pour faire comprendre la place de Marie : « La boulangère du pain de vie ».

C’est en effet par elle que nous avons reçu et recevons encore ce don du Père, ce pain nourrissant venu du ciel qui a nom Jésus Christ, et c’est bien en nous mettant à son école que nos cœurs brûlent avec son cœur du désir de partager ce pain avec ceux qui ont faim.

Et comment mieux terminer que par ce passage du Décret sur l’héroïcité des vertus :

« Il ne fait pas de doute que l’imitation de Jésus Christ soit la voie royale qu’il faut suivre pour parvenir à la sainteté et reproduire en nous, dans la mesure de nos forces, la perfection absolue du Père céleste. Mais si l’Eglise catholique a toujours proclamé une vérité si sainte, elle a d’autre part affirmé que l’imitation de la Vierge Marie n’empêche nullement les âmes de suivre fidèlement le Christ, elle les incite au contraire davantage à marcher à sa suite, et avec plus de facilité, car, ayant toujours fait la volonté de Dieu, elle fut la première à mériter l’éloge que Jésus adressa à ses disciples : ‘Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère » (Mt 12, 50).

De ces paroles du Pape Paul VI commentant le magnifique chapitre VIII de Constitution dogmatique ‘Lumen Gentium’, la vie de la Servante de Dieu Marie de la Conception – Adèle de Batz de Trenquelléon dans le siècle – après et comme celle d’un Saint Bernard, d’un Saint Jean Eudes, d’un Saint Grignion de Montfort et de tant d’autres, offre une pertinente illustration.

Toute cette vie, en effet, courte mais marquée constamment, de l’enfance au dernier soupir, par la recherche de l’union à Dieu et par le dévouement au prochain, a été vécue dans un climat marial qui a favorisé visiblement l’ascension spirituelle et l’a dotée d’une tonalité qui lui assure un rayonnement permanent. »

Qu’avec l’aide de Marie de la Conception, à l’école de Marie, nous prenions part nous aussi, chacun selon notre mission, au rayonnement de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui.

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